Le nombre d’armes nucléaires continue de diminuer dans le monde… avant une possible relance de la course aux armements

Entré en vigueur en 2011 et s’inscrivant dans la lignée des accords de désarmements précécemment conclus par Washington et Moscou [SALT, FNI, START I, START II et SORT], le traité de réduction et de limitation des armes stratégiques [nucléaires, ndlr] dit « New START », fixe à 1.550 le nombre maximum d’armes stratégiques que peuvent déployer les forces américaines et russes. Et, expirant en 2021, aucune discussion n’a été pour le moment engagées pour le prolonger, voire pour élaborer un autre texte plus ambitieux.

« Si personne ne souhaite prolonger l’accord START, alors nous ne le ferons pas […] Nous avons dit 100 fois que nous y étions prêts », a assuré Vladimir Poutine, le président russe, le 6 juin dernier.

Dans le même temps, le traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], signé en 1988, tombera très vraisemblablement en désuétude en août prochain, les États-Unis ayant décidé de le dénoncer après avoir accusé la Russie d’avoir outrepassé ses obligations en développant et en déployant le missile Novator 9М729.

Si, en plus, le New START n’est pas prolongé, alors « la Russie sera en mesure d’accroître rapidement la taille de son arsenal nucléaire, forçant les Etats-Unis à mener une extension coûteuse et inutile de notre propre triade nucléaire afin de maintenir la parité stratégique », ont récemment estimé des élus américains dans une lettre exhortant le président Trump à négocier un nouvel accord de limitation des armements stratégiques avec la Russie.

Seulement, l’administration Trump, estime que la Chine devrait se joindre au prochain traité START… Et l’Otan [comme le président Poutine, d’ailleurs], le traité FNI pourrait concerner l’arsenal chinois, ce qui permettrait de le maintenir étant donné que cela répondrait à des préoccupations américaines. Sauf que Pékin n’y est pas favorable.

D’ailleurs, la Chine continuerait à développer son arsenal nucléaire, d’après les dernières estimations du Stockholm International Peace Research Institute [SIPRI].

Ainsi, l’Armée populaire de libération [APL] disposerait de 290 armes nucléaires, soit 10 de plus par rapport à 2018. Pour rappel, la France et le Royaume-Uni en possèdent respectivement 300 [dont 280 « déployées »] et 200 [dont 120 déployées].

Reste que les États-Unis et la Russie détiennent, à eux deux, toujours plus de 90 % des armes nucléaires mondiales : 6.185 pour les premiers, 6.500 pour la seconde, soit 12.865 au total. Par rapport à 2018, ces deux puissances comptent 615 armes stratégiques en moins.

Cependant, note le SIPRI, « Russie et États-Unis ont mis en place des programmes vastes et coûteux pour remplacer et moderniser leurs ogives nucléaires, leurs systèmes de lancement de missiles et d’avions et leurs installations de production d’armes nucléaires. »

Et, avec la fin possible du New START, les « perspectives d’une réduction négociée des forces nucléaires russes et américaines semblent de moins en moins probables au vu des différences politiques et militaires entre les deux pays », souligne Shannon Kile, directrice du programme Désarmement nucléaire, contrôle des armements et non-prolifération à l’institut suédois.

Cela étant, la Chine n’a pas été la seule puissance à augmenter la taille de son arsenal nucléaire au cours de ces derniers mois. Le Pakistan posséderait entre 150-160 armes nucléaires [contre 140-150 lors de la dernière évaluation du Sipri]. Quant à l’Inde, elle n’aurait pas accru sa force de frappe. Mais rien ne dit qu’il n’y aura pas une relance de la course aux armements entre ces deux pays à l’avenir.

« L’Inde et le Pakistan développent leurs capacités militaires de production de matières fissiles à une échelle pouvant entraîner une augmentation importante de la taille de leurs stocks d’armes
nucléaires au cours de la prochaine décennie », prévient en effet Shannon Kile.

À noter qu’Israël, qui maintient l’ambiguïté sur ses capacités nucléaires, aurait également augmenté son arsenal, la taille de ce dernier étant estimé à 80-90 armes stratégiques par le Sipri [contre 80 en 2018]. Mais ces chiffres seraient a priori sous-estimés. Dans un courriel « piraté » et publié par la presse d’outre-Atlantique, Colin Powell, l’ancien chef de la diplomatie américaine, avait parlé de « 200 armes nucléaires pointées vers l’Iran. »

Enfin, et malgré le changement de ton opéré par Pyongyang durant l’année 2018, avec sa promesse d’oeuvrer à la dénucléarisation de la péninsule coréenne, la Corée du Nord « continue de donner la priorité à son programme nucléaire militaire en tant qu’élément central de sa stratégie de sécurité nationale », estime le Sipri. Selon ce dernier, l’arsenal nord-coréen compterait entre 20 et 30 armes nucléaires, contre une grosse dizaine un an plus tôt.

Quoi qu’il en soit, et même si le nombre d’armes stratégiques est largement en deçà de celui constaté durant les Guerre Froide, le risque d’un conflit nucléaire serait actuellement plus élevé qu’auparavant.

C’est, du moins, l’estimation de Renata Dwan, la directrice de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement [Unidir]. En cause? La course aux armements stratégiques entre les États-Unis et la Chine, les programmes de modernisation des arsenaux nucléaires, l’émergence de nouvelles technologies ou encore l’érosion des mécanisme de contrôle et de limitation des arsenaux.

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