La DGSE compte toujours moins de militaires dans ses rangs

Le 2 septembre, la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] a publié un avis sur son site Internet pour indiquer qu’elle venait d’ouvrir au recrutement 29 postes au titre « du concours externe d’attaché ».

« Les attachés de la DGSE sont chargés de fonctions de conception, d’expertise et de gestion dans les domaines du renseignement d’origine humaine, opérationnelle ou technique ainsi que du soutien général. Ils ont vocation au cours de leur carrière à être chargés de fonctions d’encadrement », a-t-elle précisé.

Sans doute que la DGSE n’aura pas trop de difficultés à attirer des candidats, grâce à l’effet de la série « Le bureau des légendes »… Encore que, les profils qu’elles recherchent sont rares [les spécialistes du Farsi ne courent pas les rues en France…].

Quoi qu’il en soit, selon l’édition 2019 du rapport de la Délégation parlementaire au renseignement [DPR], qui vient d’être mis en ligne, les services français, dans leur ensemble, peinent à être les objectifs qui leur ont été assignés en matière de ressources humaines.

« L’objectif sous-jacent des plans de renforcement successifs de porter l’effectif des services de la communauté à environ 15.000 agents [hors service action de la DGSE] d’ici à 2019 ne sera pas vraisemblablement pas atteint », y lit-on.

« Cette situation est préoccupante car des objectifs ambitieux restent à réaliser en termes d’effectifs et qu’en outre le turn-over au sein des services est important. L’enjeu du recrutement et de la fidélisation des personnels est essentiel pour le développement capacitaire des services de renseignement. Certains services doivent à la fois rattraper les retards sur leur trajectoire d’effectifs, pourvoir aux emplois nouveaux et assurer le remplacement d’une part importante de leurs personnels », prévient encore le rapport.

Une des difficulté s’explique par la mutation des métiers liés au renseignement. En effet, à l’impératif de la quantité s’est ajouté celui de la qualité. Les services, souligne la DPR, doivent « faire face à une transformation de leurs schémas d’emplois exigeant un niveau de recrutement plus important de leur personnel [importance croissante des emplois de catégorie A et des officiers et décroissance des emplois de catégorie C et des militaires du rang] et la croissance de certaines spécialités techniques, notamment dans le domaine de l’informatique et du numérique qui se heurte à l’insuffisance ou à la faiblesse des viviers ou à une vive concurrence sur le marché de l’emploi avec des effets inflationnistes en termes de rémunération. »

Globalement, poursuit-elle, « le niveau académique de recrutement augmente, fruit de l’évolution des métiers avec davantage d’analyste du renseignement et davantage de scientifiques et d’ingénieurs pour assurer la montée en puissance des techniques de renseignement. »

S’agissant des services relevant du ministère des Armées [DGSE, Direction du renseignement militaire, Direction du renseignement et de la sécurité de défense], on constate, depuis 2014, que la proportion de militaires dans leurs effectifs ne cesse ne diminuer.

Ainsi, à la DGSE, le nombre de militaires a diminué de 4% tandis que l’effectif civil a progressé de 15,1%, en particulier grâce à un recours accru aux contractuels [+39,9%]. Entre 2014 et 2018, elle a perdu, hors service action, « 87 militaires essentiellement des sous-officiers, la proportion de militaire passant de 26,5% à 23,1% ».

Cela étant, la DGSE entend limiter cette tendance étant donné qu’elle a communiqué, en juin dernier, sur les « multiples opportunités » offertes aux militaires susceptibles de la rejoindre. « . Il y a au total plus d’une vingtaine de domaines de compétences, représentant environ 400 emplois, aussi bien pour les militaires du rang que les sous-officiers ou les officiers. Spécialistes de la cyberdéfense, de la guerre électronique, linguistes, équipiers de protection, magasiniers, analystes ou encore spécialistes des systèmes d’informations et de communication, les offres sont nombreuses », fit-elle alors valoir.

En revanche, à la DRM et à la DRSD, le nombre de militaires a augmenté [respectivement de +1,2% et de +14,7%]. Mais cette hausse n’est rien comparé à celle des effectifs civils.

Ainsi, à la DRSD, le nombre d’employés civils a grimpé de 58,2% , notamment, là encore, au recrutement de contractuels [+266,6%]. La tendance est la même à la DRM, qui a vu ses effectifs augmenter de 19,5%, en particulier grâce au personnel civil [+100,3%]. Logiquement, la proportion de militaires à la DRM est passée de 80,7 à 68,9%. La DRSD semble, pour le moment du moins, épargnée par celle « civilianisation » puisqu’elle compte encore 73,8% de militaires dans ses effectifs [contre 79,6% en 2014].

Pour les parlementaires de la délégation au renseignement, cette situation est la conséquence de la vaste déflation des effectifs militaires entre 2008 et 2015, alors que les Armées « ont longtemps constitué un vivier important pour le recrutement au sein des services spécialisés qui constituent une part importante de la communauté du renseignement [3 services sur 6, plus de 60 % de l’effectif total des services spécialisés du 1er cercle]. »

« L’attrition du vivier militaire pour les services du ministère des Armées et pour le GIC [*] en raison de la déflation des effectifs des armées et d’incitation au départ des militaires opérées dans le cadre de la Loi de programmation militaire pour 2008-2013 et jusqu’en 2016 par la Loi de programmation militaire pour 2014-2019, a eu pour conséquence une diminution de la proportion des militaires au sein des services du ministère des Armées et du GIC au profit des personnels civils, et principalement des personnels contractuels », fait valoir le rapport.

Cela étant, la Loi de programmation militaire 2019-25 devrait « réduire ce phénomène d’attrition du vivier principal. » Mais, prévient le rapport, ses effets ne seront pas immédiats, « compte tenu du fait que les armées n’ont pas atteint les objectifs en termes de cibles d’effectifs assignées par la DRH-MD depuis 2 ans. »

Qui plus est, les états-majors ont « tendance à pourvoir en priorité leurs propres entités » et « la génération de la ressource militaire n’est pas immédiate car, au-delà du temps de formation, cette catégorie de personnel est affectée dans les services en deuxième partie de carrière après une première expérience opérationnelle dans les forces. » En clair, pour que les services de renseignement puissent puiser dans un tel « vivier », il faudra faire avec le « temps incompressible nécessaire à la génération d’une ressource humaine expérimentée. »

Cela étant, le « vivier traditionnel de recrutement » s’étant rétréci, les services relevant du ministère des Armées ont de plus en plus recours aux contractuels. Ces derniers représentent désormais 30% de l’effectif total de la DGSE. Et leur effectif a pratiquement triplé à la DRM. Mais il leur est aussi possible de faire appel à des réservistes, opérationnels ou citoyens.

Le rapport de la DPR ne donne pas chiffres pour ce qui concerne les réservistes sollicités par la DGSE [ils ont été « caviardés »]. Cependant, il indique que 163 réservistes ont effectué 5.382 jours au sein de la DRSD. Quant à la DRM, elle a ouvert 345 postes aux réservistes opérationnels, dont 245 ont été pourvus.

[*] GIC : Groupement interministériel de contrôle

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]