Les paramilitaires irakiens pro-Téhéran se divisent sur la responsabilité des attaques lancées contre leurs bases

En juillet, dans la province irakienne de Salah-ad-Din, une base occupée par l’organisation Badr [ou Brigade n°16], membre de la coalition des Hachd al-Chaabi, qui fédére plusieurs groupes chiites armés proches de Téhéran, a été le théâtre d’une explosion qui, encore aujourd’hui, garde ses mystères.

Ainsi, selon le commandement irakien, cette base, située à Amerli, aurait été « bombardée » par un « drone non identifié ». Une autre source a parlé d’une attaque menée avec des appareils « munis de grenades », ce qui accréditerait la thèse d’une action de l’État islamique [EI ou Daesh].

Enfin, il a également été avancé que cette emprise des Hachd al-Chaabi abritait des missiles de conception iranienne, ce qui est plausible puisque, selon des responsables irakiens cités par l’agence Reuters, de tels transferts ont eu lieu l’an passé, sous la supervision de la force al-Qods, l’unité d’élite des Gardiens iraniens de la Révolution, chargées des opérations extérieures. D’ailleurs, un combattant appartenant à cette dernière a été tué par l’explosion en question.

Histoire de brouiller davantage les pistes, un communiqué des Hachd al-Chaabi a démenti tout bombardement de sa base. Citant un rapport d’un « comité spécialisé » ayant mené une enquête sur ces événements, il a assuré que l’explosion avait été causée par « un incendie de combustible solide résultant d’un dysfonctionnement interne ». Cependant, un membre présumé de l’unité al-Qods, Abolfazl Sarabian, y aurait laissé la vie.

Cependant, plusieurs autres bases des Hachd al-Chaabi ont connu des incidents similaires par la suite… Et le quotidien Asharq Al-Awsat, publié à Londres, a affirmé qu’Israël était à la manoeuvre. Se basant sur des confidences faites par des diplomates occidentaux anonymes, le journal a avancé que des F-35I « Adir » israéliens auraient bombardé des dépôts d’armes iraniennes à au moins deux reprises. Or, de tels raids, conduits depuis la base de Nevatim, auraient nécessité l’implication d’avions ravitailleurs…

Quoi qu’il en soit, ces attaques ont conduit l’organisation à changer de discours… et aux autorités irakiennes à imposer des restrictions aux opérations aériennes de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis.

Cette décision a été prise après l’explosion, le 12 août, dans un autre dépôt d’armes appartenant au Hachd al-Chaabi et situé dans le camp militaire de Saqr, au sud de Badgad. Explosion pour laquelle Israël a une nouvelle fois été mis sur le banc des accusés.

Mais pour les Hachd al-Chaabi, ou du moins pour certains de leurs cadres, les responsables de cette séries d’explosions affectant ses dépôts d’armes sont… les États-Unis

« Nous annonçons que les forces américaines sont la seule entité responsable de ce qui s’est passé, et nous les tiendrons responsables de tout ce qui se passera à partir de maintenant », a en effet affirmé Abu Mahdi al-Mohandes, le numéro deux de l’organisation paramilitaire, via un communiqué publié le 21 août, soit 24 heures après une nouvelle explosion ayant touché une position du Hachd al-Chaabi, près de la base aérienne d’Al-Balad, où ont été déployés des militaires américains.

Ces attaques ont été conduites oar des « agents ou dans le cadre d’opérations spéciales avec des avions modernes », a ensuite poursuivi la force paramilitaire irakienne.

De son côté, le Pentagone a catégoriquement démenti tout responsabilité dans les attaques ayant visé les base des Hachd al-Chaabi. « Les Etats-Unis ne sont pas impliqués dans les récentes explosions », a assuré un porte-parole, cité par l’AFP.

La coalition anti-jihadiste, sous commandement américain, a fait valoir que sa mission en Irak consiste « uniquement à permettre » à ses « partenaires des forces de sécurité irakiennes de vaincre Daesh ». Et d’ajouter : « Nous opérons en Irak à l’invitation du gouvernement irakien et respectons ses lois et ses directives. »

Plus tard, un autre communiqué, signé cette fois par Faleh al-Fayyadh, le chef des Hachd al-Chaabi, a tempéré celui diffusé par son second en ne faisant aucune référence aux forces américaines…

Les « investigations préliminaires » ont montré que ces explosions ont été « planifiées par une partie étrangère », a écrit Faleh al-Fayyadh. Cependant, a-t-il ajouté, « l’enquête va se pousuivre afin de déterminer avec exactitude les parties responsables en vue de prendre les mesures adéquates. » Et d’assurer que la position exprimée par son second « ne représentait pas » celle des Hachd al-Chaabi.

Selon un décret publié début juillet par le Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, les Hachd al-Chaabi – ou Unités de mobilisation populaire – doivent rejoindre les forces de sécurité irakienne.

« Dans l’intérêt du bien public et conformément aux pouvoirs qui nous sont conférés par la Constitution… il est décrété ce qui suit : toutes les forces de mobilisation populaire doivent fonctionner comme une partie indivisible des forces armées et être soumises aux mêmes règles », indiquait ce texte, qui n’était alors pas le premier du genre.

En effet, une loi pour reconnaître les Hachd al-Chaabi comme une composante des forces irakiennes avait été votée en novembre 2016. Mais elle fut appliquée… en théorie. Aussi, un an plus tard, l’ayatollah Ali al-Sistani avait appelé à la dissolution des des Hachd al-Chaabi et à l’intégration de leurs combattants au sein des troupes gouvernementales.

Cela étant, bien que prenant part au combat contre Daesh, les Hachd al-Chaabi, ou du moins certaines de leurs composantes, se concentreraient « sur la protection des intérêts iraniens en Irak », selon un récent rapport de l’Inspection générale du Pentagone. Et pour la DIA, le renseignement militaire américain, nombreux, parmi leurs membres, sont « impliqués dans des activités criminelles telles que l’extorsion de fonds et la contrebande », ce que les jihadistes ne manquent pas d’exploiter pour leur propagande.

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