L’armée de Terre fait du « chef » la « pierre angulaire de sa stratégie de fidélisation » de ses soldats

Rares sont les armées occidentales qui échappent aux problèmes en matière de recrutement et de fidélisation, que ce soit pour des raisons d’attractivité, médicales ou encore sociologiques.

Ainsi, au début de cette année, 5.000 postes étaient encore vacant au sein de la British Army. Le problème est encore plus sérieux en Belgique, où, selon une note interne évoquée par la presse d’outre-Quiévrain, l’enjeu sera de recruter et de former 13.400 nouveaux militaires d’ici 2024 afin de compenser les 11.400 départs en retraite prévus [soit 40% des effectifs de la Défense belge] et les départs anticipés. La tâche s’annonce d’autant plus difficile à relever au regard du nombre de jeunes soldasts qui dénoncent leur contrat au bout de quelques mois seulement.

Les forces françaises ne sont pas épargnées. « Si le recrutement constitue une source de difficultés ponctuelles pour les armées, le sujet majeur est sans nul doute celui de la fidélisation des effectifs incorporés. Elle détermine la capacité de l’institution à remplir ses objectifs opérationnels. Ces difficultés touchent notamment les militaires du rang, généralement recrutés pour des contrats à durée déterminée, et dont le taux global d’attrition avant la fin du contrat se maintient à un niveau élevé, notamment pour l’armée de Terre », note ainsi le sénateur Dominique de Legge, dans un récent rapport sur la politique des ressources humaines du ministère des Armées.

Et de noter que les armées font « face à l’arrivée d’une population moins prévisible, davantage adepte du court-terme et moins encline à l’engagement », avec de jeunes militaires qui vivent leur passage sous l’uniforme comme une « opportunité de consolider, de manière re ponctuelle, leurs compétences et leurs savoir-être. »

Ainsi, pour l’armée de Terre, les contrats de deux ans, créés en 2015 pour accompagner la montée en puissance de la Force opérationnelle terrestre [FOT] et attirer les candidats encore indécis sur leur engagement, représentent 15,4% des recrutements de militaires du rang alors que, dans le même temps, les contrats longs sont tombés à seulement 0,5% et que les contrats de 5 ans sont passés de 77,7 à 60,3%.

S’ajoute à cela la fidélisation des militaires spécialisés et/ou expérimentés, lesquels constituent une cible de choix pour le secteur privé, qui offre des rémunérations supérieures avec moins de sujétions. Et, pour les armées, voir partir un sous-officier qui a un peu de « bouteille » a un coût, à commencer par celui a qui été consenti pour sa formation…

D’où, d’ailleurs, les appels du pied de l’armée de Terre lancés vers ses sous-officiers ayant récemment quitté le service, afin qu’ils « rempilent », ou encore la réforme du recrutement interne de ses officiers. D’autres mesures ont été prises ou sont en train de se mettre en place, comme celles visant à limiter les mutations, qui ne doivent plus se faire « par principe » mais selon une logique de « bassin d’emploi ». Mais cela ne suffit visiblement pas.

Dans la dernière lettre  du CEMAT [chef d’état-major de l’armée de Terre], le problème est ainsi résumé : « moins de départ → moins de recrutement → moins de recrues à former → plus de souplesse = vie meilleure 26 → Plus d’effectifs disponibles, formation de meilleure qualité. »

Aussi, en matière de fidélisation, une « action positive et volontariste est nécessaire, pilotée par la DRHAT [Direction des ressources humaines de l’armée de Terre] et ses relais locaux ‘au contact’, au premier rang desquels les régiments », explique le document. Le chef de corps sera donc pleinement impliqué… Mais pas seulement.

Car pour fidéliser ses soldats, l’armée de Terre compte sur « le chef » qui, « à tous les échelons de la chaîne de commandement, est la pierre angulaire de la stratégie de fidélisation par la relation de confiance qu’il entretient avec ses subordonnés », lit-on dans la Lettre du CEMAT, qui résume le tout par le mot d’ordre : « le chef au centre, le militaire au coeur. »

« Le chef a le devoir d’être à la fois exigeant – afin de poursuivre l’objectif d’efficacité opérationnelle – et bienveillant – en ayant le souci des conditions de vie des soldats autant que leur capacité professionnelle », y est-il encore souligné. Le fascicule intitulé « l’exercice du commandement dans l’armée de Terre« , revu en 2016, ne dit d’ailleurs pas autre chose. « Il s’agit bien, en responsabilisant et en valorisant les subordonnés, de leur porter l’attention qu’ils méritent. Il s’agit bien, en leur offrant la satisfaction de servir, de les respecter. En les conduisant à précéder l’ordre par une discipline librement consentie, il s’agit bien de les grandir. Il s’agit bien, en un mot, de les aimer », y lit-on.

Mais  il est aussi de prendre en compte des « aspirations individuelles des militaires » ainsi que leur permettre de mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle. Enfin, il s’agira également de « valoriser les motifs qui incitent à rester dans les rangs », comme l’esprit de corps ou les raisons de l’engagement.

Photo : armée de Terre

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