Selon un responsable de l’ONU, le conflit armé en Libye « ne montre aucun signe d’apaisement »

Relevant du gouvernement de Tobrouk, qui tient sa légitimité des élections législatives de juin 2014, l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar a assumé, le 29 juillet, une frappe aérienne ayant visé l’hôpital de « campagne » Az Zawiyah, situé dans la zone de l’aéroport de Tripoli. Ce bombardement a fait cinq tués, dont quatre médecins et un ambulancier.

Pour rappel, le 4 avril, après avoir « nettoyé » le sud libyen de la présence de groupes jihadistes, l’ANL a lancé une offensive en direction de Tripoli, où s’est établi le gouvernement d’union national [GNA], dirigé par Fayez el-Serraj et formé sous l’égide des Nations unies. Ce dernier est défendu par des milices armées, qui sont plus « anti-Haftar » que « pro-GNA ». D’après Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, elles « ne se battent pas pour Sarraj mais pour la protection de leurs activités criminelles. »

« Nous avons mené un raid aérien visant un hôpital de campagne au sud de Tripoli samedi, utilisé comme couverture par les terroristes pour ne pas être visés », a en effet reconnu le général Ahmad al-Mesmari, le porte-parole de l’ANL, sur la chaîne Libya al-Hadath.

S’agissant du personnel médical ayant perdu la vie dans ce raid, le général Mesmari a asssuré que ce n’étaient « pas des médecins mais des étudiant en faculté de médecine », dont « certains ont été emprisonnés dans les années 1990 pour terrorisme ». Quant aux autres, « ils appartiennent au mouvement des Frères musulmans. »

Seulement, viser sciemment un établissement médical constitue un crime de guerre… D’où les justifications du général al-Mesmari. Et le raid contre l’hôpital d’Az Zawiyah a été qualifié « d’attaque déplorable » par l’Organisation mondiale de la santé [OMS]. « Les personnes qui ont consacré leur existence à sauver la vie des autres ne devraient pas être en danger elles-mêmes », a-t-elle fait valoir.

Outre cet hôpital, une école de Tripoli, inoccupée à cette époque de l’année, a également été visée au même moment. Mais, a priori, le porte-parole de l’ANL n’a pas fait de commentaire. « Les attaques contre les écoles privent les enfants de leur droit fondamental à l’éducation et ont un impact dévastateur sur leur bien-être, leur vie et leur avenir », a réagi l’UNICEF.

De son côté, le Représentant spécial et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye, Ghassan Salamé, a fermement condamné ces raids. « L’impunité ne doit pas prévaloir, en particulier pour ceux qui attaquent les hôpitaux et les ambulances. La protection des civils et des travailleurs humanitaires nécessite des sanctions contre ceux qui commettent des crimes », a-t-il dit, lors d’une réunion du Conseil de sécurité, le 29 juillet.

Alors qu’elle a récemment subi un revers en perdant le contrôle de la ville – stratégique – de Gharyan face aux milices pro-GNA, l’ANL a connu un nouveau coup dur, le 25 juillet, avec le bombardement de la base aérienne d’al-Joufra [ou Al-Jufrah], dans le centre de la Libye.

Selon le GNA, ce raid aurait détruit un hangar de drones appartenant à un pays hostile, un dépôt de munitions et touché un avion de transport Illiouchine Il-76. Sans donner de précisions sur les destructions qu’elle aurait subi, l’ANL a confirmé ce bombardement, qui aurait été effectué par des drones [de conception turque?] de la force aérienne de Misrata.

Mais selon des informations publiées via les réseaux sociaux, ce ne serait pas un mais deux Il-76 qui auraient été détruits lors de ces frappes. Appartenant à la compagnie ukrainienne Europe Air, ces appareils, immatriculés « UR-CMC » et « UR-CRP », auraient été affrétés par les Émirats arabes unis. Il a été rapporté qu’un membre d’équipage [et par ailleurs ancien officer des forces aériennes ukrainiennes] y a laissé la vie.

En retour, l’ANL a riposté en bombardant, pour la première fois depuis le 4 avril, des cibles militaires à Misrata, ville d’où sont originaires d’importantes milices pro-GNA. L’académie de l’armée de l’Air, qui abrite des drones livrés par la Turquie, a ainsi été visée. Un centre de commandement de drones implanté à Mitiga [Tripoli] a également fait partie des cibles, au même titre, donc, que l’hôpital de campagne d’Az Zawiyah. D’autres frappes ont été effectuées à Syrte.

À noter que le bombardement de l’académie militaire de Misrata aurait pu mettre en danger les soldats transalpins qui y sont déployés… Mais le ministère italien de la Défense a immédiatement assuré que son détachement n’avait subi aucun dommage. Aussi cette action de l’ANL peut-elle être vue comme un avertissement adressé à Rome.

Quoi qu’il en soit, ces derniers développement ne font que confirmer l’évaluation de la situation faite par M. Salamé. « Le conflit armé en Libye ne montre aucun signe d’apaisement », a-t-il dit, au Conseil de sécurité de l’ONU.

« Ignorant les appels à la désescalade, les parties au conflit libyen ont intensifié leurs campagnes aériennes, avec des frappes ciblées menée par des avions et des drones armés », a ensuite déploré le chef de la MANUL, avant de donner le bilan de 1.100 tués [dont 106 civils] depuis le début de l’offensive de l’ANL en direction de Tripoli.

En outre, M. Salamé a également noté une hausse du recrutement et du recours à des mercenaires étrangers. « Les parties croient toujours qu’elles peuvent atteindre leurs objectifs par des moyens militaires », a-t-il relevé. Mais « le présent et l’avenir de la Libye ne doivent pas être pris en otage par les parties belligérantes », a-t-il estimé.

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