Un rapport propose de limiter les changements d’affectation des militaires aux « strictes nécessités opérationnelles »

Dans son rapport intitulé « Améliorer la condition militaire : une nécessité stratégique, opérationnelle et humaine » [.pdf], le sénateur Dominique de Legge, de la commission des Finances, a estimé qu’il fallait une « remise à plat » de la politique de mobilité au sein du ministère des Armées, dans la mesure où cette dernière est l’une des clés pour la fidélisation des personnels tentés par les sirènes du privé.

La loi indiquant que « les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu », cette mobilité géographique s’explique en partie par la volonté « historique » [selon M. de Legge] d’éviter la personnalisation du commandement. D’où le fait qu’elle concerne particulièrement les officiers et les sous-officiers.

Après avoir été des niveaux importants avec les restructuration subies par le ministère des Armées durant les années 2008-2014, le taux de mobilité des militaires reste élevé. Et la « principale implication de cette mobilité est le célibat géographique », relève le sénateur.

Ainsi, selon la dernière livraison du « Bilan social de la Défense« , 23.654 militaires ont connu une mutation avec changement de résidence [ACR] en 2018. Soit un peu plus qu’en 2017, année durant laquelle 23.568 vécurent une telle situation. S’agissant des mututions sans changement de résidence, 22.335 ont été concernés, contre 19.726 en 2017.

L’armée de Terre concentre à elle seule 42,9% des mutations ACR. Viennent ensuite la Marine nationale [31%], puis, loin derrière, l’armée de l’Air [15,2%]. Selon les grades, les sous-officiers sont les principaux concernés [41,2%].

Quant au taux de célibat géographique, il est d’environ 16% dans l’armée de Terre, de 13,5% dans la Marine nationale et de 5,5% dans l’armée de l’Air.

Selon le sénateur de Legge, qui s’est tourné vers la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre [DRH-AT], le niveau actuel des mutuations est « considéré comme imcompressible » [avec la rotation des commandements, les effectifs en formation, etc]. Toutefois, estime-t-il, des progrès sont encore possibles, notamment « en matière de délais de préavis ».

« En 2017, les durées de préavis de mutation se sont dégradées par rapport à 2016 : 59 % des mutations en métropole ont été prononcées administrativement moins de 3 mois avant la mutation effective [+ 4 points par rapport à 2016], la part des mutations dont le préavis est inférieur à 1 mois atteignant 30 %, niveau jamais atteint ces 10 dernières années », souligne le parlementaire, en se référant au dernier rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM].

« La condition militaire implique d’importants sacrifices en termes de vie personnelle de moins en moins compatible avec les attentes contemporaines », fait valoir M. de Legge, citant les « déménagements fréquents et une impossibilité de travailler pour le conjoint, en contradiction avec l’évolution des pratiques sociales, et notamment l’activité des conjoints ».

Aussi, estimant que « ces contraintes doivent impérativement être atténuées ou compensées, au risque de mener à une réelle impasse », le sénateur propose d’ouvrir un « grand chantier visant à limiter la mobilité aux strictes nécessités opérationnelles » et « envisageant des moyens de la rendre moins difficile à vivre, en privilégiant, par exemple, des mutations dans des bassins géographiques proches. »

Cela étant, le « Plan Familles« , présenté en octobre 2017, propose quelques mesures visant à faire « mieux vivre » la mobilité, avec l’amélioration du dispositif de déménagement, l’individualisation des parcours professionnels, une information systématique sur la durée prévisible d’affectation, des aides à l’emploi pour les conjoints ou encore à la scolarité pour ls enfants.

La gestion de la mobilité est l’une des priorités de l’armée de Terre, comme l’a indiqué son chef d’état-major [CEMAT], le général Jean-Pierre Bosser lors de sa dernière audition parlementaire avant de passer la main au général Thierry Burkhard.

« Pour moi, le succès du plan Famille repose avant tout sur le succès de la gestion de la mobilité. Certaines mutations ne sont aujourd’hui plus souhaitées par nos soldats et sont mal vécues. Au vu de la concurrence du secteur privé et de la nécessaire fidélisation, un de nos leviers demeure donc la mobilité », a expliqué le général Bosser.

« J’estime, en effet, qu’il ne faut plus muter par principe. Il faut, par exemple, mettre en œuvre des logiques de bassin d’activité dans lequel nos hommes et nos femmes pourraient être affectés successivement, entre Suippes, Mailly, Mourmelon et Châlons-en-Champagne par exemple ou bien entre Pau, Bayonne, Montauban, Castres et Toulouse. Dans ces bassins, nos soldats peuvent faire carrière, changer de poste, progresser et avoir des responsabilités », a ajouté l’ex-CEMAT.

« Dans ce cadre, nous avons ainsi mis en place une « bourse aux emplois » qui consiste à proposer des postes et à laisser les intéressés s’arranger entre eux. Tout le plan annuel de mutation [PAM] ne se fera pas par les intéressés ni via ce système mais, cette année, c’est déjà entre 10 et 15 % du PAM qui aura été résolu par cette ‘bourse aux emplois’. C’est une petite révolution pour l’armée de terre qui est plutôt habituée à une logique verticale plus qu’horizontale mais cela fonctionne et évite certains désagréments », a ensuite conclu le général Bosser sur ce sujet.

Illustration : Ministère des Armées

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