Paris justifie son soutien au maréchal Haftar, qui « fait partie de la solution » à la crise libyenne

La situation de la Libye est chaotique, en grande partie à cause de la rivalité qui oppose le gouvernement d’unité nationale [GNA], qui, formé sous l’égide des Nations unies, est conduit par Fayez el-Sarraj et celui qui, installé à Tobrouk, tire sa légitimité des élections législatives de juin 2014. Les groupes jihadistes y sont toujours présents, même si certains d’entre-eux, comme la branche libyenne de l’État islamique ou la Force de protection de Derna [proche d’al-Qaïda] ont subi des revers militaires. Et trafics en tous genres et activités criminelles y prolifèrent, au grand bénéfice de « chefs » de guerre.

Aussi, « la Libye est le carrefour des risques et des menaces », a estimé Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, dans un entretien donné au quotidien Le Figaro, ce 3 mai. Et la France ne peut guère faire autrement que de s’y intéresser de près. Et cela pour plusieurs raisons.

La première est la menace terroriste, qui reste prioritaire pour Paris. Non seulement parce qu’elle peut viser le territoire européenne, comme l’attentat de Manchester [2017] l’a tragiquement montré mais aussi parce qu’elle est susceptible d’affecter la stabilité des pays voisins de la Libye [Égypte, Tunisie, Tchad]. Une autre raison donnée par M. Le Drian est que la France a une « forme de responsabilité » dans la crise libyenne pour ne pas avoir assuré un « suivi politique » après la chute du régime du colonel Kadhafi alors qu’elle y a contribué en étant l’un des acteurs principaux de l’intervention militaire de 2011.

Le combat contre les groupes terroristes étant prioritaire à ses yeux, Paris a soutenu, y compris militairement, l’Armée nationale libyenne qui, commandée par le maréchal Khalifa Haftar, relève du gouvernement de Tobrouk. Et cela, sans pour autant tourner le dos au GNA. Aussi, la position française relève du numéro d’un équilibriste. Quoi qu’il en soit, pour la France, la solution en Libye ne peut être que politique. Et c’est ce qu’a répété M. Le Drian dans son entretien donné au Figaro. D’où l’impérieuse nécessité de nouvelles élections car « aucun acteur libyen ne peut prétendre être totalement légitime. »

Cependant, l’offensive lancée par le maréchal Haftar en direction de Tripoli remet en cause ce processus politique que Paris [et pas seulement] appelle de ses voeux. Et selon M. Le Drian, la situation actuelle est celle du serpent qui se mord la queue. « Je constaste que l’absence de perspective politique a entraîné l’immobilisme des uns [Sarraj] et l’imprudence des autres [Haftar].

Depuis le début de l’offensive de l’ANL contre Tripoli, le GNA a tiré boulets rouges sur la France, en l’accusant d’être proche du maréchal Hafar, que soutiennent également l’Égypte et les Émirats arabes unis. D’où la mise au point de M. Le Drian.

« La France a continûment soutenu le gouvernement de M. Sarraj. Nous l’avons beaucoup soutenu aux Nations unies et sur le plan de la sécurité. Il le sait. Je remarque que Fathi Bachagha, le ministre de l’Intérieur, qui attaque régulièrement la France et dénonce son ingérence supposée dans la crise, n’hésite pas à passer son temps en Turquie. Alors je ne sais pas où sont les interférences », a taclé le chef du Quai d’Orsay.

Effectivement, le GNA peut se prévaloir du soutien de la Turquie et du Qatar… D’où la question de l’influence de la confrérie des Frères musulmans sur les milices qui le soutiennent. À ce sujet, M. Le Drian a aussi noté que ces dernières sont plus « anti-Haftar » que « pro-Sarraj » et que cela « pose au passage la question de l’ambiguïté qu’entretiennent certains groupes liés l’islamisme politique avec des groupes jihadistes. »

Parmi les opposants au maréchal Haftar, « on trouve parmi les miliciens des responsables de hold-up, des spécialistes de la prédation et des jihadistes », a relevé M. Le Drian. Et il y a également, a-t-il continué, « les groupes mafieux de passeurs, qui torturent et mettent en esclavage des migrants. » Aussi, a-t-il jugé, « ils ne se battent pas pour Sarraj mais pour la protection de leurs activités criminelles. »

Quoi qu’il en soit, pour Paris, il n’en reste pas moins que le maréchal Haftar « fait partie de la solution » en Libye. Il « a lutté contre le terrorisme à Benghazi et dans le sud de la Libye, et cela était dans notre intérêt, celui des pays du Sahel, celui des voisins de la Libye. Je soutiens tout ce qui sert la sécurité des Français et des pays amis de la France », a ainsi fait valoir le chef de la diplomatie française. Mais encore faut-il qu’une solution politique se profile à l’horizon… En tout, la France y travaille, a-t-il assuré.

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