L’Assemblée générale des Nations unies demande à Londres de rendre la base de Diego Garcia à l’Île Maurice

Sous domination portugaise durant les XVe et XVIe siécles, puis hollandaise jusqu’en 1710, l’Île Maurice fut colonisée par la France à partir de 1715, via la Compagnie française des Indes orientales. À l’époque, il s’agissait de disposer d’un point d’appui dans l’océan Indien afin de sécuriser le trafic maritime face à la piraterie. Puis, à la faveur du Traité de Paris, signé en 1814, le Royaume-Uni en prit possession. Et, en 1903, Londres décida d’intégrer l’archipel des Chagos, qui faisait alors partie de la colonie des Seychelles, à l’Île Maurice.

Puis, en 1966, en pleine guerre du Vietnam, par un échange de lettre ayant valeur de traité avec Washington, le gouvernement britannique mit à la disposition des forces américaines, l’île de Diego Garcia, l’une des trois îles habitées de l’archipel des Chagos, qui en compte une cinquantaine. Et cela pour une durée de 50 ans. Pour les États-Unis, il s’agissait d’avoir un point d’ancrage leur permettant d’intervenir militairement dans la région tout en ayant un oeil sur les grandes voies maritimes passant à proximité.

Pour cela, Londres « détacha » les Chagos de l’Île Maurice, qui disposait alors d’une large autonomie, pour en faire un « territoire britannique d’outre-Mer », dans le cadre d’un accord conclu en septembre 1965.

En échange, le Premier ministre mauricien, le travailliste Seewoosagur Ramgoolam, obtint une compensation financière, des droits de pêche dans les eaux de l’archipel et la promesse d’une rétrocession de ce territoire quand il sera considéré que les installations militaires qu’il accueille ne seront plus nécessaires. Ce qui est loin d’être encore le cas car, malgré la fin de la Guerre Froide, le contexte stratégique rend plus que jamais nécessaire la base de Diego Garcia. Et, en 2016, le Royaume-Uni a donc prolongé. jusqu’en 2036 le « bail » consenti 50 ans plus tôt aux États-Unis.

Seulement, les États-Unis ayant exigé le contrôle exclusif de Diego Garcia, ses 2.000 habitants en furent expulsés, l’évacuation des derniers « autochtones » vers Maurice et Les Seychelles ayant eu lieu en 1973. Cela étant, ces Chagossiens bénéficièrent d’une aide financière pour leur permettre de s’installer dans leur nouveau pays.

Cette politique est à l’origine du contentieux entre le Royaume-Uni et l’Île Maurice qui, indépendante depuis 1968, tente depuis plus de quarante ans de récupérer l’archipel des Chagos. L’affaire a donc été portée devant l’Assemblée générale des Nations unies qui, en 2017, a saisi la Cour internationale de justice [CIJ] de La Haye pour avoir un avis « consultatif » sur cette question.

En février, cette dernière a donc estimé que le Royaume-Uni devrait mettre fin à sa tutelle sur l’archipel des Chagos « dans les plus brefs délais », considérant comme « illicite » la séparation de ce territoire de l’Île Maurice. Comme l’on pouvait s’en douter, Londres n’en a pas tenu compte.

Aussi, Port-Louis est revenu à la charge en saisissant à nouveau l’Assemblée général des Nations unies, dont les décisions n’ont pas la même portée que celles prises par le Conseil de sécurité. Résultat : 116 pays ont voté en faveur d’une résolution demandant au Royaume-Uni de rétrocéder d’ici six mois l’archipel des Chagos à l’Île Maurice. Si ce texte n’est pas contraignant, il porte cependant une forte valeur politique.

Lors de ce vote, Londres a pu compter ses « amis ». Seuls six pays, dont les États-Unis, l’Australie et la Hongrie ont exprimé leur opposition à ce texte. Et la division aura été de rigueur parmi les membres de l’Union européenne : la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et la Pologne se sont abstenus tandis que l’Espagne, la Grèce et l’Autriche ont voté en faveur de cette résolution.

L’ambassadrice du Royaume-Uni auprès des Nations, Karen Pierce, a réagi à ce vote en soulignant le « rôle vital » de la base de Diego Garcia pour la sécurité de la région, y compris, donc, celle de l’Île Maurice. Sur ce point, le Premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth, assure qu’il n’est pas l’intention de Port-Louis de demander le démantèlement de cette emprise militaire.

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