Les effectifs des forces afghanes revus fortement à la baisse après une chasse aux soldats « fantômes »

Le président Trump serait fermement décidé à mettre un terme à l’engagement militaire américain en Afghanistan d’ici 2020, soit avant la prochaine élection présidentielle. C’est ce qu’a en effet déclaré Mike Pompeo, son secrétaire d’État, le 29 juillet.

« C’est la directive que j’ai reçu du président. […] Il a été sans ambiguïtés : ‘mettez fin aux guerres sans fin, entamez le retrait' », a affirmé le chef de la diplomatie américaine, lors d’une intervention devant l’Economic Club de Washington.

Ayant promis, en 2016, qu’il retirerait le contingent américain d’Afghanistan s’il était élu à la Maison Blanche, M. Trump avait finalement approuvé l’envoi de renforts en août 2017, à la demande du James Mattis, alors chef du Pentagone. Une décision reprochée au moment de la démission de ce dernier…

Quoi qu’il en soit, et alors que les diplomates américains et des représentants du mouvement taleb afghan ont entamé un huitième cycle de discussions à Doha [Qatar] afin de tenter de trouver un accord de paix d’ici le 1er septembre [ou, du moins, avant l’élection présidentielle afghane, prévue le 28], le chef de la Mission d’aide des Nations unies en Afghanistan [Manua], Tadamichi Yamamamoto, a déploré la forte hausse de victimes civiles en juillet, avec plus de 1.500 personnes tuées ou blessées.

Il s’agit du « nombre le plus élevé de tous les mois de l’année en cours et le nombre le plus élevé enregistré en un seul mois depuis mai 2017 », a souligné la MANUA, qui attribue cette hausse aux « éléments antigouvernementaux », c’est à dire aux taliban et aux combattants de la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-Khorassan ou EI-K]. Les engins explosifs improvisés [EI] sont impliqués dans plus de 50% des cas.

« Les efforts de paix se sont intensifiés ces dernières semaines, tout comme le conflit sur le terrain », a commenté M. Yamamamoto, avant d’appeler « toutes les parties à ne pas intensifier les opérations militaires en pensant que cela leur offrira une position plus forte dans les pourparlers de paix. »

Cette hausse des victimes civiles est donc liée à l’activité soutenue du mouvement taleb et de l’EI-K. Une tendance également relevée dans le rapport [.pdf] que vient de remettre au Congrès américaine l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan [SIGAR].

Ainsi, entre le 1er mars et le 31 mai [période qui englode donc le début de la traditionnelle « offensive de printemps » des taliban, ndlr], 6.445 attaques ont été constatées, ce qui représente une hausse de 9% par rapport au trimestre précédent. Et plus de la moitié d’entre-elles ont eu lieu dans 5 des 34 provinces afghanes, c’est à dire dans celles du Helmand, de Badghis, de Faryab, de Herat et de Farah.

Les rapports du SIGAR ne laissent généralement rien passer… Et c’est encore le cas pour le dernier, qui s’est penché sur les effectifs des forces armées et de la police afghanes. En effet, il avance que le nombre de soldats et de policiers afghans a considérablement diminué d’une année sur l’autre, et plus particulièrement au cours du second trimestre de cette année.

Selon ce rapport, au 25 mai 2019, les forces armées afghanes comptaient 180.869 militaires tandis que la police nationale afghane [ANP] diposait de 91.596 agents. Or, ces « chiffres reflètent une baisse de 9.554 soldats et de 24.788 policiers par rapport au précédent trimestre », y lit-on.

Cette brusque réduction des effectifs s’explique par le fait que les seules sont désormais pris en compte les données biométriques des soldats et des policiers afghans. Une mesure prise par les « États-Unis et leurs partenaires afin de réduire la possibilité pour les responsables corrompus des forces de sécurité afghane d’inscrire des soldats et des policers fantômes sur les registres de personnel afin d’empocher les salaires », souligne le rapport du SIGAR. À noter que cette pratique avait également été constatée en Irak… Avec les conséquences que l’on sait.

Et cela soulève une autre question : si des commandants afghans ont fait de fausses déclarations concernent leurs effectifs, où sont passées les armes et les équipements destinés à cette « armée fantôme »?

« Les responsables [de la création de soldats fantômes] devraient être punis », a réagi Mir Haidar Afzali, chef de la commission de la défense de la Wolesi Jirga, la chambre basse du Parlement, cité par Tolo News.

Mais, pour le moment, le ministère afghan de la Défense est dans le déni. « Il n’y a pas de soldat fantôme dans les rangs de l’armée nationale afghane » et le « SIGAR n’a pas contacté le ministère de la Défense au moment de la rédaction du rapport et n’a pas demandé d’informations au ministère de la Défense », a déclaré Rohullah Ahmadzai, un porte-parole.

D’après l’objectifs fixé par l’Otan, via la mission Resolute Support, les forces de sécurité afghanes devraient compter 227.374 soldats et 124.626 policiers. Si les chiffres du SIGAR sont corrects, il manquerait donc près d’un quart des effectifs pour l’atteindre.

Reste que, après 18 ans après les attentats du 11 septembre, un rapport des Nations unies a une nouvelle fois avancé qu’al-Qaïda « continue de voir dans l’Afghanistan un refuge pour ses dirigeants, du fait de ses liens solides et de longue date avec le commandement taleb. » Et d’insister : « Avec l’aide des taliban, al-Qaïda souhaite renforcer sa présence dans la province de Badakhchan,
en particulier dans la zone de Chighnan, qui borde le Tadjikistan, ainsi qu’à Barmal, dans la province de Paktika. »

Enfin, dans un autre rapport concernant l’État islamique qu’il vient de remettre au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a également estimé que l’Afghanistan reste la zone le « mieux établie où il existe une ambition de préparer des attentats à l’extérieur et où une capacité pourrait être mobilisée ».

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