M. Trump veut des certitudes sur l’origine des attaques menées contre le secteur pétrolier saoudien

Lors du dernier sommet du G7, le président américain, Donald Trump, s’était dit disposé à rencontrer son homologue iranien, Hassan Rohani, à condition que les « circonstances » fussent réunies. Cette inflexion avait été vue comme un « succès » de la diplomatie française, qui fit venir, à Biarritz, Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, en tant qu’invité « surprise ». Et le président Macron estima que ce « coup » avait permis de créer « les conditions d’une rencontre et donc d’un accord » entre Washington et Téhéran.

« Je pense que nous devons utiliser tous les outils pour [servir] les intérêts nationaux. […] Si je sais que je vais à une réunion susceptible de conduire à la prospérité dans mon pays et de régler les problèmes des gens, je n’hésite pas », avait affirmé M. Rohani, en réponse aux critiques faites par le camp conservateur au sujet de la visite de M. Zarif à Biarritz. Cependant, il avait mis deux conditions : la levée préalable des sanctions américaines qui frappent le secteur pétrolier iranien et l’autorisation du guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, qui, dans les faits, détient le pouvoir en Iran.

Depuis, et malgré les discussions avec les Européens, et la France en particulier, l’Iran a de nouveau réduit ses engagements pris dans le cadre de l’accord de Vienne sur son programme nucléaire [JCPOA]. Et le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump [et qui, cela a été oublié, n’a qu’un pouvoir d’influence et non de décision] , John Bolton, partisan d’une ligne très dure face à Téhéran, a été remercié.

Ce qui a été vu par la plupart des commentateurs comme le début d’une possible inflexion de la politique américaine à l’égard de l’Iran. D’ailleurs, le 15 septembre, la Maison Blanche a indiqué que M. Trump était toujours disposé à rencontrer son homologue iranien, malgré les accusations portées contre l’Iran après l’attaque, la veille, des sites pétroliers d’Abqaiq et de Khurais, exploités tous les deux par Aramco et représentant 5% de la production pétrolière mondiale.

Seulement, les conservateurs iraniens ne l’entendent pas de cette oreille, à commencer par le premier d’entre-eux. « De l’avis unanime de tous les responsables de la République islamique d’Iran, il n’y aura aucune négociation avec les États-Unis, à quelque niveau que ce soit », a en effet savoir l’ayatollah Khamenei, via son site Internet officiel.

Quoi qu’il en soit, l’attaque du 14 septembre contre deux sites pétroliers saoudiens cristallise les tensions. Les rebelles Houthis, qui combattent une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite au Yémen, l’ont revendiquée, en précisant qu’ils avaient utilisés des essaims de drones, sans doute des UAV-X [ou Samad-2/3], comme ce fut déjà le cas contre deux stations de pompage situées dans les environs de Riyad [en mai] et une installation de gaz naturel liquéfié saoudienne [en août].

En l’état actuel des choses, faire évoluer des drones en essaim est compliqué… Et le faire sur une distance supérieure à 1.000 km l’est davantage. En outre, les dégâts infligés aux installations pétrolières saoudiennes ne seraient pas compatibles avec ceux qu’aurait pu provoquer un tel mode opératoire… D’où des soupçons sur un éventuel usage de missiles. D’ailleurs, des photographie de débris confirmant cette hypothèse ont ensuite été diffusées via les réseaux sociaux. Seulement, il n’est pas possible de vérifier la date et l’endroit où elles ont été prises.

D’après des experts, les débris photographiés proviendraient d’un missile de croisière Soumar/Hoveyzeh, de conception iranienne, ou bien d’un modèle Quds-1, que les Houthis assurent avoir développé par leurs propres moyens. Ce qui, là encore, n’est pas confirmé.

Pour les spécialistes d’Arms Control Wonk, les photographies montreraient un missile Quds-1. Le problème est que, doté d’un moteur TJ100 [de conception tchèque], la portée de cet engin est incompatible avec un tir depuis les territores contrôlés par les Houthis au Yémen.

