La Turquie menace les forces du maréchal Hafter de représailles en cas d’attaque contre ses intérêts en Libye

Étant donné la proximité de certaines milices qui le soutiennent avec la confrérie des Frères musulmans, le gouvernement d’unité nationale [GNA] libyen, conduit par Fayez el-Sarraj et formé sous l’égide des Nations unies, est appuyé par la Turquie et le Qatar face à son rival de Tobrouk, qui tient sa légitimité des élections législatives de juin 2014. Cependant, ce dernier bénéficie également d’appuis extérieurs, notamment fournis par les Émirats arabes unis et l’Égypte. Et le tout en violation de l’embargo sur les armes décrété par l’ONU.

Depuis avril, l’Armée nationale libyenne [ANL] qui, commandée par le maréchal Khalifa Haftar, relève du gouvernement de Tobrouk, a lancé une offensive en direction de Tripoli, après avoir tenté de « nettoyer » le sud et l’est de la Libye des éléments jihadistes qui s’y étaient implantés. Seulement, les milices qui assurent la défense de la capitale libyenne, dont la plupart sont par ailleurs plus anti-Haftar que pro-GNA, opposent une vive résistance.

Et elles font même plus que résister puisque, la semaine passée, elles ont infligé un lourd revers à l’ANL en s’emparant de la ville Gharyan, qui « verrouille » l’accès à la capitale libyenne. C’est ainsi que les combattants pro-GNA ont découverts dans les arsenaux des troupes du maréchal Haftar au moins trois missiles anti-chars Javelin de conception américaine, 7 obus d’artillerie à guidage laser Norinco GP6 d’origine chinoise et des drones Yabhon-HMD du constructeur émirati ADCOM. Selon les images diffusées par les milices pro-GNA sur les réseaux sociaux, certaines de ces munitions étaient stockées dans des caisses portant la mention « UAE Armed Forces – Joint Logistic Command C and F Section » ainsi qu’un numéro de contrat commençant par « DP3/2/6/1/2006 ».

De leur côté, les autorités américaines ont ouvert une enquête au sujet des missiles Javelin trouvés à Gharyan.

Quoi qu’il en soit, et après le revers subi à Gharyan, le maréchal Haftar a ordonné à ses troupes de s’en prendre aux intérêts turcs en Libye, en particulier les navires livrant des équipements militaires aux milices pro-GNA. Et, quelques heures plus tard, l’ANL a affirmé avoir abattu un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] turc » de type « Bayraktar » au moment de son décollage de la piste de la zone militaire de l’aéroport de Mitiga, à Tripoli.

En outre, le gouvernement de Tobrouk a demandé aux ressortissants turcs de quitter la Libye et interdit à tous les ministères, institutions publiques et autres banques à traiter avec des entreprises turques.

Cela étant, Ankara n’a évidemment pas manqué de réagir. « Il y aura un prix très élevé à payer à toute attitude hostile ou attaque. Nous riposterons de la façon la plus efficace et forte », a ainsi prévenu Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense. Et « toutes sortes de mesures » ont été prises « pour faire face à toute menace ou action hostile contre la Turquie », a-t-il ajouté, en assurant que les efforts turcs en Libye visaient à « contribuer à la paix et à la stabilité dans la région. »

Puis, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a accusé les forces proches du maréchal Haftar de retenir six ressortissants turcs.

« La détention de six de nos concitoyens par des milices illégales liées à Haftar est un acte de violence et de piraterie », a déclaré M. Cavusoglu. « Nous nous attendons à ce que nos concitoyens soient libérés immédiatement » a-t-il continué car, faute de quoi, les forces du maréchal Haftar deviendraient des « cibles légitimes. »

Ces propos annoncent-ils une implication plus important d’Ankara dans le conflit libyen? En attendant, selon le porte-parole de l’ANL, la Turquie serait déjà engagés de « façon directe » en Libye, avec « soldats, ses avions et ses navires par la mer ». Ce qu’ont démenti les milices pro-GNA.

En tout cas, il est acquis que ces dernières bénéficient d’un appui matériel de la part d’Ankara. D’ailleurs, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, l’a lui même reconnu le 19 juin. Ainsi, a-t-il expliqué, les livraisons d’armes par la Turquie aux milices pro-GNA ont permis de « rééquilibrer » la situation face à l’ANL.

Photo : drone Bayraktar (c) Wikicommons

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]