Le prochain porte-avions français devra composer avec la masse (imposante) de l’avion de combat du futur

Si l’on se fie à la maquette dévoilée lors du dernier salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, le New Generation Fighter [NGF], c’est à dire l’avion de combat développé par Dassault Aviation qui sera au centre du Système de combat aérien du futur, devrait mesurer 19 mètres en longueur pour une envergure de 14 mètres. Et, selon l’Usine Nouvelle, sa masse devrait être de l’ordre de 30 à 40 tonnes, armements en soute et carburant compris. C’est à dire qu’il aurait les dimensions et la masse d’un Mirage IV.

Sachant qu’il en est prévu une version navale, quelles seront les conséquences sur le prochain porte-avions de la Marine nationale, pour lequel la phase d’études a commencé? Qui plus est, il est question que ce futur navire soit en mesure de « lancer et de ramasser » en même temps ses aéronefs, afin d’avoir plus de souplesse dans les opérations aériennes. Et, pour couronner le tout, ses installations aéronautiques devront prendre en compte la mise en oeuvre de drones aériens embarqués.

Aussi, tout laisse à penser que ce futur porte-avions sera beaucoup plus imposant que l’actuel Charles-de-Gaulle… D’où la question posée à ce sujet par le député Thomas Gassilloud, lors d’une récente audition de l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM]. D’après le parlementaire, et en raison de la masse du NGF, ce bâtiment devrait afficher un déplacement de plus de 70.000 tonnes.

Pour le moment, d’après le CEMM, le tonnage du futur porte-avions n’est pas gravée dans le marbre. « Il n’est pas plus question aujourd’hui de 70.000 tonnes que de 60.000 ou 90.000 tonnes », a-t-il dit. Mais il est acquis que la « la masse du NGF » constitue la « donnée de départ », a-t-il dit, avant de préciser qu’elle est « compatible avec les catapultes EMALS [Electromagnetic Aircraft Launch System, catapultes électro-magnétiques] des porte-avions américains. » Pour rappel, la masse au décollage d’un F-35C [version navale du F-35, ndlr] est de 31 tonnes.

Sur ce point [sur lequel l’amiral Prazuck ne s’est pa attardé], il faudra faire un effort particulier sur les chaufferies nucléaires étant donné la quantité d’électricité qu’il faudra produire pour utiliser de telles catapultes. Celles du Charles-de-Gaulle [deux de type K-15] développent chacune une puissance de 150 MW [contre 700 MW pour chacun des deux réacteurs A1B des porte-avions américains de la classe Gerald Ford]. Cela donne une idée du travail à accomplir dans ce domaine.

Cependant, pour l’amiral Prazuck, avant de s’interroger sur la masse, il faut « évidemment se demander combien d’avions nous voulons avoir sur notre porte-avions et pour quel scénario. » Si la masse de ce futur navire doit être équivalente ou un peu plus élevée à celle du Charles-de-Gaulle, alors le nombre d’appareils embarqués pourrait être réduit considérablement. En outre, il faudra faire de la place pour les « effecteurs connectés » prévus par le SCAF.

Aussi, a-t-il continué, « la question est alors, moins la masse, mais l’envergure et corrélativement, la superficie, celle du pont d’envol, celle du hangar. » Ensuit, a poursuivi le CEMM, « il faudra déterminer la propulsion possible pour ce porte-avions, sachant que la vitesse maximale doit être d’au moins 27 nœuds », cette dernière étant celle à laquelle on « récupère un Hawkeye E-2C ou E-2D en avarie sévère. »

Au passage, le propos de l’amiral Prazuck donne à penser que la Marine nationale envisagerait d’acquérir des E-2D Hawkeye, dont la cellule intègre des matériaux composites et qui est doté d’un radar plus performant, en l’occurrence un AN/APY-9 AESA de Lockheed Martin.

Par ailleurs, l’idée de transformer des porte-hélicoptères en navire pouvant accueillir des avions de combat de type STOVL [décollage court/atterrissage vertical] a été évoqué par des députés lors de l’audition du CEMM et de celle, plus ancienne, d’Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation. Mais sans succès.

Ainsi, l’amiral Prazuck ne veut pas en entrendre parler. « La grande différence entre l’architecture d’un porte-avions et celle d’un porte-hélicoptères, c’est le système de catapultage. C’est là le facteur ‘dimensionnant’ dans un porte-avions. Certes, à l’image des Japonais, on peut envisager des porte-avions sans catapulte, que l’on appelle des LHA [Landing Helicopter Assault]. Mais de tels bâtiments ne peuvent mettre en œuvre que des avions à appontage vertical et à décollage court, dont l’autonomie, les capacités d’emport et le rayon d’action sont nettement inférieurs à ce qui est nécessaire pour intervenir en premier sur un théâtre d’opération, comme la France en a l’ambition », a-t-il expliqué aux députés.

Et puis cela pose effectivement la question de l’avion de combat qui conviendrait pour ce type de navire. Et le seul disponible sur le marché est le F-35B américain. Et le restera longtemps car Dassault Aviation n’a nullement l’intention de faire une version du NGF ayant une capacité STOVL.

« S’agissant de l’emploi de moteurs du SCAF pour l’appareil de l’aéronavale, je ne crois pas qu’un avion à décollage vertical soit vraiment un avion de combat. Les Américains, n’ont développé ce type d’avion que pour les marine corps. Nous, nous n’avons pas ce type de force en Europe », a fait valoir M. Trappier, oubliant, au passage, que les Britanniques et les Italiens sont en train de se doter de F-35B et que les Espagnols l’envisagent pour remplacer leur AV-8 Harrier II embarqués à bord du LHD « Juan Carlos I »…

En outre, et cela rejoint la question du tonnage, « la version marine du F-35 est une version qui comporte le moteur de l’armée de l’air permettant à l’avion de décoller d’un porte-avions. À titre indicatif, le tonnage d’un porte-avions américain est plus du double de celui du Charles-de-Gaulle. Nous avons donc affaire à de gros avions de combat sur de gros porte-avions », a encore dit le Pdg de Dassault Aviation.

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