Une cyberattaque américaine aurait empêché l’Iran de s’en prendre à nouveau aux pétroliers dans le Golfe persique

En mai et en juin, six pétroliers ont été la cible de mystérieux « sabotages » alors qu’ils naviguaient non loin du détroit d’Ormuz, que l’Iran avait menacé de bloquer en réponses aux sanctions décidées à son encontre par les États-Unis.

À ce jour, la responsabilité de ces attaques n’a pas été formellement attribuée. Ou plutôt, il n’y a pas de consensus pour désigner leurs auteurs. Alors que les pays concernés par les quatre premiers sabotages, commis en mai, ont évoqué une « opération sophistiquée et coordonnée menée par un acteur doté de fortes capacités opérationnelles, vraisemblablement un acteur étatique », les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Arabie Saoudite ont clairement accusé l’Iran, et plus précisément les Gardiens de la Révolution [Pasdarans].

Depuis les dernières attaques, commises le 13 juin, plus aucun sabotage de pétrolier n’a été signalé dans la zone. Et, selon le New York Times, cela s’expliquerait par une cyber-attaque menée par l’US Cyber Command du Pentagone contre les systèmes informatiques des Pasdarans. Le quotidien américain avait déjà fait état d’une telle opération en juin, peu après la perte d’un drone de l’US Navy, abattu par la défense aérienne iranienne.

À l’époque, le journal avait expliqué que cette cyber-attaque avait visé un service de renseignement iranien soupçonné d’avoir aidé à « planifier les attaques contre les pétroliers commises ces dernières semaines ». Et d’ajouter qu’elle fut décidée en réponse, justement, à la perte du drone de la marine américaine.

Ce qui, du reste, expliquerait la raison pour laquelle le président Trump annula, à la dernière minute, des frappes aériennes contre la défense aérienne iranienne, dans la mesure où il estima qu’une telle attaque informatique, située « sous le seuil d’un conflit armé », était une réponse suffisante.

Plus de deux mois plus tard, le New York Times a livré de nouveaux détails sur cette opération. Citant de hauts responsables américains, le quotidien affirme que l’attaque informatique de l’US Cyber Command a « effacé une base de données essentielle utilisée » par les Pasdarans pour « préparer des attaques contre des pétroliers » et « dégradé » la capacité de l’Iran à « cibler secrètement le trafic maritime dans le golfe Persique. »

A priori, les effets de cette cyber-attaque ont dépassé les attentes du Pentagone puisque les systèmes informatiques visés n’ont toujours pas été rétablis et les Pasdarans n’ont pas encore pu reconstituer toutes les informations perdues. Ce qui expliquerait, donc, qu’il n’y ait pas eu de nouveaux sabotages contre des tankers.

En revanche, cela n’a nullement empêché les Gardiens de la Révolution d’arraisonner trois navires [dont un battant pavillon britannique et deux autres pour « contrebande » de pétrole] et de tenter de mettre la main sur un quatrième. Pour rappel, ce dernier, appelé « British Heritage », a dû son salut à l’intervention de la frégate HMS Montrose, de la Royal Navy.

En outre, les Gardiens de la Révolution ont également été soupçonnés, cet été, d’avoir envoyé de faux signaux GPS dans le détroit d’Ormuz dans le but de saisir des navires commerciaux.

« Les cyberopérations américaines sont conçues pour changer le comportement de l’Iran sans déclencher un conflit plus vaste ni provoquer de représailles », a expliqué Norman Roule, ancien haut responsable du renseignement, dans les colonnes du New York Times. « Parce qu’elles sont rarement reconnues publiquement, les cyber-frappes ressemblent beaucoup à des opérations secrètes », a-t-il poursuivi.

« Vous devez vous assurer que votre adversaire comprend un message : celui que les États-Unis disposent d’énormes capacités qu’ils ne pourront jamais égaler, et qu’il serait préférable pour tous les intéressés de cesser simplement leurs actions provocatrices », a encore ajouté M. Roule.

Cela étant, il y a un débat au sein de l’administration américaine pour savoir si cette cyber-attaque en valait la peine. Un responsable a ainsi estimé que les Iraniens ont « probablement appris des informations cruciales sur les capacités de l’US Cyber ​​Command » et que, par conséquent, ils chercheront une parade qui les amoindriront ces dernières. « L’Iran est un acteur sophistiqué. Ils examineront ce qui s’est passé », a résumé Mark Quantock, un général qui, par le passé, fut à la tête du renseignement de l’US Central Command, le commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale.

En outre, la faille exploitée pour cette attaque informatique a très certainement été corrigée depuis… Par conséquent, elle ne pourra plus être exploitée à l’avenir par le renseignement américain. « Cela peut prendre beaucoup de temps pour obtenir un accès, accès qui est détruit lorsque vous effacez quelque chose dans un système », a relevé le professeur Gary Brown, ancien conseiller juridique de l’US Cyber Command. « Mais dans le même esprit, vous ne pouvez pas simplement utiliser cela comme une excuse pour ne pas agir. Vous ne pouvez pas simplement stocker des accès et ne jamais les utiliser », a-t-il souligné.

Quoi qu’il en soit, si les effets de cette cyber-attaques ont dépassé les attentes, le projet de Washington de mettre sur pied une coalition navale pour protéger le trafic maritime dans le Golfe persique s’est concrétisé avec le lancement de l’opération Sentinel, avec le concours du Royaume-Uni, de l’Australie et de Bahreïn. Sollicités pour y prendre part, plusieurs pays européens ont refusé d’y être associés.

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