Les branches de l’État islamique au Nigeria et au Sahel ont, a priori, resserré leurs liens

C’est une tendance observée depuis maintenant plusieurs semaines : les attaques menées sous la bannière de l’État islamique au Grand Sahara [EIGS] sont désormais revendiquées par la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique [ISWAP], une faction qui, dirigée par Abou Musab al-Barnawi, a rompu avec le groupe jihadiste nigérian Boko Haram.

Ainsi en a-t-il été pour l’attaque « complexe » qui a visé le camp militaire d’I-n-Ates [orthographié ainsi sur les cartes, ndlr] dans le nord du Niger, près de la frontière avec le Mali. Selon Niamey, cet assaut, lancé le 1er juillet, a fait 18 tués dans les rangs des forces armées nigériennes [FAN].

D’après SITE Intelligence, une structure américaine qui surveille les activités de la mouvance jihadiste sur les réseaux numériques, l’attaque d’I-n-Ates a été revendiquée le 3 juillet via un communiqué signé par l’ISWAP et non par l’EIGS.

« Les soldats du califat ont attaqué la base militaire d’Inates il y a deux jours », est-il en effet affirmé dans ce texte, qui, par ailleurs, donne une version différente des combats par rapport à celle avancée par les autorités nigériennes.

Pour rappel, l’attaque a commencé par l’explosion de deux véhicules [VBIED] conduit par des candidats au suicide. Puis, ayant encerclé le camp, les jihadistes, arrivés à moto, ont ouvert le feu. Les combats ont pris fin après des frappes aériennes réalisées, a priori, par des Mirage 2000 de la force française Barkhane.

Or, l’ISWAP assure avoir que les jihadistes ont « fait fuir les soldats » nigériens avant de s’emparer des armes et des équipements de ces derniers et de « retourner sains et saufs dans leurs positions. »

Cela étant, le fait que l’ISWAP revendique des attaques commises par l’EIGS interroge, dans la mesure où la première organisation concentre son action sur les rives du Lac Tchad et que le seconde est surtout présente dans la bande sahélo-saharienne, en particulier dans la région du Liptako.

Dirigé par Adnane Abou Walid al-Sahraoui, l’EIGS a mis du temps pour être reconnu par Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique [EI ou Daesh], ce qui n’a pas été le cas pour l’ISWAP. Et ce n’est qu’après l’embuscade de Tongo Tongo [nord du Niger], au cours de laquelle 4 commandos américains perdirent la vie [en octobre 2017, ndlr] que Daesh commença à intégrer les actions de l’EIGS dans sa propagande.

Cela étant, l’EIGS et l’ISWAP ont au moins un point commun : celui de s’attaquer au Niger. L’ex-faction de Boko Haram mène en effet régulièrement des attaques dans la région de Diffa, située dans le sud du pays. Et si les deux organisations parviennent à coordonner leurs actions, alors la situation sécuritaire nigérienne risque de venir intenable.

Dans un rapport remis en février au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait souligné la montée en puissance de l’ISWAP.

Ce « groupe, extrêmement agressif, a acquis une forte capacité opérationnelle et multiplié les attaques contre des bases militaires et des villes. Entre juillet et décembre 2018, il a tué plus de 700 soldats nigérians et s’est emparé de leur matériel. Le groupe n’a connu aucun revers important en 2018 et a amélioré sa situation financière. Il est parvenu à se doter de drones, à accroître la quantité et la qualité de son matériel de propagande, à recruter davantage parmi la population locale et même à attirer un petit nombre de combattants terroristes étrangers », lit-on dans le document.

Plus généralement, dans un précédent rapport, publié en 2018, le Bureau des Nations unies pour  l’Afrique de l’Ouest et le Sahel avait dit redouter un « possible resserrement » des liens entre les groupes jihadistes » de la région. Les « États membres se sont déclarés préoccupés par les mouvements possibles » d’éléments de « Boko Haram [ISWAP, ndlr] vers d’autres États de la région à travers les frontières de l’ouest et du sud-est de la Libye », avait-il rapporté.

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