L’Otan a adopté une nouvelle stratégie militaire

Adopté en décembre 1967, le Concept stratégique général pour la défense de la zone de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord MC 14/3 [.pdf] définissait trois types de réponses militaires à une agression contre l’Otan : la défense directe, l’escalade délibérée, « rendant progressivement plus imminente la menace du recours à la puissance nucléaire à mesure que la crise s’aggrave » et, enfin, la riposte nucléaire générale « considérée comme le moyen de dissuasion ultime. »

En pleine Guerre Froide, l’objectif était alors de « sauvegarder la paix » en assurant une dissuasion « convaincante », c’est à dire en « opposant des forces Otan adéquates à toute menace ou à tout acte d’agression possibles, depuis des opérations clandestines jusqu’à la guerre nucléaire généralisée. » Il s’agissait de disposer de « forces organisées disposées, entraînées et équipées de telle façon que le Pacte de Varsovie en conclue que, s’il lançait une attaque armée, les chances d’une décision favorable sont trop faibles pour être tentées, et qu’il pourrait courir un risque fatal. »

Au chapitre de l’évaluation de la menace, le MC 14/3 soulignait que l’Union soviétique n’avait pas renoncé à étendre « l’influence communiste » au monde entier. Et que, à cette fin, elle allait tenter « d’exploiter » à son profit « toutes faiblesses, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la zone OTAN, pour renforcer » sa « position de puissance mondiale », en menant un politique fondée sur les « moyens économiques et politiques », la « propagande », la « subversion » et la « puissance militaire. »

Plus de cinquante ans plus tard, alors que le contexte général a évolué, on entend encore la même musique au sujet de la Russie, accusée de répandre des infox et de chercher à s’ingérer dans les processus électoraux des pays occidentaux alors qu’elle considère l’Otan comme une menace principale à ses intérêts. En outre, l’architecture européenne de sécurité est en passe d’être bouleversée, les progrès accomplis en matière de maîtrise et de contrôle des armements étant remis en cause, comme le montre le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires [FNI] ou celui sur les forces conventionnelles en Europe [FCE].

Les incidents aux frontières de l’Otan sont devenus monnaie courante, les discours sont de plus en plus « musclés ». En témoignent, par exemple, les propos que tint l’ambassadeur russe en poste à Copenhague, en 2015, au sujet de l’intention du Danemark de participer au bouclier antimissile de l’Alliance. « Si cela devait se produire, les navires danois deviendraient la cible de nos missiles nucléaires », avait-il en effet lancé. Qui plus est, certains pays, ayant appartenu, autrefois, à la sphère d’influence russe, se sentent menacés, surtout depuis l’annexion de la Crimée et les combats entre séparatistes pro-russes et forces gouvernementales dans le sud-est de l’Ukraine. Enfin, la Russie a renoué avec les manoeuvres militaires de très grande ampleur, comme Vostok 2018 ou Zapad 2017.

Après la Guerre Froide, l’Otan avait établi, en 1991 puis en 1999, deux nouveaux concepts stratégiques qui préconisaient une « approche plus large » en matière de sécurité. Ces textes étaient respectivement accompagnés par les directives militaires classifiées MC 400 et MC 400/2, cette dernière ayant été élaborée en 2003, afin de prendre en compte la nouvelle donne après les attentats du 11 septembre 2001.

Puis, en 2010, à l’occasion du dernier concept stratégique adopté par l’Alliance, il avait été question d’une nouvelle directive mililitaire, qui devait alors probablement s’appeler « MC 400/3 ». Mais, a priori, il n’en a rien été.

Quoi qu’il en soit, l’environnement sécuritaire ayant évolué, le comité militaire de l’Otan a adopté, le 22 mai, une nouvelle stratégie militaires.

Le président de ce comité militaire, le général d’armée aérienne britannique Sir Stuart William Peach, a été avare en détails. « Nous avons convenus […] d’une stratégie militaire. C’est la première fois depuis de nombreuses années », a-t-il annoncé à l’issue de la réunion, à laquelle ont participé les chefs d’état-major des 29 pays membres, ainsi que celui des forces nord-macédoniennes.

« Notre Alliance fait face à des menaces durables de toutes les directions », qu’elles soient terroristes ou hybrides, a fait valoir l’officier britannique. Cette « stratégie guidera la prise de décision militaire des Alliés et fournira aux autorités militaires de l’Otan une référence politique définitive nous permettant de mener à bien notre mission fondamentale : défendre près de un milliard de personnes », a-t-il ajouté.

Interrogé par le journal allemand Welt am Sonntag, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, n’a guère été plus loquace au sujet de cette nouvelle stratégie. Il y a un « nouvel environnement de sécurité » ainsi que « de nouveaux défis à l’Est et au Sud », a-t-il dit. En outre, a-t-il continué, la Russie utilise de plus en plus la « menace nucléaire » contre les Occidentaux.

« Il s’agit d’être pleinement en mesure de se défendre et de générer de la stabilité dans le futur. Cela nécessite parfois de nouveaux concepts militaires », a expliqué M. Stoltenberg. La force de l’alliance est « que nous sommes en mesure de changer lorsque cela est nécessaire », a-t-il avancé. Et d’insister : « Nous ne voulons pas d’une nouvelle course aux armements ou d’une autre guerre froide. Mais nous veillerons à ce que l’Otan dispose de moyens de dissuasion et de défense fiables et efficaces. » Par ailleurs, si le traité FNI venait à disparaître [et tout porte à croire que ce sera le cas], l’Otan n’a pas l’intention de déployer une nouvelle arme nucléaire en Europe », a-t-il assuré. « Dans tous les cas, nous ferons tout pour que les alliés se sentent en sécurité. Nous pouvons dissuader, engager le dialogue avec la Russie et engager le contrôle des armements », a-t-il précisé.

A priori, si l’on s’en tient aux propos tenu par le général Peach à l’issue d’une réunion du comité militaire en janvier dernier, cette nouvelle stratégie de l’Otan doit mettre l’accent sur la nécessité de maintenir une « posture de dissuasion et de défense de l’Alliance crédible, cohérente et résiliente. » Ce qui passe par une meilleure réactivité de l’Otan et donc par un renforcement de la disponibilité opérationnelle.

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