L’idée d’une filière française de munitions de petit calibre définitivement enterrée par la DGA

Depuis la fin des années 1990 et la fermeture de l’établissement de Giat Industries au Mans, la France n’a plus la capacité industrielle de produire des munitions de petits calibres. Aussi, le ministère des Armées s’approvisionnent auprès de fournisseurs étrangers.

Ce qui, par le passé, causa quelques soucis, comme quand des cartouches de 5,56 mm livrées par le groupe ADCOM, installé au Émirats arabes unis, se révélèrent de piètre qualité, avec au moins 37 incidents de tir signalés après leur réception. Les marchés attribués à BAE Systems et IMI ne donnèrent pas non plus satisfaction, les munitions reçues n’étant pas adaptées au pas de rayures du canon des fusils FAMAS.

Aussi, des voix s’élevèrent pour recréer une filière française de munitions de petit calibre. En vain, le ministère des Armées ayant constamment fait valoir qu’un tel projet ne sera pas viable économiquement au regard de la consommation des forces françaises.

Toutefois, en 2015, un rapport remis par les députés Nicolas Bays et Nicolas Dhuicq fit bouger les lignes. « La France serait-elle visionnaire en la matière alors que ses voisins ont pour la plupart conservé une industrie nationale de munitions de petit calibre qui alimente nos armées? Comment est-il possible de s’assurer qu’aucun de nos fournisseurs ne sera contraint de cesser ses livraisons en raison d’une législation nationale? Comment est-on certain d’un approvisionnement en cas de conflit majeur et pourquoi serions-nous dans ce cas les premiers servis? Pourquoi, si nos voisins parviennent à faire vivre une industrie de munitions de petit calibre, ne le pourrions-nous pas? », avaient-il demandé.

Aussi, les rapporteurs calculèrent qu’un investissement initial de 100 millions était nécessaire pour relancer une production française de munitions de petits calibres. Quant à la rentabilité, il aurait été assurée « à partir d’une production annuelle de 60 millions de cartouches sous réserve qu’un niveau de commandes constant soit assuré durant les cinq premières années . »

En outre, firent encore valoir les deux députés, « une chaîne de production pourrait produire jusqu’à 80 millions de cartouches par an, étant entendu qu’une même ligne de production est en mesure de produire des munitions de plusieurs calibres différents ».

Ces arguments firent mouche. Après avoir souligné qu’une entreprise française était en pointe pour la production de cartouches pour la chasse et le tir sportif, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, décida de réinstaller en France une filière de production de munitions de petit calibre. Le montage proposé reposait sur une alliance entre NobelSport et Thales [via sa filiale TDA Armements]. Et la société Manurhin, qui vient d’ailleurs de passer sous le pavillon du groupe Emirates Defence Industries Company, devait fournir les machines de cartoucherie. Un protocole d’accord avait même été signé.

« Nous venons de poser un acte de souveraineté nationale […] C’est du made in France dans l’action et pas seulement dans le discours », s’était réjoui M. Le Drian, en mars 2017.

Seulement, les élections passées, il ne fut plus question de ce projet. Et la Revue stratégique, publiée en octobre, estima qu’une production française de munitions de petit calibre ne relevait pas d’un domaine comme devant rester souverain…

Un an plus tard, au cours d’une audition parlementaire, Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA], n’avait pas complétement fermé la porte à ce projet de filière française de munitions de petit calibre. Si elle « devient une priorité stratégique, il faudra savoir exactement quel coût elle représente et comment nous pourrons la financer dans le cadre d’une LPM qui a déjà été bouclée », avait-il dit.

Mais lors de sa dernière intervention à l’Assemblée nationale, en juillet, le DGA a dû répondre à une question sur ce sujet. « À l’heure où le projet de recréation d’une filière française de munitions de petit calibre de 5,56 mm semble remis en cause, compte tenu du coût de production peu concurrentiel au niveau européen, quels projets de munitions de petit calibre vous semblent les plus à même de permettre à l’industrie française d’être leader en Europe et dans le monde? », lui a demandé le député Jean-Pierre Cubertafon.

Cette fois, M. Barre a été très clair : il n’y aura pas de résurrection d’une filière française pour la production de munitions de petits calibres.

« Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a eu un débat sur l’opportunité de développer une filière de munitions de petit calibre en France. Nous avons estimé que ce projet ne se justifiait pas sur le plan économique, car il nécessiterait un investissement d’au moins un million d’euros [sans doute une erreur dans le compte-rendu, ndlr], alors que notre marché de munitions de petit calibre se chiffre, de mémoire, à quelques millions par an, sur un marché mondial qui dépasse le milliard. Or nous avons, pour acheter des munitions de petit calibre, des fournisseurs un peu partout dans le monde, y compris en Europe. Nous considérons donc que nous ne sommes pas dans une situation de dépendance et qu’il n’y a pas de risque pour notre souveraineté », a expliqué M. Barre.

Aussi, a-t-il continué, « pour l’instant, nous n’avons donc pas donné suite à un éventuel projet de montage d’une filière de munitions de petit calibre en France ». Ita Missa Est.

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