Le regroupement des états-majors à l’Hexagone-Balard « n’a pas encore généré toutes les synergies potentielles »

Le regroupement des états-majors et des directions des services du ministère des Armées sur une site unique, en l’occurrence à Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, devait permettre de réaliser quelques économies, de céder les emprises parisiennes jusqu’alors utilisées afin de disposer de « recettes exceptionnelles » [REX] et, surtout, d’avoir une « meilleure synergie » dans le commandement des opérations.

Pour cela, il a donc fallu construire « l’Hexagone-Balard », dans le cadre d’un Parteneriat public-privé [PPP] confié au groupement Opale Défense, emmené par Bouyges. Le coût global de ce projet était alors estimé à 4,3 milliards d’euros, avec un loyer annuel de 143 millions d’euros sur 30 ans. Somme qui couvre des prestations « externalisées », comme la restauration et l’informatique.

S’agissant des économies, la Cour des comptes avait averti, en février 2018, qu’elles ne seraient pas au rendez-vous. Si ce projet « complexe » a été une « réussite opérationnelle », il « ne pas sa feuille de route financière », avait-elle affirmé. Et d’estimer qu’il pourrait coûter jusqu’à 1,5 milliard d’euros de plus que prévu.

Quant aux recettes exceptionnelles, il a fallu revoir les ambitions. L’Hôtel de la Marine n’a pas été cédé, comme cela avait été envisagé et la vente de certaines emprises ont pris beaucoup plus de temps que prévu.

Mais le plus important concerne l’amélioration des synergies entre les états-majors et les directions des services. Et, a priori, il y a encore des marges de progression. C’est en effet ce qu’a laissé entendre l’amiral Jean Casabianca, le major général des armées [MGA], dans un entretien publié sur le site de l’État-major des armées [EMA].

« De manière pratique, j’observe enfin que le regroupement sur le site de Balard n’a pas encore généré toutes les synergies potentielles offertes », a en effet déclaré l’amiral Casabianca. « Il nous faut finaliser la réflexion sur nos processus de fonctionnement, au moment où de nouveaux champs de conflictualité comme le cyber ou l’espace se sont développés, et que des ruptures technologiques sont annoncées, telles que l’intelligence artificielle », a-t-il ajouté.

Pour le MGA, il faut « changer nos méthodes de travail, faciliter l’élaboration des dossiers, le partage de l’information et la prise de décision » car « face à des adversaires et compétiteurs qui ne cessent d’innover et de se transformer, nous devons nous montrer plus agiles, considérer notre manière de nous organiser comme un outil de combat à part entière et le faire évoluer en conséquence, en mettant nos forces en mouvement autour de nos buts de guerre. »

Aussi, le maître-mot de l’EMA est « subsidiarité », c’est à dire que les décisions doivent être prises au niveau le plus adéquat. En clair, il est question de « déconcentrer » les responsabilités au sein des structures de commandement.

« Le fait est qu’il pourrait nous être reproché de ne pas appliquer dans nos organisations centrales et nos états-majors » ce principe de subsidiarité « mis en œuvre de manière quasi naturelle dans la conduite de nos opérations », reconnaît l’amiral Casabianca. Mais cela est le fruit d’un passé récent.

« Il est vrai que la longue séquence de déflations et de contraintes budgétaires que nous avons connues jusqu’en 2015, a pu entraîner une forte centralisation dans les états-majors, parce qu’il fallait serrer les rangs autour d’autorités placées systématiquement en position défensive de préservation de ressources et qu’il convenait de préserver de manière centralisée la cohérence d’ensemble de notre modèle d’armées », a-t-il expliqué.

Mais comme la Loi de programmation militaire 2019-25 marque une rupture avec les contraintes budgétaires passées, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, veut donc « réintroduire les principes du combat collaboratif dans nos structures de commandement » et rendre les processis décisionnels « plus réactifs et agiles » dans ses domaines de responsabilité ainsi que dans ceux des chefs d’états-major d’armées. Ce que l’amiral Casabianca a été chargé de mettre en musique.

« Plus largement, l’EMA doit contribuer au renforcement des synergies avec les directions politiques relevant de la Ministre et de ses grands adjoints, condition indispensable à l’amélioration de la performance collective du ministère », a-t-il aussi souligné.

Cette « déconcentration » [ou cette subsidiarité] doit encourager la « libération des énergies pour innover » et s’accompagner « , d’un plus grand partage de l’information utile pour créer de la valeur ajoutée, et d’un décloisonnement du travail de l’état-major pour diminuer la quantité de travail et améliorer la qualité de nos productions en temps et heure », a poursuivi le MGA. Ainsi, a-t-il fait valoir, l’EMA pourra se « repositionner dans son rôle légitime, plus stratégique. »

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