Les États-Unis vont renforcer leur présence militaire « en qualité et en quantité » en Pologne

Lors d’un déplacement à Washington, en septembre 2018, le président polonais, Andrzej Duda, avait plaidé en faveur d’une présence militaire américaine permanente dans son pays. Et il était même prêt à financer l’implantation d’une base à hauteur de 2 milliards de dollars. Un argument qui ne pouvait pas laisser insensible Donald Trump, le chef de la Maison Blanche.

Cela étant, au moment de la requête faite par M. Duda, la présence militaire américaine en Pologne était déjà conséquente, avec environ 5.000 militaires envoyés dans ce pays. Ainsi, dans le cadre de l’Otan, les États-Unis y déploient, par rotation, l’équivalent d’une brigade blindée.

Et il vient s’y ajouter un détachement du 52nd Expeditionary Operations Group qui met en oeuvre des drones MQ-9 Reaper depuis la base de Miroslawiec, les renforts temporaires pour des exercices ponctuels ou encore l’installation – en cours – d’un système AEGIS Ashore à Redzikowo, au titre de la défense antimissile de l’Otan.

Mais, visiblement, cela est encore insuffisant pour la Pologne, qui s’estime menacée par la Russie, surtout depuis l’annexion de la Crimée, en mars 2014. D’où le « lobbying » des autorités polonaises auprès de leurs homologues américaines pour qu’il y ait un « Fort Trump » dans leur pays. À noter qu’une telle éventualité est largement acceptée par les Polonais, 60% d’entre eux s’y étant dits favorables à l’occasion d’un sondage réalisé en octobre dernier.

Le voeu officiellement exprimé par M. Duda il y a 9 mois sera-t-il exaucé? Devant rencontrer M. Trump à Washington, ce 12 juin, le président polonais a fait savoir qu’un accord avait été trouvé pour le renforcement de la présence militaire des États-Unis dans son pays.

Même chose du côté de l’administration américaine, qui a évoqué une « annonce significative » qui portera sur la « nouvelle facette » des relations militaires entre la Pologne et les États-Unis.

Cette rencontre entre MM. Trump et Duda sera « une excellente occasion pour nous de souligner l’approfondissement de nos relations militaires et notre engagement envers l’Otan et ses priorités », a indiqué un responsable américain à la presse, sans pour autant donner plus de détails. Aussi, les spéculations vont bon train sur les contours de l’accord qui sera annoncé.

Cela étant, en février, Georgette Mosbacher, l’ambassadrice des États-Unis en poste à Varsovie, avait évoqué un envoi « significatif » de renforts en Pologne. Sans plus de précisions.

Dans un entretien publé le 10 juin par l’agence Reuters, le président Duda a parlé d’un « passage à une deuxième phase » et dit s’attendre à « un renforcement des capacités de commandement, de la logistique et des forces spéciales ». Et d’ajouter : « C’est une augmentation à la fois en quantité et en qualité. » En outre, une base pour des drones serait « également en discussion ».

Interrogé sur l’éventualité d’une base permanente américaine en Pologne, le chef du Pentagone, Patrick Shanahan a été évasif. « Pourquoi ne laissons-nous pas le président Trump faire une telle annonce? », a-t-il répondu, le 11 juin.

Selon des informations de l’Associated Press, il serait question de la « construction centre d’entraînement au combat à Drawsko Pomorskie », laquelle serait suivie par d’autres « installations supplémentaires à l’avenir, du déploiement de drones Reaper, afin de « fournir davantage de renseignements à la Pologne », et de l’installation d’un quartier général.

Quoi qu’il en soit, ce renforcement militaire américain en Pologne sera immanquablement mal perçu par la Russie qui, quelle que soit son ampleur, s’attachera à y répondre. Cela pourrait passer par une le déploiement de nouvelles capacités en Biéorussie [les deux pays ont des accords de défense] et/ou par une militarisation encore accrue de l’enclave russe de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et la Lituanie.

Par ailleurs, à ce propos, le président français, Emmanuel Macron, a estimé que l’Europe doit « dialoguer » avec la Russie, à la condition que cette dernière fasse aussi « des efforts » de son côté.

« L’Europe, dans cet ordre multilatéral que je défends, a besoin de rebâtir une nouvelle grammaire de confiance et de sécurité avec la Russie et ne doit pas exclusivement passer par l’Otan », a en effet affirmé M. Macron, dans un entretien diffusé le 11 juin par la chaîne de télévision publique suisse RTS. « Il y a eu un geste militaire, on ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé », a-t-il poursuivi, en référence à l’Ukraine. Et « sans avancée claire et tangible sur le processus de Minsk [accord pour l’arrêt des combats dans le Donbass], il ne peut y avoir une réformation du G8 », a-t-il estimé.

Pour autant, « il doit y avoir une discussion stratégique. C’est pour cela que cette semaine j’aurai à nouveau une longue discussion, nourrie, avec [le président] Vladimir Poutine, à la fois en tant que président de la France et du G7 », a indiqué M. Macron. Car, a-t-il estimé, « on se tromperait à laisser la Russie se tourner vers la Chine. »

En outre, et alors que la Pologne espère pourvoir se procurer des avions de combat F-35A auprès des États-Unis, le président français a plaidé pour que les « Européens s’équipent européen » dans des domaines aussi stratégiques que la défense et les télécommunications. « Si l’Europe veut exister, on ne peut pas dire qu’on doute de l’engagement des États-Unis et ne pas acheter d’équipements européens », a-t-il lancé. Mais, a priori, à Varsovie, cet engagement des États-Unis ne fait guère de doute.

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