La Russie dément être impliquée dans l’assassinat d’un ressortissant géorgien à Berlin

Le 23 août, un ressortissant géorgien a été assassiné dans un parc situé dans le quartier Moabit, qui, à Berlin, est connu pour être un lieu fréquenté par les revendeurs de drogue et les délinquants. À première vue, et au regard des circonstances, il y avait tout lieu de penser à un règlement de comptes entre malfrats. Sauf que le nom de la victime – Zelimkhan Khangochvili – donne un tout autre relief à cette affaire, qui risque de dépasser les compétences de la police locale.

Ainsi, le parcours de Zelimkhan Khangoshvili, âgé de 40 ans [selon la presse allemande], est trouble. D’origine tchétchène, il aurait pris part à la seconde guerre de Tchétchénie, aux côtés des indépendantistes, alors noyautés par des groupes islamistes radicaux. Du classique, pourrait-on penser. Sauf que, dans le même temps, il était probablement de mèche avec les services de renseignement géorgiens, alors soucieux d’infiltrer les organisations jihadistes présentes dans la vallée de Pankissi. Une situation qui, par ailleurs, irritait fortement Moscou à l’époque.

Quoi qu’il en soit, le nom de Khangoshvili est apparu dans la presse en mai 2008, quand il fut accusé par le FSB, le renseignement intérieur russe, d’avoir tenté de recruter Ramzan Turkoshvili, un ressortissant russe d’origine géorgienne, pour des activités d’espionnage au profit de Tbilissi. Et il fut accusé par Moscou d’être à la tête d’un groupe terroriste implanté justement dans la vallée de Pankissi.

À l’époque, les agences russes rapportèrent que Moscou considérait que cette affaire « confirmait la participation des services secrets géorgiens à des activités terroristes subversives dans le Caucase du Nord ». Ce Tbilissi réfuta avec force.

Quatre ans plus, Zelimkhan Khangoshvili fit une nouvelle apparition dans une mystérieuse opération antiterroriste conduite dans la vallée de Lopota contre un groupe armé venu Daghestan russe voisin et accusé d’avoir pris plusieurs personnes en otage.

À ce jour, les tenants et les aboutissants de cette affaire, qui fit 11 tués ne sont pas encore connus. Quoi qu’il en soit, Khangoshvili y aurait tenu un rôle de « médiateur » entre les preneurs d’otages [dont les motivations demeurent inconnues] et les forces spéciales géorgiennes.

En outre, Khangoshvili aurait été la cible de deux tentatives d’assassinat: l’une par empoisonnement, en 2009, soit après sa mise en cause par les services russes, l’autre par balles, en 2015, dans les rues de Tbilissi. Blessé au bras, il décida de quitter la Géorgie pour l’Ukraine. Là, ayant reçu des menaces de mort, il se réfugia en Allemagne, où il déposa une demande d’asile.

Dans un premier temps, les autorités allemandes le considérèrent comme un islamiste radical « dangereux ». Ce qui motiva sa mise sous surveillance jusqu’en 2018, soit quand il fut acquis que les soupçons dont il faisait l’objet n’était pas fondés. Selon la presse d’outre-Rhin, qui a contacté plusieurs de ses proches, il aurait dissuadé plusieurs jeunes de rejoindre l’État islamique.

L’assassin présumé de Khangoshvili a rapidement été arrêté par la police allemande. Âgé de 49 ans, de nationalité russe et originaire de Tchétchénie, ce suspect était arrivé en Allemagne peu avant le meurtre et il avait prévu d’en repartir aussitôt après. Selon le journal berlinois Tagesspiegel, une importante somme d’argent aurait été retrouvée à son domicile.

Évidemment, au regard du passé de Zelimkhan Khangoshvili, certains ont vite soupçonné les services russes [comme le GRU] d’être à l’origine de cet assassinat. D’autant plus que, encore récemment, ces derniers ont été mis en cause dans plusieurs affaires du même types tout en étant accusés d’avoir eu recours à quelques expédients toxiques, comme le polonium 210 et le novitchok. En tout cas, la police allemande a dit n’exclure aucune piste.

Cela étant, le Kremlin a fini par démentir toute implication dans l’assassinat de Zelimkhan Khangoshvili. « Cette affaire n’a rien à voir avec le gouvernement russe ou ses instances officielles. Je démens totalement tout lien entre ce meurtre et les autorités russes », a en effet assuré, ce 28 août, Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe.

Une autre hypothèse est que l’assassinat de Khangoshvili ait été « sous-traité », comme le fut celui de l’opposant russe Boris Nemtsov [aujourd’hui oublié…]. En juillet 2017, la justice russe condamna cinq Tchétchènes dans le cadre de cette affaire. Et on ne connaît toujours pas le commanditaire, ni ses motivations.

Cela étant, les proches de Boris Nemtsov ont toujours accusé Ramzan Kadyrov, le président tchétchène, par ailleurs bien en cour avec le Kremlin, d’être à l’origine de cette affaire.

Photo : Andreas Trojak

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