La Chine proteste après le passage d’une frégate française dans le détroit de Taïwan

Le détroit de Formose [ou de Taïwan] relie la mer de Chine méridionale à la mer de Chine orientale en son Nord-Est. Et il sépare Taïwan de la Chine continentale. D’où les protestations émises par Pékin quand un navire militaire étranger y transite.

En effet, pour la Chine, le détroit de Formose lui appartient dans la mesure où elle considère Taïwan comme faisant partie intégrante de son territoire. Ces derniers mois, la marine américaine y a enchaîné les passages, comme en mars dernier, avec le destroyer USS Curtis Wilbur et le patrouilleur USCGC Bertholf, de l’US Coast Guard. Les États-Unis justifient ces manoeuvres en assurant qu’elles visent à « démontrer leur engagement pour une région Indo-Pacifique libre et ouverte ».

Et cela vaut aussi pour les missions dites FONOP [Freedom of navigation] conduites par l’US Navy en mer de Chine méridionale, dont la quasi-totalité est revendiquée par Pékin.

Mais le 6 ou le 7 avril, [soit deux semaines après une visite officielle en France de Xi Jinping, le président chinois] ce n’est pas un navire américain qui suscité l’ire des autorités chinoises… mais la frégate de surveillance française « Vendémiaire ». Ainsi, ce bâtiment de la Marine nationale, qui était par ailleurs attendu à Qingdao pour le 70e anniversaire de la marine chinoise, a traversé le détroit de Taïwan. Cette information, donnée à l’agence Reuters par des sources militaires américaines, a été confirmée par Pékin.

Un « navire français a pénétré dans les eaux territoriales chinoises sans autorisation », a en effet affirmé Ren Guoqiang, le porte-parole du ministère chinois de la Défense. L’armée populaire de libération « a envoyé des bateaux de guerre conformément à la loi afin d’identifier le navire français et lui intimer l’ordre de partir », a-t-il ajouté. Et Pékin a remis une « protestation solennelle » à Paris tandis que la frégate Vendémiaire n’était plus la bienvenue à Qingdao.

À Paris, l’entourage de la ministre des Armées, Florence Parly, cité par l’AFP, on fait valoir que la France n’a fait que « réaffirmer son attachement à la liberté de navigation, conformément au droit de la mer ». Et d’ajouter que la Marine nationale « transite en moyenne une fois par an dans le détroit de Taïwan, sans incident ni réaction. »

« Nous sommes en contact étroit avec les autorités chinoises au sujet de l’incident évoqué ce matin par le porte-parole du ministère chinois de la Défense », précise-t-on également.

En tout cas, cette réaction chinoise à l’égard d’un navire de la Marine nationale est inédite.

« En 6 à 10 fois par an, un bâtiment français navigue […] en mer de Chine méridionale afin de faire prévaloir le droit maritime international. Ces mouvements ne passent pas inaperçus, tant auprès de nos partenaires chinois qui nous suivent sans agressivité, que des pays voisins qui constatent que la France était jusqu’à très récemment le seul pays européen présent dans ces eaux », avait expliqué l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale, lors d’un audition au Sénat, en avril 2018.

Sollicité par Reuters, Abraham Denmark, ancien sous-secrétaire américain à la Défense pour la défense de l’Asie de l’Est, y voit un changement dans la posture fraçaise. « C’est un développement important […] parce qu’il reflète une approche plus géopolitique de la France vis-à-vis de la Chine et de la région Asie-Pacifique au sens large », a-t-il dit. Et ce serait aussi le signe que « des pays comme la France ne voient pas la Chine sous l’angle du commerce mais d’un point de vue militaire. »

Photo : Marine nationale

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]