Migrants : Prolongée de six mois, la mission navale européenne « Sophia » reste privée de navires

Parce que l’Italie, alors dirigée par une coalition gouvernementale « anti-système » formée par la Ligue et le Mouvement Cinq Étoiles [M5S], ne voulait plus être la seule à prendre en charge les migrants recueillis en Méditerranée centrale, la mission navale européenne EUNAVFOR Sophia, lancée en juin 2015 pour casser le modèle économique des passeurs libyens, fut menacée de ne pas être prolongée.

En effet, les règles de l’opération Sophia, dirigée par l’Italie, imposent que les migrants sauvés en mer par les navires européens soient débarqués dans des ports italiens.

Finalement, en mars dernier, et à l’initiative de la France, qui souhaitait sauver cette mission, il fut décidé de mettre en sommeil la composante navale pendant six mois, le temps d’y voir plus clair.

« C’est la France qui a proposé de mettre en sommeil la composante navale. L’opération était condamnée et sur le point de fermer en mars dernier. Nos ministères et notre ambassadeur au Comité Politique et de Sécurité [COPS] ont fermement pris la défense de Sophia. Les Etats membres n’étant pas en mesure de trouver un accord sur les ports de débarquement, la France a milité pour le maintien de l’opération au travers de sa composante aérienne et de ses états-majors, et pour la poursuite de la formation » des gardes-côtes libyens, avait expliqué le contre-amiral Olivier Bodhuin, le commandant adoint d’EUNAVFOR Sophia, lors d’une audition au Sénat, en juin dernier.

« Dès lors que nous proposions de retirer les bateaux momentanément, les contradicteurs n’avaient plus d’argument. C’est une victoire française, momentanée, qui laisse six mois pour trouver d’autres solutions. Si nous pouvions résoudre la question des ports de débarquement, nous pourrions agir plus efficacement avec toutes les composantes et travailler plus sereinement », avait ensuite ajouté l’officier.

Six mois plus tard, la situation politique en Italie a évolué. Alors ministre de l’Intérieur et secrétaire fédéral de la Ligue, Matteo Salvini a tenté un coup de poker en rompant avec le M5S, en vue de provoquer des élections anticipés qu’il comptait bien gagner au regard des résultats obtenus par son parti lors du dernier scrutin européen. Finalement, pour se maintenir à la tête du pays, son ancien allié s’est rapproché du Parti démocrate [centre-gauche], ce qui a donné lieu à un nouveau gouvernement.

Pour autant, ce changement n’a pas eu de conséquence sur l’opération Sophia. En effet, rapporte l’AFP, qui cite deux sources européennes au fait des discussions au sein du COPS, les États membres de l’Union européenne [UE] ont décidé de la prolonger pour six mois de plus… mais en la privant toujours de navires. Seuls des moyens aériens seront donc encore à sa disposition. La raison de cette décision est la même qui fut avancée en mars : il n’y a toujours pas d’accord sur le débarquement des migrants secourus en mer.

« La situation en Libye demeure incertaine et la reprise des flux migratoires ne peut être totalement écartée. Le travail de formation des garde-côtes libyens n’est pas terminé et nos moyens aériens jouent un rôle crucial dans la détection et le suivi des événements. Tous les jours, nous élaborons la situation maritime afin d’améliorer notre connaissance et notre capacité d’anticipation. Mais la suspension temporaire des navires fragilise ces bons résultats et obère notre capacité à mettre en oeuvre l’embargo sur les armes », avait pourtant déploré le contre-amiral Bodhuin. « Cette suspension perturbe aussi la coopération avec les agences Europol et Frontex et nous prive de moyens d’information et d’action dans une conjoncture pleine de défis », avait-il aussi précisé.

Pour le moment, le nouveau gouvernement italien cherche à trouver un accord sur un système provisoire de « répartition automatique » des migrants recueillis en Méditerranée. Il impliquerait la France et l’Allemagne ainsi que l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg, la Roumanie et Malte. Appelée à prendre les rênes de la Commission européenne le 1er novembre prochain, Ursula von der Leyen a dit avoir trouvé une « une grande disponibilité pour trouver tout de suite un accord sur la redistribution des migrants sauvés en mer » auprès de ses interlucoteurs européens.

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