Dassault Aviation s’impatiente devant les tergiversations allemandes au sujet du Système de combat aérien du futur

Cette semaine, et ayant récemment rejoint le programme de Système de combat aérien du futur [SCAF], initialement porté par la France et l’Allemagne, l’Espagne a désigné le groupe Indra, spécialiste des systèmes embarqués pour l’aéronautique, comme superviseur national pour la partie espagnole de ce projet. Et cela alors que la filiale espagnole Airbus Defence & Space aurait pu prétendre à tenir un tel rôle.

La décision de Madrid aura été la seule avancée notable du programme SCAF depuis le salon du Bourget, où la maquette du NGF [New Generation Fighter], c’est à dire le futur avion de combat sur lequel il se reposera, a été dévoilée. Dans le même temps, les Britanniques ont progressé avec leur projet Tempest, puisqu’ils ont été rejoint par l’Italie et que la Suède va y coopérer.

Pour rappel, le SCAF sera un « système de systèmes », c’est à dire qu’il mettra en réseau différents types d’aéronefs et d’effecteurs. Dans ce cadre, Dassault Aviation a été chargé de concevoir le NGF tandis qu’Airbus Defence & Space assurera la maîtrise d’oeuvre de « l’Air Combat Cloud » et des drones d’appui. Quant aux moteurs du futur avion de combat, ils seront développé par Safran et MTU.

En janvier, un contrat d’architecture, d’une valeur de 65 millions d’euros, avait été confié à Dassault Aviation et à Airbus Defence & Space.

En juin, et après le déblocage d’une première enveloppe de 32,5 millions d’euros par le Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, ndlr], une étude sur les moteurs du NGF a pu être notifiée. On s’attendait à ce qu’il en fût de même pour la phase initiale de démonstration, d’autant plus que Dassault Aviation et Airbus Defence & Space venaient de remettre une offre en ce sens aux gouvernements concernés.

Cette phase vise à mettre au point des démonstrateurs du NGF, en vue d’un premier vol en 2026. Seulement, faute d’entente entre Paris et Berlin sur différents aspects du programme SCAF, elle n’a pas pu être encore lancée… Et Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, s’impatiente.

« La notification [du contrat] des démonstrateurs aurait dû se faire en juin lors du salon du Bourget. Septembre devait être l’heure du lancement, on évoque aujourd’hui la fin de l’année. Attention que cela ne se décale pas trop encore », a en effet déclaré M. Trappier, lors de l’Université d’été de la Défense, ce 13 septembre. « Ce n’est pas de l’impatience, c’est indispensable pour conserver l’objectif d’une entrée en service à l’horizon 2040 avec un premier démonstrateur en 2026 comme il est prévu », a-t-il ajouté, selon ses propos rapportés par l’AFP.

« Pour que ce projet prenne réellement son vol, il faut désormais dépasser le stade de la première étude qui nous a été notifié en début d’année. Il faut le poursuivre par le lancement des démonstrateurs, c’est vital », a encore insisté M. Trappier. Et d’ajouter : « La volonté de lancer un programme incombe toujours aux politiques et à eux seuls. Il reste encore des points délicats à trancher, notamment des points d’exportabilité. »

Effectivement, les questions relatives à l’exportation du SCAF constituent un point de désaccord majeur entre Paris et Berlin, qui a une position très restrictive sur ce sujet [en théorie seulement, car, en pratique, il en va autrement…]. Et malgré les bonnes intentions affichées dans le Traité d’Aix-la-Chapelle [qui parle d’une « approche commune (…) en ce qui concerne les projets conjoints »], les discussions n’ont pas encore abouti. Ce qui retarde d’autant la notification du contrat sur les démonstrateurs.

Or, la viabilité économique du programme SCAF ne pourra être assurée que si cette question de l’exportation est réglée en amont. Et la situation politique en Allemagne ne facilite pas la discussion, dans la mesure où la chancelière, Angela Merkel, doit composer avec les sociaux-démocrates, peu flexibles sur ce sujet.

Mais d’autres obstacles se dressent sur la route du SCAF. La France et l’Allemagne ont également des divergences de vue sur la conduite du programme, la première privilégiant l’approche opérationnelle tandis que la second défend une approche industrielle.

En outre, et ce qui était redouté est sans doute en train de se produire, les difficultés d’un autre programme franco-allemand, le MGCS [Main Groud Combat System – char du futur] sont en train de parasiter le SCAF. Pour rappel, Rheinmetall entend prendre le contrôle de Krauss-Maffei Wegmann, partenaire du français Nexter au sein de KNDS. Ce qui remettrait en cause la règle des 50-50 pourtant établie à l’origine par Paris et Berlin.

« Certains à Berlin cherchent également à remettre en cause la maîtrise d’oeuvre de ce programme accordée à la France contre la maîtrise d’oeuvre de l’Allemagne sur le futur char de combat franco-allemand », a relevé Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées. En outre, a-t-il déploré, le Bundestag voudrait financer le programme SCAF « par tranches », ce qui serait autant d’occasions de le remettre en cause.

Ces propos éclairent ceux tenus par Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, cet été.

« Il n’y a pas un pays au monde, me semble-t-il, dans lequel les industries de défense ne mènent pas une campagne active auprès des décideurs afin de promouvoir leurs produits, leurs équipements, leur activité. Si quelqu’un, ici, se sent à l’abri, qu’il me le dise… Mme von der Leyen a joué un rôle clé au moment où des parlementaires allemands, certainement très bien informés et instrumentalisés par plusieurs entreprises, souhaitaient instaurer un parallélisme absolu entre le projet de système de combat aérien du futur et le projet de char de combat du futur « , avait en effet affirmé la ministre.

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