Les armes nucléaires pakistanaises continuent de préoccuper la France et les États-Unis

Cette semaine, la tension entre l’Inde et le Pakistan est brusquement montée d’un cran après la décision de New Delhi de révoquer le statut d’autonomie de la partie indienne du Cachemire, territoire à majorité musulmane faisant l’objet d’un différend avec Islamabad depuis 1947. Et cette situation est d’autant plus préoccupante que ces deux pays sont des puissances nucléaires depuis la fin des années 1990…

Mais un autre sujet d’inquiétude porte sur la sécurité de l’arsenal nucléaire du Pakistan, d’autant plus que ce dernier entretient des rapports étroits [et officieux] avec des groupes jihadistes [comme au Cachemire et en Aghanistan] dans le but de servir sa politique étrangère. Et ces complicités conjuguées avec l’influence des courants islamistes – souvent radicaux – au sein de la société pakistanaise font peser le risque de voir ces armes tomber entre de mauvaises mains. Risque qui s’était amplifié, en 2009, quand le mouvement taleb pakistanais venait de lancer une offensive vers des districts proches d’Islamabad.

En outre, par le passé, le « père » de la bombe atomique pakistanaise, Abdul Qadeer Khan, a été à la tête d’un vaste trafic international de matériel nucléaire à destination de la Corée du Nord, de l’Iran ou encore de la Libye. Cela étant, les objectifs de ce dernier ont toujours été flous.

« La motivation première semble avoir été d’assurer la légitimité de son rôle dans l’édification de la force nucléaire pakistanaise […] Deuxième motivation, qui a pris davantage d’importance au fil du temps : l’enrichissement personnel. Enfin, troisième élément important et d’importance variable selon les hypothèses : la volonté plus ou moins diffuse de la part de Khan de voir d’autres pays musulmans accéder au nucléaire », avait ainsi écrit Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique [FRS]. Et de poser la question « essentielle » : ces transferts réalisés relevaient-ils « d’une initiative personnelle ou d’une politique de l’État »?

Quoi qu’il en soit, la propagande de l’État islamique [EI ou Daesh] ne s’y est pas trompée. En 2015, l’organisation jihadiste s’était vantée d’être en mesure de se procurer une arme nucléaire auprès du Pakistan d’ici un an. Ce qui ne s’est pas produit. D’ailleurs, on voit mal comment elle aurait pu la mettre en oeuvre… En revanche, elle a cherché [et cherche peut-être encore] à obtenir les matériaux nécessaires pour confectionner des « bombes sales », c’est à dire des engins explosifs contenant de la matière radioactive.

« Dans l’optique d’accroître encore leur potentiel de nuisance, les groupes terroristes affirment leur volonté d’acquérir tout type de substances nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NrBC) susceptibles d’aggraver les conséquences d’un attentat. Cette évolution de la menace, qui inclut des effets potentiels de déstabilisation extrêmement grave sur notre société, doit être prise en compte dès maintenant pour être en mesure de la parer », soulignait, en 2017, le Secrétariat général de la Défense et de la sécurité nationale [SGDSN], dans un document intitulé « Chocs futurs« .

Cela étant, la sécurisation des armes nucléaires pakistanaises – dont le nombre augmente régulièrement – continue d’être une source de préoccupation non seulement pour les États-Unis mais aussi pour la France. C’est en effet ce qu’a indiqué . François Geleznikoff, le patron de la Direction des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables [CEA], lors d’une récente audition parlementaire.

« En matière de lutte contre le terrorisme, nous sommes, comme les Américains, préoccupés par les armes pakistanaises, d’autant que certaines se trouvent près de la frontière avec l’Afghanistan. Il y a eu des discussions pour savoir si le contrôle dont elles devaient faire l’objet était effectif mais je ne suis pas certain que nos partenaires américains soient allés jusqu’au bout de ce processus », a en effet expliqué M. Geleznikoff. Toutefois, a-t-il rassuré, « nous n’avons toutefois pas eu connaissance de disparitions d’armes complètes. »

« Quant aux matériaux qui ont pu s’échapper, c’est en général dans des quantités très inférieures à celles qui sont nécessaires pour produire une arme », a ensuite précisé M. Geleznikoff. « Elles pourraient être utilisées pour fabriquer des ‘bombes sales’, [à dispersion de matières], mais celles-ci pourraient aussi être produites avec les sources utilisées dans le domaine médical », a-t-il ajouté.

Effectivement, d’après l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA], il y a aurait eu environ 2.800 incidents relatifs à des trafics, détentions illégales ou pertes de matériaux nucléaires constatés dans le monde au cours de ces 20 dernières années.

Cela étant, en mars 2018, l’administration américaine, via l’U.S. Bureau of Industry and Security, Commerce, a sanctionné 7 entreprises pakistanaises pour leur implication présumée dans un trafic de matériels nucléaires.

Quoi qu’il en soit, a assuré M. Geleznikoff, la DAM travaille étroitement avec le ministère de l’Intérieur, sous l’égide du SGDSN, pour être en mesure « d’expertiser tout colis et de mettre au point des systèmes » pouvant neutraliser des bombes sales.

« Nous sommes très bien avancés sur les dispositifs qui empêchent tout objet nucléaire de fonctionner. Nos équipes s’entraînent très régulièrement avec celles du Ministère de l’Intérieur à la fois pour maîtriser l’aspect technique et pour savoir gérer les crises », a expliqué le responsable du CEA. « C’est aussi une préoccupation que nous partageons avec nos alliés, car nous devons être en mesure d’intervenir à la fois sur le territoire national mais aussi chez nos voisins, avec l’aide éventuelle d’autres pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni », a-t-il conclu.

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