L’histoire oubliée des deux SAS français ayant débarqué en Normandie le 6 juin 1944

Pas moins de 3.000 soldats, aviateurs et marins français participèrent, de près ou de loin, aux opérations menées dans le cadre du Débarquement en Normandie, le 6 juin 1944. L’action des 177 fusiliers-marins du commando Kieffer, si elle fut pendant un temps, mise sous le boisseau, est désormais largement connue. De même que celle du 2e Régiment de Chasseurs Parachutistes [4e SAS] en Bretagne.

En outre, plusieurs navires et unités aériennes des Forces françaises libres [FFL] appuyèrent le débarquement des troupes alliées sur les plages normandes. Comme par exemple le Groupe de bombardement léger Lorraine, qui, avec ses Douglas Mc IIIA Boston, eut la délicate mission de répandre un rideau de fumée pour aveugler les défenses allemandes à l’aube du 6 juin. Ou encore comme les croiseurs « Georges Leygues » et « Montcalm », qui accompagnèrent la progression des soldats américains à Omaha Beach.

Pourtant, 75 ans après, l’opération Overlord continue de révéler des détails passés sous silence. Auteur d’une biographie remarquée du commandant Philippe Kieffer, Benjamin Massieu s’est attaché à les sortir de l’oubli, en se basant sur des découvertes inédites dans les archives militaires françaises et britanniques.

Dans son livre « Les Français du jour J« , ce spécialiste de la France Libre et de la Libération décrit avec précision, heure par heure, les opérations conduites par les FFL lors du 6 juin 1944, sans oublier le rôle qu’y tint la Résistance.

C’est ainsi qu’il a mis au jour un fait « inédit » : l’envoi de deux SAS français en Normandie. « C’est sans doute la participation française au Jour J la plus oubliée », écrit-il. « Si l’action des sticks parachutés en Bretagne est assez connue aujourd’hui, celle de ces hommes isolés a été quasiment oubliée », poursuit-il.

L’un de ces deux SAS français était Rémi Dreyfus. Tout juste diplômé de HEC, il est mobilisé en 1940 pour servir en tant que maréchal des logis au sein d’une unité de cavalerie. La retraite de l’armée française face à l’avancée allemande le mène à Rambouillet, puis à Limoges. Maintenu dans l’armée d’armistice, il est victime des mesures anti-juives prises par le régime de Vichy.

Après le décès de son père, « mort de chagrin après avoir vu la défaite de son pays, la ruine de sa banque et l’interdiction d’entrer dans sa mairie, dont il était maire depuis 25 ans », le jeune homme décide de rejoindre les Forces françaises libres et retrouver son frère, parti avant lui. Après un périple l’ayant conduit en Espagne, au Portugal puis à Gibraltar, il finit par arriver à Londres. Là, il est envoyé dans une école d’officier. Puis, en novembre 1942, il demande à être affecté dans une unité de parachutistes, « en espérant bien être opérationnel plus vite » car « on était quand même venu là pour se battre! », confiera-t-il.

Parlant couramment la langue anglaise, Rémi Dreyfus est désigné par la France Libre pour devenir officier de la Mission militaire de liaison administrative mise en place par le général de Gaulle afin d’installer « l’autorité de son gouvernement sur les territoires libérés ». Ce qui fait que, le 4 juin 1944, il n’est affecté à aucun stick du bataillon SAS auquel il appartient. « Officier sans troupe », le hasard a voulu qu’il soit désigné pour servir d’interprète au sein de la 6th Airborne britannique. Dans un premier temps, il a cru qu’il allait être parachuté pour une mission en Norvège. D’où sa surprise quand il apprend qu’il participera au Débarquement en Normandie.

C’est ainsi qu’il arrivera à bord d’un planeur, dans la soirée du 6 juin, à Ranville, en compagnie de parachutistes britanniques. Le Jour-J, « je n’ai rien fait que d’avoir été transporté », dira-t-il. Puis, il se rend compte que le général Richard Gale, à qui il doit servir d’interprète, n’a nullement besoin de ses services. « Alors je commence par me promener, quelques jours, dans ce petit morceau de France libérée », a-t-il récemment raconté dans un entretien diffusé le 30 mai par l’AFP.

Les jours suivants, il rencontre un autre SAS français, le sergent Paul Jarrige, arrivé comme lui, le 6 juin, en Normandie à bord d’un planeur, afin de servir d’interprète. Et, lui aussi, il n’a aucune mission précise. Les deux hommes se proposent alors de mener des missions de reconnaissance derrière les lignes ennemies. En tout, ils en effectueront huit, dont une qui permettra aux Alliés de détruite une vingtaine de blindés que les deux parachutistes frnaçais avaient repérés alors qu’ils étaient cachés dans le parc du château de Banneville.

En juillet, le sous-lieutenant Rémi Dreyfus et le sergent Paul Jarrige retournent en Angleterre… avant d’être, un mois plus tard, de nouveau parachutés ensemble en Saône-et-Loire pour encadrer le maquis du Charolais et bloquer les troupes ennemies sur la Nationale 6. « Nous devions attaquer les Allemands aussi souvent que possible… Ce qui n’était pas toujours évident », a-t-il sobrement raconté à l’AFP.

Après la guerre, Rémi Dreyfus a quitté l’armée pour diriger les centrales d’achat d’un grand magasin. Quant à Paul Jarrige, on ignore ce qu’il est devenu par la suite.

À lire : Les Français du jour J – Benjamin Massieu – Éditions Pierre de Taillac

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