Le renforcement militaire américain en Pologne devrait se faire au détriment de l’Allemagne

Il y a un presque un an, le Washington Post affirmait que le Pentagone étudiait diverses options concernant la présence des forces américaines en Allemagne, pays régulièrement brocardé par le président Trump pour le faible niveau de ses dépenses militaires au regard de sa puissance économique.

Et l’une de ces options évoquait un transfert « partiel » de troupes américaines d’Allemagne vers la Pologne, c’est à dire vers un « allié de l’Otan qui a atteint les objectifs de dépenses de défense de l’Alliance », fixés à 2% du PIB, et qui, en outre, venait de mettre 2 milliards de dollars sur la table pour convaincre Washington d’implanter une base militaire sur son territoire.

À l’époque, un porte-parole du Pentagone avait relativisé la portée des informations révélées par le Washington Post, assurant que le département de la Défense examinait « régulièrement le positionnement des troupes » et le « coûts-bénéfices » de ce ce dernier.

Quelques mois plus tard, et alors que le président polonais Andrzej Duda confirma les intentions de son pays au sujet d’une présence militaire américaine nettement plus étoffée [jusqu’à 15.000 soldats, contre environ 5.000 actuellement, ndlr], Kay Bailey Hutchison, la représentante des États-Unis auprès de l’Otan, avait assuré qu’il n’y aurait aucun redéploiement de troupes qui se ferait aux dépens de l’Allemagne.

Finalement, cela ne devrait pas être le cas… Le 12 juin, recevant à nouveau son homologue polonais à la Maison Blanche, le président Trump a confirmé qu’un millier de militaires américains seraient affectés, par rotation, en Pologne [il avait précedemment avancé le chiffre de 2.000]. Mais, dans le même temps, il a également précisé que ces renforts seraient « probablement transférés depuis l’Allemagne ». Ce qui lui a donné une nouvelle fois l’occasion de s’en prendre à Berlin.

« L’Allemagne ne fait pas ce qu’elle doit faire vis-à-vis de l’Otan. La Pologne, elle, tient ses engagements », a en effet déclaré M. Trump, avant d’évoquer le projet Nord Stream 2, qui doit permettre d’acheminer du gaz russe vers le marché allemand. « Je pense que l’Allemagne fait une énorme erreur en se rendant si dépendante de ce gazoduc », a-t-il dit.

Par ailleurs, a expliqué le président Trump, la « Pologne fournira la base et l’infrastructure nécessaires pour soutenir la présence d’environ 1.000 soldats américains. Le gouvernement polonais construira ces projets sans frais pour les États-Unis » et il « en assumera les coûts. »

Qui plus est, la Pologne présente un autre intérêt aux yeux de la Maison Blanche : ses commandes d’équipements militaires. Ainsi, M. Trump a confirmé que Varsovie commanderait « près trois douzaines d’avions de combat F-35A » [32, en réalité] pour plus de 2,5 milliards de dollars ainsi que 8 milliards de dollars supplémentaires de gaz naturel liquéfié.

Dans le détail, il est question d’installer en Pologne un quartier général divisionnaire américain, ainsi que des unités de forces spéciales ainsi qu’un escadron de drones MQ-9 Reaper. Un centre d’entraînement conjoint devrait voir le jour à Drawsko Pomorskie, de même que des infrastructures visant soutenir, sur le plan logistique, plusieurs unités de combat.

Le président Duda s’est réjouit de ces annonces, même s’il espérait obtenir davantage de la part de son homologue américain pour faire face à la « menace russe ».

« Une fois de plus, la Russie montre son visage inamical et impérialiste » et elle « cherche plus que jamais à s’emparer de notre territoire », a en effet commenté M. Duda.

Sur ce point, et selon CNN, de hauts responsables de l’administration américaine ont assuré que ce renforcement en Pologne serait « conforme » à l’Acte fondateur Otan-Russie, qui régit les relations entre l’Alliance et Moscou depuis 1997. Ce qu’a aussi estimé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’organisation.

Pour rappel, via ce texte, et « dans l’environnement de sécurité actuel et prévisible » de l’époque, l’Otan avait pris l’engagement de mener à bien sa mission de défense collective « en veillant à assurer l’interopérabilité, l’intégration et la capacité de renforcement nécessaires plutôt qu’en recourant à un stationnement permanent supplémentaire d’importantes forces de combat ». Et la Russie devait « faire preuve d’une retenue comparable dans ses déploiements de forces conventionnelles en Europe. »

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