Maîtrise des armements : Le Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires vit ses dernières heures

Sauf un improbable rebondissement de dernière minute, le Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], pierre angulaire de l’architecture européenne de sécurité, ne sera plus en vigueur le 2 août à minuit, les États-Unis devant officiellement acter leur sortie de ce texte, après avoir accusé la Russie d’en avoir violé les dispositions en développant et en déployant le missile SSC-8 [ou Novator « 9M729 »].

Pour rappel, signé en 1988 par les États-Unis et l’Union soviétique [la Russie a repris les obligations de cette dernière, ndlr], le traité FNI interdit les missiles à capacité nucléaire ayant une portée comprise entre 500 et 5.500 km.

Ce texte mit un terme à la crise des Euromissiles, qui débuta quand, profitant des failles contenues dans les accords SALT, les Soviétiques déployèrent des missiles SS-20. En réponse, et à la demande de l’Otan, Washington envoya des missiles Pershing II en Europe. Cela donna lieu à de vives polémiques, alimentés par les partis communistes européens [à l’exception des communistes italiens, ndlr] et les mouvements pacifistes, soutenus et encouragés par Moscou.

N’ayant pas apporté de réponses satisfaisantes aux questions de l’Otan au sujet de son missile SSC-8, la Russie avait toutefois proposé d’ouvrer le traité FNI à d’autres pays, dont la Chine… dont l’arsenal est majoritairement composé de missiles nucléaires à portée intérmédiaire. D’ailleurs, c’est ce qui explique, en partie, la volonté américaine de ne plus s’acquitter des obligations prévues par ce texte.

Pékin « n’acceptera en aucun cas que le Traité sur les FNI devienne multilatéral », a encore répété Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, le 31 juillet, en réponse à Taro Kono, le chef de la diplomatie japonaise, qui venait de plaider pour une « nouvelle structure incluant les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France en cas d’expiration » du texte.

Mais, dans le même temps, elle a aussi affirmé que la Chine était « préoccupée par l’abandon possible du traité en raison du retrait unilatéral des États-Unis. » Et de souligner que les politiques de défense chinoise « sont de nature défensives ».

Quoi qu’il en soit, la fin du Traité FNI arrange aussi bien la Russie [qui a officiellement suspendu ses obligations le 3 juillet] que les États-Unis…

« La Russie a longtemps joué aux imbéciles, d’abord en niant que ce missile existe, puis en reconnaissant son existence mais en disant qu’il respectait l’accord », a commenté l’analyste militaire indépendant russe Alexandre Golts, cité par l’AFP.

Autre expert militaire russe, Pavel Felgenhauer, a rappelé, auprès de la même source que dès 2007, soit quand la Russie suspendu ses obligations dans le cadre du traité FCE [sur les forces conventionnelles en Europe, dont elle s’est officiellement retirée en 2015, ndlr], « l’armée russe et le Kremlin disaient que le traité FNI n’était pas un bon accord, qu’il n’était pas juste. »

D’où l’estimation du renseignement américain, dont les conclusions ont été validées par l’Otan. « Nous pensons que la Russie souhaite probablement ne pas être contrainte par le traité FNI, dans la mesure où elle modernise son armée avec des missiles […] qui, selon nous, sont conçus pour cibler les infrastructures militaires et économiques européennes critiques et être ainsi en mesure de contraindre les alliés de l’Otan », avait-il affirmé.

Pour les États-Unis, si le traité FNI leur « a été utile », il ne peut fonctionner que « si les deux partie le respectent », a récemment fait valoir Mark Esper, le nouveau chef du Pentagone, lors de son audition au Sénat. Mais il a aussi confirmé que la sortie de ce texte leur permettrait d’avoir les mains libres pour répondre à la modernisation des systèmes d’armes chinois.

« La plus grande partie de l’arsenal chinois est composé de missiles de portée intermédiaire et nous devons nous assurer que nous avons les mêmes capacités si par malheur nous devions entrer en conflit avec eux un jour », a en effet, expliqué le responsable américain.

Évidemment, la fin du Traité FNI ne fait pas les affaires des Européens… Il faut se préparer à « vivre dans un monde sans traité de désarmement nucléaire » en Europe et « avec une Russie qui continue a déployer des missiles » capables de frapper des villes européennes, a répété Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. « Nous devons faire en sorte d’avoir une dissuasion crédible », a-t-il insisté, alors qu’il recevait Annegret Kramp-Karrenbauer, la nouvelle ministre allemande de la Défense.

Or, comme il n’est nullement question d’un déploiment de missiles nucléaires américains en Europe, cette « dissuasion crédible » passerait par une hausse des dépenses militaires, un nombre plus important d’exercices ou encore un renforcement de la défense antimissile. Voire par un accroissement de la portée des systèmes conventionnels d’artillerie, comme le prévoit le programme programme PrSM [Precision Strike Missile], conduit par le Pentagone.

Après la fin du traité FNI, il ne restera plus qu’un seul accord bilatéral de désarmement, à savoir le New START. Entré en vigueur en 2011, ce dernier fixe à 1.550 le nombre maximum d’armes stratégiques que peuvent déployer les forces américaines et russes. Or, il arrive à expiration en 2021…

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