Une offensive turque contre les Kurdes syriens serait « inacceptable » pour le chef du Pentagone

Considérant les Unités de protection du peuple [YPG, milices kurdes syriennes] comme terroristes à cause de leur proximité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan turc [PKK], la Turquie menace depuis plusieurs mois de lancer une troisième opération militaire dans le nord de la Syrie afin de créer une « zone tampon » entre les territoires contrôlés par les Kurdes syriens et sa frontière.

Une perspective que refuse la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, étant donné le rôle tenu par les YPG au sein des Forces démocratiques syriennes [FDS, alliance arabo-kurde], lesquelles combattent l’État islamique [EI ou Daesh].

Comme le « califat » physique qu’elle avait établi n’existe plus, l’organisation jihadiste a renoué avec la clandestinité et la guérilla, n’attendant que la première occasion pour resurgir. En outre, une éventuelle opération turque à l’est de l’Euphrate serait une aubaine pour les milliers de jihadistes actuellement détenus par les FDS.

Aussi, l’une des priorités de la coalition est d’éviter une nouvelle initiative militaire d’Ankara, en négociant l’instauration d’une « zone de sécurité » dans le nord de la Syrie, afin de séparer la frontière turque des positions kurdes. Mais cela revient à vouloir jouer une partition de Chopin avec un tambour…

En effet, et dans un contexte marqué par des relations difficiles entre Washington et Ankara, en grande partie à cause de l’achat de systèmes russes de défense aérienne S-400, les propositions faites jusqu’à présent par les États-Unis sont encore loin de satisfaire la partie turque… Et cette dernière ne cache plus son impatience. Le 4 août, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a ainsi de nouveau parler de lancer prochainement une offensive contre les milices kurdes. Et d’assurer que les Russes et les Américains en avaient été avertis.

Cette menace du président turc visait sans doute à faire pression sur les discussions en cours sur l’établissement de cette « zone de sécurité ». Il y aurait deux points de désaccord : l’un porte sur le contrôle de cette dernière tandis que l’autre porte sur son étendue. Ainsi, la Turquie voudrait avoir le contrôle exclusif d’une bande de 30 km de large. Ce que les États-Unis ne sont pas prêts à lui concéder.

Quoi qu’il en soit, le chef du Pentagone, Mark Esper, a répondu vivement aux menaces lancées par M. Erdogan. « Nous considérons que toute action unilatérale de leur part [des Turcs, ndlr] serait inacceptable », a-t-il en effet affirmé, ce 6 août. « Ce que nous tentons de faire, c’est de trouver avec eux un arrangement qui réponde à leurs inquiétudes », a-t-il ajouté.

Quant aux Kurdes syriens, « nous n’avons aucune intention de les abandonner », a insisté M. Esper. « Ce que nous allons faire, c’est empêcher des incursions unilatérales qui seraient contraires aux intérêts que nous partageons – Etats-Unis, Turquie et FDS – en ce qui concerne le nord de la Syrie », a-t-il dit.

« Nous avons progressé sur certains des points les plus importants », ensuite affirmé le secrétaire américain à la Défense, sans donner plus de précsion. « Nous allons poursuivre nos discussions et je suis convaincu que nous trouverons une solution en temps voulu », a-t-il assuré.

Seulement, les déclaration du responsable américain n’ont visiblement pas convaincu M. Erdogan, puisqu’il de nouveau revenu à la charge. « La Turquie attend des Etats-Unis qu’ils prennent des mesures dignes d’un véritable allié », a-t-il lancé.

« Assécher le marécage du terrorisme dans le nord de la Syrie est notre principale priorité », a encore avancé M. Erdogan, ce 6 août. « Si nous ne faisons pas aujourd’hui ce qui est nécessaire, nous serons contraints de le faire demain en payant un plus lourd tribut », a-t-il continué. Aussi, « si Dieu le veut, le processus que nous avons commencé […] va entrer dans une nouvelle phase très bientôt », a-t-il averti.

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