Yémen : Berlin a approuvé des ventes d’armes à 8 pays de la coalition arabe pour plus d’un milliard d’euros

« Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Telle est, en substance, la politique allemande en matière de ventes d’armes. En mars, Berlin a prolongé le gel de toutes les licences d’exportations de matériels miliaires destinés à l’Arabie Saoudite. Cette décision, qui concerne aussi les Émirats arabes unis, est aussi valable pour les composants produits en Allemagne, ce qui met en difficultés les industriels européens qui ont à livrer des matériels à ces deux pays.

La raison avancée par le gouvernement allemand pour justifier cette mesure est liée à l’intervention au Yémen de la coalition arabe dirigée par Riyad. Cette dernière vise à soutenir le président yéménite, Abdrabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale, face aux rebelles Houthis, soutenus par l’Iran.

Au regard des conséquences de cette intervention sur les populations civiles, les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite font l’objet de vives polémiques, parfois non dénuées d’arrière-pensées. La France est particulièrement critiquée alors que d’autres pays, États-Unis en tête, mais aussi la Russie ou encore la Chine, sfont partie des principaux fournisseurs d’armes de Riyad. L’Allemagne aussi d’ailleurs… mais de façon beaucoup plus discrète.

« Nous sommes un certain nombre à ne pas apprécier les leçons de morale qui nous sont régulièrement adressées par des voisins, et amis, qui prennent des décisions à grand renfort de publicité et dont on s’aperçoit que des filiales judicieusement positionnées dans des pays lointains poursuivent leur commerce d’armes », a ainsi dénoncé Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, alors qu’il recevait Florence Parly, la ministre des Armées, pour une audition.

Cela étant, l’accord de coalition gouvernementale conclu par les chrétiens-démocrates de la chancelière Angela Merkel [CDU/CSU] et les sociaux-démocrates du SPD interdit de livrer des armes aux pays de la coalition arabe engagée au Yémen. Aussi, l’embargo décrété après l’affaire Khashoggi [du nom d’un journaliste saoudien assassiné en Turquie, ndlr] est conforme à cette entente. Du moins en théorie… Car il en va autrement pour la pratique.

Ainsi, selon la presse d’outre-Rhin, et entre le 1er janvier et le 6 juin, le gouvernement allemand a accordé 122 licences d’exportation d’équipements militaires à 8 pays membres de la coalition arabe. Deux de ces licences ont même été accordées à l’Arabie Saoudite pour des SUV protégés.

Ces informations ne sortent pas de nulle part : elles ont été communiquées par Ulrich Nußbaum, secrétaire d’État au ministère allemand des Affaires économiques, en réponse à une demande adressée par l’eurodéputé écologiste Omid Nouripour.

La valeur de ces licences est supérieure à 1 milliard d’euros. Dans le détail, 13 concernent l’Égypte [pour 801,8 millions d’euros] et 43 ont été accordées aux Émirats arabes unis [pour 206,1 millions d’euros].

Cela étant, il est possible que certaines de ces licences aient été accordées pour autoriser la livraison de composants fabriqués en Allemagne à des industriels européens [et notamment français] ayant des contrats à honorer avec ces huit pays. C’est d’ailleurs probablement le cas pour Kamag, qui a livré des éléments à la PME française Nicolas Industrie pour une commande passée par Riyad.

Quoi qu’il en soit, s’agissant de l’Égypte, la commission du budget du Bundestag a approuvé, en avril dernier, la garantie d’Hermes-Euler d’un montant maximum de 2,3 milliards d’euros afin de couvrir la commande, passée par Le Caire, de six frégates Meko A200 produites par ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS]. L’Arabie Saoudite devant en assurer le financement… Pour rappel, Naval Group avait déjà été retenu par la marine égyptienne pour livrer une FREMM [la « Tahya Misr »].

Photo : frégate Meko A200

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