La Chine met en garde contre tout déploiement américain de missiles à portée intermédiaire en Asie

Le chef du Pentagone, Mark Esper, n’a pas perdu de temps. Alors que le Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], qui interdisait aux États-Unis et à la Russie de posséder des missiles sol-sol pouvant parcourir une distance comprise entre 500 et 5.500 km, venait officiellement de prendre fin, le 2 août, il a fait savoir dès le lendemain qu’il souhaiterait déployer de nouvelles armes conventionnelles de portée intermédiaire en Asie.

« Oui, j’aimerais le faire », a en effet déclaré M. Esper, en répondant à une question sur ce sujet, avant d’atterrir à Sydney [Australie]. « Nous voudrions le faire le plus tôt possible. […] préfèrerais compter en mois », a-t-il ajouté. « Mais ces choses-là ont tendance à prendre plus de temps que prévu », a-t-il ensuite admis.

Mais encore faut-il trouver les endroits où pourraient être déployés ces nouveaux missiles. « Je ne voudrais pas spéculer, parce que […] c’est le genre de choses dont on discute toujours avec les alliés », a commenté le secrétaire américain à la Défense. Et ce ne sera pas aussi simple que prévu…

Faisant partie des pays potentiels susceptibles d’accueillir de telles armes américaines, l’Australie a fait savoir, le 5 août, que cette perspective n’était « plus à l’ordre du jour ». Et cela, après une rencontre entre les minitres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays.

L’affaire semble délicate avec la Corée du Sud, étant donné les initiatives diplomaties prises à l’endroit de Pyongyang au cours de ces derniers mois. « Notre gouvernement n’a eu aucune discussion officielle avec les Etats-Unis sur l’introduction possible de missiles de portée intermédiaire [sur le sol sud-coréen]. Nous n’avons pas examiné cette question en interne et ne prévoyons pas de le faire », a d’ailleurs indiqué le ministère sud-coréen de la Défense, le 5 août.

Le Japon pourrait convenir, d’autant plus qu’il a déjà fait part de son intention de se doter d’une capacité de frappe afin de dissuader la Corée du Nord et que, de par sa position géographique, il est aussi proche de la Chine et de la Russie. Mais, dans le même temps, le déploiement de missiles américains sur le territoire nippon pourrait mettre le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, dans une position délicate dans la mesure où cela ruinerait ses efforts en vue d’améliorer les relations avec Pékin et Moscou.

En tout cas, pour Mark Esper, la Chine ne devrait pas s’étonner des projets américains. Cela « ne devrait pas être une surprise, parce que nous en parlons depuis un bon moment », a-t-il dit, avant de souligner que 80% de l’arsenal chinois est composé de missiles à portée intermédiaire. « Ca ne devrait donc pas surprendre que nous voulions des capacités similaires », a-t-il insisté.

Les autorités chinoises ne sont en réalité nullement surprises par les plans américains. En revanche, et c’était à prévoir, elles sont très remontées.

« La Chine ne restera pas les bras croisés et sera dans l’obligation de prendre des mesures de rétorsion si les États-Unis devaient déployer des missiles terrestres de moyenne portée dans cette région du monde », a ainsi prévenu Fu Cong, le directeur général du département du contrôle des armements du ministère chinois des Affaires étrangères, ce 6 août.

Pour autant, le responsable chinois n’a pas précisé les options envisagées par Pékin, si ce n’est que « tout est sur la table ». En outre, il a appelé les pays susceptibles d’accueillir les missiles américains « à faire preuve de prudence » car « cela n’entrerait pas dans l’intérêt de leur sécurité nationale. »

Cependant, de tels missiles pourraient être déployés sur l’île de Guam, où les États-Unis disposent d’une base, à environ 3.000 km du territoire chinois. Mais là encore, M. Fu a estimé que cela reviendrait à les installer « aux portes de la Chine ».

« Si vous installez des missiles sur un bout de terre comme Guam, cela sera perçu comme un geste hautement provocateur de la part des Etats-Unis. Ce serait très dangereux », a lancé le responsable de la diplomatie chinoise.

Cela étant, ce 6 août, le chef du Pentagone a tempéré les propos qu’il avait tenus trois jours plus tôt, en affirmant que le moment n’est pas encore venu d’envoyer de nouveaux missiles dans la région Indo-Pacifique. « Nous en sommes encore assez loin. Cela prendra quelques années avant que nous soyons en mesure de déployer des missiles opérationnels », a-t-il en effet déclaré.

Le traité FNI interdisant les missiles sol-sol à portée intermédiaire [mais pas ceux lancés depuis les airs et la mer, nldr], les États-Unis pourraient développer une version terrestre du missile de croisière BGM-109 Tomahawk [il suffirait de s’inspirer du BGM-109G Gryphon, cf photo ci-dessus]. Selon les experts, cela pourrait prendre environ 18 mois.

Outre le programme PrSM [Precision Strike Missile], qui sera certainement modifié pour mettre au point un missile d’une portée supérieure à 500 km et pouvant être tiré par le système d’artillerie HIMARS, le Pentagone pourrait aussi mettre au point un nouveau missile balistique sol-sol et mobile, d’une portée comprise entre 2.900 et 4.000 km…. Ce qui devrait prendre au moins cinq ans.

Quoi qu’il en soit, Pékin a de nouveau exclu de participer à des discussions sur la réduction et la maîtrise des armements. « Compte tenu de l’écart énorme entre l’arsenal nucléaire de la Chine et ceux des Etats-Unis et de la Russie, il n’est pas raisonnable ni équitable d’attendre de la Chine qu’elle participe à une telle négociation à ce stade », a encore fait valoir M. Fu.

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