Les réacteurs nucléaires du futur porte-avions seront 50% plus puissants que ceux du « Charles de Gaulle »

Le porte-avions Charles de Gaulle est pourvu de deux chaufferies nucléaires K-15 [appelées Adytom et Xena] qui, couplées à des turbines à vapeur et deux lignes d’arbres, lui permettent de faire naviguer ses 42.500 tonnes à la vitesse maximale de 27 noeuds et de parcourir 1.000 km par jour. Chacun de ces réacteurs développe une puissance de 150 mégawatts.

Or, tout laisse à penser que le futur porte-avions français, pour lequel des études sont en cours, sera plus imposant que le « Charles de Gaulle ». Certes, l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale, a indiqué que sa masse n’était pour le moment pas gravée dans le marbre. « Il n’est pas plus question aujourd’hui de 70.000 tonnes que de 60.000 ou 90.000 tonnes », a-t-il dit, lors de sa dernière audition parlementaire. Mais il n’empêche que son tonnage dépendra de la masse imposante du New Generation Fighter [NGF], c’est à dire l’avion qui sera au centre du Système de combat aérien du futur [SCAF].

Lors de son audition, l’amiral Prazuck ne s’était pas attardé sur les chaufferies nucléaires qui seront susceptibles d’équiper ce futur porte-avions [et, officiellement, le choix de la propulsion nucléaire n’est pas arrêté… Mais on voit mal comment la Marine pourrait y renoncer]. Cependant, François Geleznikoff, le directeur des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables [CEA] en a dit un peu plus aux députés de la commission de la Défense, le mois dernier.

Estimant qu’il faudra prévoir, pour ce futur porte-avions, une « capacité de tonnage sensiblement supérieure aux 42.000 tonnes du ‘Charles de Gaulle' », M. Geleznikoff a indiqué que les « chaufferies auxquelles nous arrivons pour satisfaire les besoins exprimés devraient atteindre une puissance de 220 à 230 mégawatts ». Soit une puissance supérieure de 50% à l’actuel réacteur K-15.

Cela étant, la masse n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. La consommation électrique de ce futur navire devrait être aussi sensiblement supérieure à celle du « Charles de Gaulle », étant donné qu’il devrait être doté de catapultes électromagnétiques, plus gourmandes en énergie.

« Avec deux chaufferies de ce type, nous pouvons confirmer remplir le besoin du futur porte-avions », a continué le directeur des applications militaires du CEA. Appelés « K-22 », ces « chaufferies restent dans un domaine pas trop éloigné des K15 et dont la conception peut être maîtrisée avec les moyens de simulation actuels et la technologie disponible. Il n’y a donc pas de saut dans l’inconnu. Ce projet est ainsi l’occasion de concevoir une nouvelle chaufferie compacte tout en tenant les délais », a-t-il précisé.

La conception de ces chaufferies nucléaires K-22 sera importante pour « le renouvellement des compétences », a par ailleurs souligné M. Geleznikoff.

« Il est important de pouvoir concevoir à nouveau une chaufferie compacte, ce qui permettrait de rependre tous les travaux de conception comme ceux mis en œuvre il y a déjà vingt-cinq ans. Les travaux de conception de cette chaufferie permettent donc de faire naître la nouvelle génération d’architecte et de compétences en conception », a-t-il fait valoir.

Sur ce point, justement, la DAM a mis en place « sur le long terme une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’unité près », a indiqué son directeur. « Nous pouvons donc définir très précisément nos besoins, équipe par équipe. Nous avons établi la liste des compétences dites critiques parmi lesquelles figurent la conception d’armes, la conception de chaufferies ou le fonctionnement des explosifs. Nous ajustons nos recrutements et nos formations en continu », a-t-il ajouté.

D’ailleurs, cette gestion des compétences, a-t-il poursuivi, est suivie de très près « par l’inspecteur des armements nucléaires, placé sous l’autorité directe du président de la République, dans le cadre du contrôle gouvernemental de l’intégrité des moyens » car « l’État considère que les compétences nécessaires pour la fabrication des armes nucléaires doivent faire l’objet d’un suivi analogue au suivi des moyens techniques qui sont nécessaires pour la fabrication des armes ».

Chaque année, la DAM recrute 300 personnes par an, afin de compenser les 150 à 200 départs en retraite annuels. « Nous ne rencontrons pas de problème pour embaucher ni pour attirer ingénieurs des meilleures écoles et techniciens supérieurs. Ceux-ci deviennent une denrée rare mais nous pouvons en former une grande partie chez nous. Il y a environ 160 formations par alternance chaque année, 150 doctorants et post-doctorants et nous avons noué des partenariats avec les écoles d’ingénieurs. Les structures dont nous disposons nous permettront de bénéficier des compétences nécessaires dans la durée », a assuré M. Geleznikoff.

Photo : Naval Group / Thales

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