Les États-Unis ont obtenu l’activation du Traité interaméricain d’assistance réciproque face au Venezuela

Les relations entre deux pays peuvent être tendues sans que cela empêche leurs footballeurs de disputer un match amical, comme on a pu le voir le 11 septembre, à Tampa [États-Unis] où la sélection colombienne a dominé son homologue vénézuélienne, sans toutefois trouver le chemin des filets, au cours d’une rencontre émaillée de 42 fautes et de 6 cartons jaunes. Ce qui aurait pu être pire.

Le pire, justement, on n’en est pourtant jamais à l’abri. Déjà que Bogata et Caracas sont à couteaux tirés depuis longtemps, la situation s’est brusquement dégradée au début de ce mois, quand des dissidents des « Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia – Ejército del Pueblo » [Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple / FARC-EP] ont dit vouloir reprendre la lutte armée contre les autorités colombiennes. Lutte qu’ils avaient pourtant abandonnée en 2016, ce qui valut le prix Nobel de la paix à Juan Manuel Santos, l’ex-président de la Colombie.

En effet, le numéro deux des FARC et ex-négociateur des accords de paix avec Bogota, Ivan Marquez, entouré de cadres historiques du mouvement, a annoncé la création du « Mouvement Bolivarien pour la Nouvelle Colombie ».

La référence à Bolivar par l’organisation marxiste n’est pas anodine puisqu’elle trouve ses racines dans l’histoire des deux pays, et plus précisément à la rivalité entre Simon Bolivar, président de la IIe Républiqe vénézuélienne, au libéral Francisco José de Paula Santander, homme d’État colombien.

Quoi qu’il en soit, Bogota a vu la main de Nicolas Maduro, le président de la République bolivarienne du Venezuela dans cette reprise de la lutte armée des ex-FARC. Selon l’hebdomadaire Semana, le renseignement vénézuélien entretiendrait des relations avec les groupes rebelles colombiens pour analyser les points stratégiques de la Colombie.

« Nous sommes au courant de la connivence des autorités du régime de Maduro, de la Garde nationale, de l’armée bolivarienne. Elles leur garantissent une permissivité totale et absolue, ce qui leur permet d’être tranquilles », a confirmé le général Luis Fernando Navarro, le chef d’état-major des forces armées colombiennes, dans un entretien donné au journal El Tiempo, le 11 septembre, au sujet des dissidents des FARC et des membres de l’Ejército de Liberación Nacional [ELN], une organisation marxiste.

« C’est très clair, ce qu’ils veulent c’est nous bloquer. Nous devrons le dénoncer car il s’agit d’attaquer les infrastructures d’un pays, ses capacités économiques, son peuple, sa sécurité alimentaire », a continé le général colombien.

« Ces bandits [membres de l’Ejército de Liberación Nacional et dissidents des Farc] ont et peuvent fournir un certain type d’informations. En outre, vu les menaces répétées du régime de Maduro contre l’État colombien, nous supposons qu’il détient des renseignements sur nos actifs stratégiques », a affirmé le général Navarro, qui estime qu’environ 1.600 rebelles colombiens ont trouvé refuge au Venezuela.

La meilleure défense étant l’attaque, le président Maduro, dont l’autorité est contestée par l’opposant Juan Guaido [soutenu par les États-Unis et les chancelleries occidentales, ndlr], avait pris les devants, une semaine plus tôt, en accusant Bogota de « manoeuvrer » pour « déclencher un conflit militaire » en servant du prétexte du retour aux armes de combattants des FARC.

« Non seulement le gouvernement colombien a engagé la Colombie dans une guerre qui empire, mais il se sert d’accusations infondées pour agresser le Venezuela et déclencher un conflit militaire contre notre pays », a en effet déclaré M. Maduro. Et d’annoncer que les unités de l’armée vénézuélienne déployées le long de la frontière seraient placées en « alerte orange » face à « la menace d’agression de la Colombie contre le Venezuela » et que des exercices militaires destinés « mettre en condition le système armé et tout le déploiement opérationnel » allaient être conduits du 10 au 28 septembre.

Et, effectivement, 150.000 soldats des Force armée nationale bolivarienne [FANB] ont commencé à se déployer en vue de ces exercices qui se dérouleront à une portée de canon de la frontière colombienne.

C’est donc dans ce contexte que les États-Unis ont invoqué, ce 12 septembre, le Traité interaméricain d’assistance réciproque [TIAR] en réponse aux mouvements « belliqueux » des forces vénézuéliennes.

« De récents mouvements belliqueux de l’armée vénézuélienne qui s’est déployée le long de la frontière avec la Colombie, de même que la présence de groupes armés illégaux et organisations terroristes en territoire vénézuélien, prouvent que Nicolas Maduro représente non seulement un danger pour le peuple vénézuélien, mais aussi que ses actions menacent la paix et la sécurité des voisins du Venezuela », ainsi justifié Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine.

Le TIAR [ou Traité de Rio] a été élaboré en 1947. Signé par la plupart des pays du continent américain, il visait à contrer les visées sovétiques sur le continent. Il précise que « toute attaque armée non-provoquée contre un des États impliqués serait également interprétée comme une agression contre tous les signataires du traité. »

En juillet, l’Assemblée nationale du Venezuela, actuellement aux contrôlée par l’opposition [mais dont les prérogatives ont été vidées de leur substance par une assemblée constituante à la main de M. Maduro, ndlr] avait voté la réintégration de Caracas dans le TIAR. Mais cette décision, comme les précédentes, a ensuite été « cassée » par la Cour suprême vénézuélienne.

Avec une économie plus que chancelante malgré des atouts importants, +130.060% d’inflation en 2018 [un chiffre en-deçà, cependant, des estimations du FMI] et un PIB qui s’est contracté de 47,6% entre 2013 et 2018 [selon la Banque centrale du Venezuela], plus de 3,6 millions de Vénézuéliens ont choisi l’exode depuis 2016. Ce que n’a pas manqué de souligner M. Pompeo.

« La politique économique catastrophique [de M. Maduro] continue de générer une crise de réfugiés sans précédent », a noté le chef de la diplomatie américaine. Aussi, ce dernier a dit souhaiter que les autres pays membres du TIAR « répondent collectivement à la crise urgente qui ravage le Venezuela et déborde de ses frontières, en examinant des options économiques et politiques. »

Les propos de M. Pompeo font écho à l’activation de l’organe de consultation du TIAR à l’issue d’un vote de 19 pays signataires et membres de l’Organisation des États américains [OEA]. Le Costa Rica s’est abstenu car l’amendement qu’il avait présenté afin d’écarter un éventuel option militaire a été rejeté. D’autres pays ont fait la même chose, dont Trinité-et-Tobago, le Pérou, Panama et l’Uruguay, ce dernier ayant estimé la situation ne justifiait pas l’activation du traité.

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