Le général de gendarmerie Maurice Guillaudot, héros de la Grande Guerre et de la Résistance

Le 23 mai 1979, il y a donc presque quarante ans, le général de Maurice Guillaudot s’éteignait à l’âge de 85 ans, à Hédé, en Ille-et-Vilaine. Avec lui disparaissait une des figures de la Gendarmerie et de la Résistance.

Né le 28 juin 1893, à Paris, dans un milieu modeste [son père est Garde républicain et sa mère travaille comme couturière], Maurice Guillaudot quitte l’école à l’âge de 16 ans et devient employé à l’administration centrale du chemin de fer Paris-Orléans. Mais cet emploi ne le satisfait pas. Aussi, deux ans plus tard, il le quitte pour s’engager au 1er Régiment d’artillerie de campagne, alors implanté à Bourges. Il y suit le cours des officiers au sein de son unité.

La Première Guerre Mondiale éclate quand il a tout juste 21 ans. Mais il ne fera pas toute la guerre dans son unité d’origine. À la suite de différentes péripéties, il est affecté, en 1915, au 13e Régiment d’Infanterie en tant que sous-lieutenant et mitrailleur. Le jeune officier va s’illustrer au feu à plusieurs reprises. Quatre fois blessés, six fois cité, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur en août 1918, sur le champ de bataille.

Après l’armistice, Maurice Guillaudot décide de rejoindre l’École d’Application de la gendarmerie à Versailles, d’où il sort troisième de sa promotion. À partir de 1920, il est affecté successivement à Luçon, Paris et Cannes. Il est ensuite promu capitaine en 1928, puis commandant en 1936. Lors de la campagne de France de mai-juin 1940, il est à la tête du 2e Groupe de la 4e Légion de la Garde républicaine mobile à Vitré [Ille-et-Vilaine].

Comme il a été décidé de dissoudre les unités de la Garde républicaine mobile en zone occupée, le commandant Guillaudot est nommé à la tête de la gendarmerie de Rennes. Mais il n’y restera pas longtemps. Le 17 juin 1941, il refuse faire de donner la charge contre les nombreux Rennais ayant voulu commémorer le premier anniversaire du bombardement de la ville qui fit 2.000 victimes.

Ayant désobéi à un ordre donné par secrétaire général de la Préfecture [qui tenait lui même ses instructions du préfet de Vichy], le commandant Guillaudot ainsi que le commissaire de police, M. Dives, sont immédiatement sanctionnés. Le premier fait l’objet d’une « mutation disciplinaire » à Vannes tandis que le second est limogé.

Seulement, cette affectation dans le Morbihan ne sera pas vécue comme une sanction mais au contraire comme une formidable opportunité pour organiser la Résistance face à l’occupant. En effet, dans un premier temps, le commandant Guillaudot observe les gendarmes sous ses ordres. Et, devant leur patriotisme, il parvient à les convaincre de transformer sa compagnie en un réseau de renseignement pour le compte du Bureau central de renseignements et d’action [BCRA], le service d’espionnage et d’action de la France libre. Par d’anciennes connaissances, l’officier entre en relation avec Londres et noue des contacts avec d’autres groupes de résistants.

Dans le même temps, et conformément à la mission prioritaire de la Gendarmerie [la protection des personnes, ndlr], le commandant Guillaudot ordonne à ses gendarmes de mettre autant que possible les bâtons dans les roues des Allemands, comme en détruisant toutes les informations susceptibles de permettre à ces derniers de retrouver les personnes qu’ils recherchent, ou encore en ne mettant pas de zèle mettre la main sur les réfractaires au STO [service du travail obligatoire] et les individus suspectés de se livrer à des actions de résistance. En outre, il met en place des filières d’évasion pour les aviateurs alliés dont l’avion a été abattu par la Flak allemande en Bretagne.

Cette attitude finit pas éveiller les soupçons de la Gestapo, qui surveille notamment les communications téléphoniques des gendarmes morbihanais. Mais ces derniers, évidemment pas dupes, ont recours au système D pour continuer coûte que coûte leur travail de renseignement.

