Les armées peinent toujours à compenser les départs de leurs officiers et sous-officiers par de nouveaux recrutements

En 2018, les surcoûts liés aux opérations extérieures [OPEX] et aux missions intérieures [MISSINT] ayant dépassé une nouvelle fois l’enveloppe prévue par la Loi de finances initiale [LFI] en atteignant 1,36 milliards d’euros, le ministère des Armées a dû trouver 404 millions d’euros pour combler la différence. Et cela, sans avoir recours à la solidarité interministérielle, contraiement, comme le souligne note d’exécution budgétaire [NEB] que vient de produire la Cour des comptes, « au principe figurant à
l’article 4 de la LPM 2014-2018 et de sa réaffirmation dans la LPM 2019-2025. »

Cela étant, s’il a été possible de se passer de cette solidarité interministérielle, c’est que le ministère des Armées disposait de ces 404 millions d’euros, notamment grâce un « excédent de crédits de personnel constaté en fin d’année, qui reflète principalement les
difficultés de fidélisation et de recrutement du ministère des armées dans la phase de reprise à la hausse des trajectoires d’effectifs depuis 2016 », constate la Cour des comptes.

En clair, la masse salariale du ministère des Armées a été moins importante que prévu, ce qui a donc permis de dégager des marges de manoeuvre financières. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle car cela signifie qu’il peine à recruter ou à garder des officiers et des sous-officiers dans certaines spécialités « sous tension », alors même qu’il bénéficie de budgets en hausse significative.

Or, cette situation ne semble pas s’améliorer, à en croire la communication que vient de faire Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, au sujet d’un rapport donnant le détail des livraisons, travaux et recrutements, effectués en application de la LPM.

Ainsi, ce document, reçu le 15 avril dernier, met « évidence un déficit de recrutements de 583 emplois depuis le 1er janvier 2019, lié à des difficultés de recrutement et de fidélisation », a indiqué M. Cambon. Et toutes les catégories [ou presque] sont concernées.

« Il manque 100 recrutements d’officiers, pour cause de départs [démissions, retraite, détachements] non compensés par des recrutements, il manque 300 sous-officiers, dont 2/3 dans l’armée de l’air et 1/3 dans la marine, du fait de départs en retraite à liquidation immédiate ou de dénonciations de contrats et il manque 150 militaires du rang », a détaillé le président de la commission.

« Mécaniquement, cela se traduit par une sous-consommation des crédits de rémunération, de 214 millions d’euros. Ces crédits de rémunération non consommés servent à financer le surcoût OPEX et MISSINT. C’est exactement la même logique que celle que nous avons dénoncée fin 2018 : des crédits de personnel servent à financer les opérations, faute d’arriver à recruter », a ensuite fait valoir M. Cambon.

Ces difficultés s’expliquent essentiellement par un problème d’attractivité des armées, confrontées à un « environnement de plus en plus concurrentiel avec le secteur privé ». Cela est surtout vrai pour les spécialités techniques, touchant à l’aviation et à la marine.

« Les domaines du renseignement, des mécaniciens aéronautiques, des contrôleurs aériens, des spécialistes des infrastructures de nos bases projetées et de l’armement des centres de commandement font l’objet de difficultés comparables, d’autant qu’il s’agit souvent de spécialités de haut niveau soumises à une forte concurrence du secteur privé », expliquait, en novembre 2017, le chef d’état-major de l’armée de l’Air.

Le commandant de l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT], le général Michel Grintchenko, a récemment fait le même constat, avec des difficultés à attirer et à garder des mécaniciens. « L’attrait du monde civil reste fort pour ceux tentés par davantage de stabilité », a-t-il dit.

Même chose pour la Marine nationale. « La compétition pour les talents est intense, qu’il s’agisse de leur recrutement ou de leur fidélisation. Après quelques années, lorsqu’on les a formés et qu’ils ont suivi leurs différents niveaux de cours, les marins sont démarchés et débauchés par les grandes entreprises civiles de l’aéronautique, de l’énergie et du transport et, plus généralement, par tous les métiers de spécialité technique. Je dois donc me battre pour conserver les marins qualifiés dans la marine », avait expliqué l’amiral Prazuck, son chef d’état-major.

Quoi qu’il en soit, pour M. Cambon, ce problème d’attractivité fait que « la capacité du ministère [des Armées] à remonter en puissance est ainsi mise en cause. » Et, a-t-il ajouté, « c’est une discussion qu’il faudra avoir avec la ministre » car des « des changements organisationnels seront sans doute nécessaires. »

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