« Il semblerait plus probable que l’attaque provienne d’un endroit plus proche de l’est de l’Arabie saoudite que du nord du Yémen – potentiellement de l’Irak, de l’Iran ou peut-être même de navires », écrivent-ils. En outre, il est peu probable, selon eux, que les rebelles yéménites aient eu les moyens de développer un tel missile sans aide extérieure, c’est à dire sans un appui iranien.

Cependant, et sous réserve les informations soient confirmées, l’Iran ne dispose pas, dans son arsenal, d’engins de type Quds1… « À partir de 2018, plusieurs systèmes de missiles ont commencé à faire leur apparition au Yémen. Bien qu’ils soient largement similaires aux systèmes conçus par l’Iran, ils n’ont pas d’équivalent iranien. L’Iran conçoit-il, teste-t-il et fabrique-t-il secrètement des systèmes de missiles pour une utilisation exclusive par ses mandataires? », demande Arms Control Wonk.

Reste que, sans même présager du type de missile utilisé, l’hypothèse d’une attaque lancée depuis un autre pays que le Yémen fait son chemin.

« Le rayon d’action maximal des drones que possèdent les houthistes s’approche de la distance existant entre leurs territoires et les installations [saoudiennes] touchées […]. Mais les houthistes ne sont jamais allés aussi loin avec leurs drones par le passé. Des éléments accréditent l’idée d’un tir de missile, mais les missiles dont ils disposent n’ont pas la bonne portée. Tout porte à croire, à ce stade, que l’attaque – dont il reste à prouver qu’elle a impliqué des drones – a été lancée d’un autre pays que le Yémen », a résumé un spécialiste du conflit yéménite, dans les colonnes du journal Le Monde.

Au regard des moyens de détection, de commandement et de contrôle déployés par les forces américaines dans la région [voire par l’ensemble des forces occidentales], couplés à ceux dont dispose l’Arabie Saoudite, il est peu vraisemblable que personne n’ait pu détecter les missiles qui ont touché les sites d’Aramco.

« Nous attendons de connaître l’avis de l’Arabie saoudite sur qui ils voient à l’origine de cette attaque et de quelle manière nous pourrions procéder », a affirmé M. Trump, via Twitter, le 16 septembre, suggérant ainsi que les États-Unis ont une idée sur la question [le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait laissé entendre la même chose, en disant que « rien ne prouvait que ces attaques venaient du Yémen].

Mais, dans une déclaration ultérieure, M. Trump a laissé la place au doute… « Je ne veux de guerre avec personne, mais nous sommes préparés plus que quiconque » à un conflit. Est-ce que nous allons emprunter cette voie? Nous verrons », a aussi déclaré M. Trump, que l’on dit réticent à lancer de nouvelles opérations militaires à quelques mois de la prochaine élection présidentielle américaine. « Nous devons parler avec l’Arabie saoudite […]. Nous parlons aussi avec l’Europe […] mais je peux vous dire que c’était une très grosse attaque et notre pays pourrait très facilement y répondre par une attaque beaucoup plus grosse. Mais nous allons d’abord voir avec certitude qui a fait cela », a-t-il conclu.

Cela étant, le chef du Pentagone, Mark Esper, a assuré que les États-Unis défendraient « l’ordre international », « sapé par l’Iran » après l’attaque des installations pétrolières saoudiennes.

« Ce week-end j’ai parlé avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, et le ministre irakien de la Défense Najah al-Chemmari au sujet des récentes attaques sur des installations pétrolières saoudiennes », a continué M. Esper, avant d’avancer qu’il travaillait avec les « partenaires » des États-Unis pour répondre à cette « attaque sans précédent. »

L’Irak, où de nombreuses milices chiites pro-Téhéran sont actives, a assuré que son territoire n’avait pas servi à attaquer les sites pétroliers saoudiens. Ce que, d’après les autorités irakiennes, M. Pompeo aurait confirmé.

Photo : Digital Globe

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