Outre-Manche, la saisie par l’Iran du pétrolier Stena Impero ravive le débat sur les moyens de la Royal Navy

Puissance navale de premier rang durant des décennies, si ce n’est des siècles, le Royaume-Uni a-t-il négligé la Royal Navy à partir des années 2000? Posée il y a déjà quelques temps, cette question est revenue dans le débat, outre-Manche, après l’arraisonnement par l’Iran du Stena Impero, pétrolier sous pavillon britannique mais appartenant à un armateur suédois, dans les eaux omanaises, près du détroit d’Ormuz, la semaine passée.

Pour rappel, la saisie du Stena Impero est survenu après celle du pétrolier iranien Grace 1 au large de Gibraltar. Le motif avancé par les autorités britanniques est que ce navire était soupçonné d’acheminer du pétrole, en violation des sanctions décidées par l’Union européenne.

En retour, l’Iran a évoqué une « violation du droit maritime international » par le pétrolier britannique, lequel n’aurait pas répondu à des appels de détresse lancés par un bateau de pêche iranien après une collision. Ce qui ne peut pas être vérifié d’une manière indépendante.

Cela étant, l’interception du Stena Impero aurait pu être empêchée – comme celle, quelques jours plus tôt, du pétrolier British Heritage – si la HMS Montrose, soit la seule frégate britannique « sur zone » au moment des faits, était arrivée dix minutes plus tôt. D’où le débat sur le format actuel de la Royal Navy…

Pour autant, la marine britannique n’a pas été oubliée lors des derniers arbitrages budgétaires. En effet, elle disposera, à terme, des HMS Queen Elizabeth et Prince of Wales, deux porte-avions, qui emporteront des F-35B, le renouvellement de ses 7 sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] est en cours et celui de ses 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] se fera dans le cadre du très ambitions programme Dreadnought. D’autres projets ont vu le jour, comme celui relatif aux frégates de Type 26, dont 8 exemplaires doivent être commandés au total. Il est également question de la doter de 5 autres frégates plus légères [type 31].

En outre, des investissements dans de domaine de la guerre des mines ont été consentis, via une coopération avec la France, avec laquelle la mise au point du missile anti-navire léger [ANL] a été financée. De même que des recherches pour mettre au point des sous-marins autonomes ont été lancées.

Les capacités de lutte anti-sous-marine, après avoir été sacrifiées en 2010, reposeront finalement sur l’acquisition d’avions de patrouille maritime P-8 Poseidon [même s’il seront mis en oeuvre par la Royal Air Force, ndlr]. Enfin, on peut aussi citer le projet de mettre sur pied deux « Littoral Strike Group » [Groupe de combat littoral], reposant chacun sur un nouveau type de navire, appelé « Littoral Strike Ship. »

Cependant, ces efforts se sont traduits par une réduction drastique du nombre de navires de surface dits de premier rang, ce dernier passant de 72 au début des années 1980 à une vingtaine au début des années 2000.

Actuellement, la Royal Navy compte 13 frégates de type 23 [classe Duke] et 6 destroyers type 45 [classe Daring], dont le développement, au passage, aura été chaotique.

Or, la marine britannique est au four et au moulin… Outre les missions relatives à la dissuasion nucléaire, elle doit protéger les approches maritimes du Royaume-Uni et des ses dépendances [Falklands, Gibraltar, par exemple] tout en faisant face à une activité accrue de son homologue russe. Il vient s’ajouter à cela les engagements pris à l’égard de l’Otan, les opérations menées dans la zone Indo-Pacifique où Londres entend jouer un rôle ainsi que l’escorte qu’elle devra fournir, à l’avenir, à ses porte-avions. Et même si la Royal Navy a des facilités au Moyen-Orient, elles sont visiblement insuffisantes puisque la saisie du Stena Impero n’a pu être dissuadée. En outre, au moment des faits, seule la frégate HMS Montorse croisait dans la région.

Officier réserviste de la British Army et actuel secrétaire d’État à la Défense, Tobias Ellwood, a admis que la Royal Navy était désormais « trop petite » pour assurer l’ensemble de ses missions. Un constat que ne cesse de déplorer l’un de ses anciens chefs d’état-major, l’amiral Alan West [entre 2002 et 2006]. Ce dernier a également estimé que la saisie du Stena Impero était liée à la focalisation de « l’establishment politique » sur « l’élection […] du prochain occupant du 10, Downing Street » alors qu’il fallait s’attendre à une réaction iranienne à l’arraisonnement du Grace 1.

D’autres anciens amiraux ont emboîté le pas de l’ex-First Sea Lord. « Il ne fait aucun doute que la [réduction] de la taille de la Royal Navy depuis 2005 – passée de 31 frégates et destroyers à 19 aujourd’hui – a eu un impact sur notre capacité à protéger nos intérêts partout dans le monde », a ainsi commenté e contre-amiral [en retraite] Alex Burton, sur les ondes de la BBC.

Cela étant, M. Ellwood a souligné qu’avec seulement 13 frégates et six destroyers, la Royal Navy n’avait pas assez de moyens à déployer dans le Golfe arabo-persique sans baisser la garde sous d’autres latitudes. Aussi a-t-il plaidé pour une hausse des investissements en faveur de la marine britannique pour lui donner des marges de manoeuvre supplémentaires. Mais cela veut aussi dire moins d’argent pour la British Army et la Royal Air force…

En attendant, le destroyer HMS Duncan rejoindre la frégate HMS Montrose d’ici le 29 juillet. Et sans doute qu’un SNA de la classe Astute fera le même voyage, à en croire le « Daily Express ». Dans le même temps, le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, donné perdant face à Boris Johnson pour succéder à Theresa May au 10 Downing Street, a plaidé pour la mise en place d’une mission de protection maritime « européenne » dans le Golfe.

« Nous allons désormais chercher à mettre en place une mission de protection maritime dirigée par les Européens pour soutenir un passage sûr à la fois pour les équipages et les cargos dans cette région vitale », a en effet déclaré M. Hunt devant les députés britanniques, le 22 juillet. Il s’agit garantir la « liberté de navigation, en gardant à l’esprit qu’un cinquième du pétrole mondial, un quart de son gaz naturel liquéfié […] passent par le détroit d’Ormuz chaque année », a-t-il expliqué.

Une telle mesure, a aussi précisé M. Hunt, ne fait « pas partie de la politique des États-Unis de pression maximum sur l’Iran parce que nous restons déterminés à préserver l’accord nucléaire iranien. » En clair, il n’est a priori pas question de rejoindre la coalition internationale que Washington propose pour assurer la liberté de navigation dans les détroits d’Ormuz et de Bab el-Mandeb.

Selon le Foreign Office, M. Hunt s’était entretenu la veille avec ses homologues français [Jean-Yves Le Drian] et allemand [Heiko Maas] pour convenir que la « sécurité du passage des navires dans le détroit d’Ormuz est une priorité absolue pour les pays européens. » Ce qui laisse supposer une participation de la Marine nationale et de la Deutsche Marine à cette mission européenne que Londres appelle de ses voeux. À moins que la désignation de Boris Johnson au poste de Premier ministre ne rebatte les cartes.

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