Le Pentagone redoute une suspension des exportations chinoises de Terres rares

Ce 1er juin, de nouvelles surtaxes sur des centaines de produits américains sont désormais imposées par la Chine, qui a en outre annoncé son intention de créer une « liste noire » d’entreprises étrangères « non fiables ». Il s’agit de répondre aux hausses de droits de douanes sur les produits chinois exportés vers les États-Unis ainsi qu’à l’offensive lancée par l’administration Trump contre Huawei, le géant des télécommunications, soupçonné d’espionnage au profit de Pékin.

Ainsi, il ne sera bientôt plus possible aux entreprises américaines d’utiliser du matériel de télécommunication produit par des industriels susceptibles de présenter un risque pour la sécurité nationale. Et tout transfert technologique vers ces derniers sera également interdit. D’où la décision de Google de priver Huawei de son système d’exploitation Android et de ses applications associées. Un coup dur pour le groupe chinois.

Cependant, cette guerre commerciale, dont les motivations dépassent les seuls enjeux économiques [« La Chine ne deviendra pas numéro un mondial sous ma présidence », a encore récemment martelé le président Trump à l’antenne de Fox News], commence à inquiéter le Pentagone…

En effet, ces derniers jours, les autorités chinoises ont suggéré qu’elles pourraient suspendre l’exportation de terres rares vers les États-Unis. Le 21 mai, le président Xi Jinping, accompagné du vice-Premier ministre Liu He, qui mène les négociations commerciales avec l’administration américaine, a visité l’usine JL MAG de Ganzhou, spécialisée dans la fabrication d’aimants utilisant des terres rares. Puis, les jours suivants, les médias gouvernementaux ont multiplié les allusions à une telle éventualité.

Les « terres rares » désignent un groupe de 17 éléments ayant des propriétés électroniques, magnétiques, optiques ou encore catalytiques qui les rendent incontournables pour certaines industries de pointe [informatique, aérospatiale, défense, automobile, etc]. Ainsi, par exemple, un ordinateur en contient 4,5 grammes tandis qu’il 600 kg d’aimants contenant 31% de terres rares pour produire une éolienne.

En réalité, ces métaux ne sont pas si « rares » puisqu’ils sont « plus présents sur la croûte terrestre que l’or et l’argent », souligne le Bureau de Recherches Géologiques et Minières [BRGM], le service géologique national français. En 2014, la production minière mondiale de terres rares aurait approché les 144.000 tonnes, pour une consommation globale d’environ 120 000 tonnes, précise-t-il.

Leur « rareté » tient donc plus à la faiblesse des quantités disponibles par rapport à la demande sans cesse croissante, laquelle en fait des « métaux stratégiques ».

Mais ces métaux rares sont aussi très utilisés par l’industrie de l’armement. D’où la préoccupation du Pentagone, sachant que la Chine contrôle actuellement 90% de la production de ces éléments « rares » et qu’elle représente 80% des importations vers les États-Unis.

« Parmi les gisements liés à des processus géologiques de surface, les gisements d’argiles ioniques du sud de la Chine n’ont à l’heure actuelle pas d’équivalent à l’échelle mondiale. Ces gisements sont dus à l’altération importante de granites enrichis en terres rares sous un climat tropical. Les terres rares lourdes sont ainsi concentrées dans les argiles résiduelles. Leur exploitation est en grande partie artisanale, elle se fait en surface de manière intensive. Ces argiles représentent actuellement 99% de l’offre mondiale en terres rares lourdes. Elles constituent les principaux sites d’extraction clandestins en Chine, où le marché noir représente près de 30% de la production », explique le BRGM.

Or, un F-35 contient plus de 400 kg de matériaux fabriqués avec des terres rares. Et il en faut dix fois plus pour un sous-marin nucléaire de la classe Virginia. L’ytrrium et le terbium sont, par exemple, utilisés pour produire les missiles de croisière Tomahawk ou bien encore les drones.

Cela étant, ce n’est pas la première fois que la Chine menace de restreindre, voir de suspendre ses exportations de terres rares. En 2010, le Japon en fit les frais, ce qui conduisit à une prise de conscience aux États-Unis et en Europe. D’où, outre-Atlantique, la relance des activités d’extraction de ces métaux, lesquelles avaient été abandonnées dans les années 1980 car jugées trop polluantes.

« La mine de Mountain Pass, en Californie, est la seule installation américaine exploitant des terres rares. Mais MP Materials, son propriétaire, expédie chaque année vers la Chine environ 50.000 tonnes de concentré de terres rares extraites du sol californien Chine pour y être traitées », rappelle l’agence Reuters. Cela état, trois usines de traitement sont en cours de construction [où sont en passe de l’être], dont une devrait être opérationnelle en 2021.

Mais il n’y a pas que l’approvisionnement en terres rares qui peut constituer une source de préoccupation pour l’industrie américaine de l’armement et le Pentagone. Moins connu, le trinitrate de bunatetriol est un propergol utilisé pour la propulsion des missiles. Or, les États-Unis s’en procurent essentiellement auprès de la Chine.

Photo : Cockpit d’un F-35. L’yttrium, l’europium et le terbium sont notamment utilisés pour les écrans

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