Pour livrer ses instructions par téléphone, le commandant Guillaudot, qui a pris le pseudonyme de Yodi, a trouvé une astuce : il lui suffit de donner des ordres en langage courant et de terminer la conversation en disant « kenavo ». Si ce mot veut dire « au-revoir » en breton, il signifie en réalité, du moins dans le système qu’il a mis en place, qu’il faut faire exactement le contraire des ordres qu’il vient de donner.

Pendant longtemps, les gendarmes du Morbihan vont ainsi donner le change tout en collectant une masse impressionnante de renseignements sur les capacités militaires allemandes. En juin 1943, le commandant Guillaudot compile toutes ces informations dans le « rapport 2223 » sur le système de défense du mur de l’Altlantique. Deux exemplaires seront produits : le premier, appelé « panier de cerises », est destiné à Londres tandis que le second sera placé dans une boîte métallique et enfoui dans le poulailler que le gendarme Hulot, chauffeur du commandant, entretient dans la cour de sa compagnie.

La transmission du « panier de cerise » ne se fera pas sans mal [d’où la précaution d’en avoir une copie]. Finalement, il arrivera à Londres en juillet 1943, via un Lysander piloté par un aviateur polonais engagé dans la Royal Air Force. Le 20 juillet au soir, Radio Londres transmet à son tour ce message : « Le panier de cerises est arrivé, ses fruits son remarquables. Nous aimerions en recevoir d’autres. Félicitations et remerciements à Yodi pour son action et son excellent travail ».

Malheureusement, et malgré toutes les précautions, le commandant Guillaudot, qui est aussi le chef de l’Armée secrète [AS] du Morbihan, est arrêté par la Gestapo le 10 décembre 1943, alors qu’il venait de brûler dans sa cheminée les derniers messages codés transmis au BCRA. A priori, il aurait été dénoncé par le délégué à la propagande de Vichy… Mais la police allemande aucune trace des activités de l’officier, que ce soit dans son appartements ou dans les locaux de la gendarmerie.

Le commandant Guillaudot et l’adjudant Leroy, arrêté peu après lui, sont enfermés à la prison de Vannes. Des gendarmes envisagent uen opération pour délivrer leur chef… Mais ce dernier est rapidement transféré à Rennes. Torturé par ses géôliers, il reste muet.

Survient alors le Débarquement sur les plages normandes. Les gendarmes du Morbihan désertent et prennent le maquis pour combattre aux côtés SAS français du lieutenant-colonel Bourgoin, parachutés en Bretagne le 5 juin.

Pendant que la bataille de Normandie fait rage, le commandant Guillaudot est déporté en Allemagne. Il finit par être interné au camp de Neuengamme, où il sera libéré en avril 1945 par les troupes américaines. Soigné en Belgique, il reprendra son service le 15 août 1945, à Rennes, à la tête de la 11e Légion de gendarmerie.

Au cours des années d’occupation, la gendarmerie du Morbihan aura tenu un rôle capital au sein de la Résistance, comme le résume le texte de la citation à l’ordre de la division, qui lui fut attribuée le 29 août 1945 :

La Compagnie de gendarmerie du Morbihan, sous la patriotique impulsion du commandant Guillaudot, du lieutenant Guillo, de l’adjudant Leroy, des cadres, et en particulier des chefs de brigades, est entrée en bloc dans la Résistance, fournissant à celle-ci les cadres de ses unités. A assuré le sauvetage de près de 200 aviateurs tombés, reçu 40 tonnes d’armes et de munitions en 1943, a contribué dans une large mesure au service des renseignements, aidé au recrutement de 12.000 maquisards du Morbihan. S’est battue magnifiquement lors des combats de la Libération, payant chèrement de son sang, la libération du sol breton.

Quant à Maurice Guillaudot, il sera promu général de brigade en novembre 1945… et fait Compagnon de la Libération par le décret du 19 octobre 1945. Affecté à la 1ère Inspection de Gendarmerie, il quittera le service actif en 1949.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]