Faute de F-35, Ankara pourrait se tourner vers la Russie pour se doter d’avions de combat de 5e génération

Certes, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a dit « comprendre » les préoccupations de l’Otan au sujet du projet de son pays de se procurer des systèmes russes de défense aérienne S-400. Mais cela ne réglera pas le problème d’interopérablité entre Alliés que pose cet achat, notamment pour ce qui concerne l’avion de combat F-35A, commandé à 100 exemplaires par Ankara.

Et les responsables turcs peuvent dire et répéter qu’il est « regrettable de chercher à lier [l’achat] de S-400 et le projet sur les F-35 », comme l’a encore fait récemment Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense, il est peu probable de voir les États-Unis changer d’avis à ce sujet. Ce qui veut dire que la Turquie doit s’attendre à faire une croix sur les avions qu’elle a commandés ainsi que sur sa participation industrielle au programme Joint Strike Fighter dont ils sont issus.

D’autant plus que l’on voit mal comment Ankara pourrait faire machine arrière sur ce dossier sans se déjuger, le président turc, Recep Tayyip Erdorgan, s’étant montré jusqu’alors inflexible sur son intention d’acquérir les systèmes russes.

Aussi, l’état-major turc cherche des alternatives. « Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser le F-35 non remplacé », a ainsi confié un officier supérieur à Defense News. Seulement, au sein de l’Otan, il n’y a pas d’autre solution à court terme, sauf à considérer, peut-être, l’achat de Rafale F4 ou d’Eurofighter Typhoon, ce qui ne réglerait pas les problèmes d’interopérabilité avec les systèmes S-400…

En revanche, comme l’a souligné un responsable du ministère turc de la Défense, une « évaluation géostratégique » indiquerait qu’une « option russe » serait « naturelle ». Ainsi, a-t-il expliqué à la même source, la technologie russe en matière d’avions de combat serait le meilleur choix les États-Unis remettaient en cause la participation de la Turquie au programme Joint Strike Fighter.

Or, il se trouve que la Russie dispose d’un avion de combat de 5e génération, en l’occurrence le Su-57 « Frazor ». Or, ce programme a connu quelques difficultés, notamment avec la suspension de la participation de l’Inde, qui y avait été associée à partir de 2007. Et pour Moscou, il est désormais question d’équiper seulement 2 escadrons d’ici 2025 [ce qui suppose 24 avions soient livrés d’ici-là]. Aussi, une commande turque ne pourrait que garantir économiquement l’avenir de cet appareil.

Le 10 avril, M. Cavusoglu, avait d’ailleurs évoqué cette possibilité. « Il existe des F-35, mais il y a aussi des avions fabriqués en Russie. Si nous ne sommes pas en mesure d’acheter des F-35, la Turquie achètera des appareils similaires à d’autres pays. Et cela jusqu’à ce que nous commencions à produire nos propres avions de combat de cinquième génération », avait-il affirmé sur la chaîne de télévision NTV.

Le projet évoqué par M. Cavusoglu est le programme TF-X, qui doit permettre de remplacer les F-16 des forces aériennes turcs. Mais l’industrie turque n’a pas toutes les compétences pour le mener à bien. D’où l’implication du britannique BAE Systems, qui pourrait bien revoir sa participation à cause de l’achat des S-400 russes.

D’ailleurs, Viktor Kladov, le directeur du Département de la coopération internationale du conglomérat de défense russe Rostec, a déjà placé ses pions. « La Turquie et la Russie peuvent discuter des possibilités de coopération pour développer et produire conjointement un avion de combat de cinquième génération », avait-il assuré, en août 2018.

Et ce scénario prend corps à mesure que le temps passe… En tout cas, les propos de Vladimir Poutine, le président russe, le suggèrent. « D’autres projets prometteurs liés à la livraison à la Turquie d’équipements russes à destination militaire figurent également à l’ordre du jour », avait-il affirmé, peu avant de recontrer son homologue turc, le 9 avril dernier. Si une telle issue venait à se concrétiser, alors la position de la Turquie au sein de l’Otan sera de plus en plus inconfortable.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]