Les États-Unis pourraient déployer 120.000 militaires au Moyen-Orient si les tensions avec l’Iran s’intensifient

Le nouveau commandant du corps des Gardiens de la révolution [IRCG], le général Hossein Salami, a estimé que les États-Unis se livrent à une « guerre psychologique » contre l’Iran en multipliant les annonces de déploiements militaires dans le Golfe arabo-persique [GAP]. Et en la matière, on peut lui faire confiance dans la mesure où Téhéran n’a pas trop de leçons à recevoir dans ce domaine.

Effectivement, annoncer, le 5 mai, d’une façon tonitruante l’envoi d’un groupe aéronaval au Moyen-Orient alors que le porte-avions USS John C. Stennis croisait encore dans les eaux du Golfe quelques semaines plus tôt, est une manière de mettre en lumière les tensions entre Washington et Téhéran. Même chose pour le déploiement de bombardiers stratégiques B-52 au Qatar : des B-1 Lancer, plus récents, y étaient encore basés en mars, avant de revenir aux États-Unis.

Et cela vaut aussi pour l’annonce de l’arrivée prochaine dans le GAP de l’USS Arlington, un navire d’assaut amphibie, dont on peut supposer qu’il y relevera l’USS Kearsarge, lequel avait remplacé l’USS Essex dans cette région en janvier dernier. Quant à l’envoi d’une batterie de défense aérienne Patriot PAC-3, il n’y a pas de quoi bouleverser l’équilibre des forces.

Quoi qu’il en soit, le 13 mai, le président Trump a de nouveau mis en garde l’Iran, assurant qu’il ferait une « grosse erreur » si jamais il lui prenait l’envie de « faire quelque chose », c’est à dire mener des attaques contre les intérêts américains au Moyen-Orient, comme il a déjà menacé de le faire. « S’ils font quelque chose, ils vont souffrir énormément », a-t-il insisté.

De son côté, à Bruxelles, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a tenté de convaincre les trois pays européens parties à l’accord de Vienne sur le programme nucléaire iranien d’adopter une ligne plus ferme à l’égard de Téhéran. Mais il s’est vu opposer une fin de non-recevoir.

« La position américaine d’augmenter les pressions et les sanctions ne nous convient pas » et « les déclarations faites par l’Iran sur leurs engagements sont très préoccupantes », a résumé Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères.

Pour rappel, l’accord de Vienne a pris un sérieux coup dans l’aile avec le retrait, en mai 2018, des États-Unis et le rétablissement des sanctions par l’administration Trump. L’Union européenne a proposé un mécanisme – l’Instex – pour permettre des échanges commerciaux avec l’Iran… Mais comme il n’est pas pleinement opérationnel, Téhéran accuse les Européens ne de pas respecter leurs engagements.

Cela étant, sur le terrain militaire, Washington continue d’appliquer cette « stratégie de la tension », avec notamment les fuites, très probablement intentionnelles, au sujet des plans du Pentagone en cas de confrontation avec l’Iran.

Ainsi, selon le New York Times, lors d’une réunion des principaux responsables de la sécurité nationale, dont John bolton, proche conseiller de M. Trump, et Gina Haspel, la directrice de la CIA, le secrétaire américain à la Défense, Patrick Shanahan, a présenté un plan prévoyant l’envoi de 120.000 militaires au Moyen-Orient dans le cas où l’Iran lancerait une attaque ou viendrait à accélérer son programme nucléaire. Soit presque autant que pour l’opération Iraqi Freedom, lancée en mars 2003.

D’après le quotidien, ce plan a été révisé à la demande des partisans de la ligne dure à l’égard de Téhéran, dont John Bolton. Cependant, il n’est pas question de planifier une invasion de l’Iran. En revanche, des cyberattaques, ciblant notamment le réseau électrique iranien, seraient prévues dans le cadre d’une opération de type « Nitro Zeus ».

Reste que ce plan divise les responsables américains. Certains ont confié au quotidien qu’un tel déploiement de forces ne ferait que donner des raisons supplémentaires à l’Iran de passer à l’offensive, ce qui risquerait d’entraîner les États-Unis dans un nouveau conflit long et coûteux. Cependant, d’autres estiment justement que la réduction des effectifs militaires américains au Moyen-Orient, amorcée sous la présidence de Barack Obama, avait « encouragé » une posture plus agressive de la part de l’Iran.

« Le président a été clair, les États-Unis ne cherchent pas un conflit militaire avec l’Iran et il est ouvert aux négociations avec les dirigeants iraniens. Cependant, l’option par défaut de l’Iran depuis 40 ans a été la violence, et nous sommes prêts à défendre le personnel et les intérêts des États-Unis dans la région », a fait valoir Garrett Marquis, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, dans un courriel adressé au New York Times.

Ce dernier précise par ailleurs que, il y a encore peu, le renseignement américain estimait que Téhéran ne souhaiterait pas provoquer un conflit à court terme. Mais, fin avril, de nouvelles informations, collectées via des interceptions de communication et l’imagerie satellitaire, ont montré que l’Iran chercherait à renforcer les capacités des milices chiites qui lui sont inféodées et qu’il les préparerait à attaquer les forces américaines présentes au Moyen-Orient, plus particulièrement en Syrie et en Irak. Ce qu’un récent rapport du Congrès relatif à la politique iranienne souligne également. D’où la posture actuelle de Washington.

Par ailleurs, le New York Times ne dit pas si ce plan présenté par M. Shanahan, et dont l’exécution prendrait quelques semaines, si ce n’est quelques mois, prévoit des mesures visant à assurer la liberté de navigation dans le détroit d’Ormuz, que Téhéran a menacé de bloquer en cas de sanctions économiques américaines… Selon une étude publiée en 2008, une telle opération demanderait entre 37 et 112 jours aux forces américaines [dont au moins un groupe aéronaval, 2 à 3 escadrons de chasse, des avions de guerre électronique) et à leurs alliées pour reprendre libérer ce passage vital pour le trafic pétrolier.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]