Ankara dit comprendre les « préoccupations » de l’Otan concernant le système russe de défense aérienne S-400

Début avril, les États-Unis ont suspendu la livraison aux forces turques des équipements devant leur permettre de mettre en service les avions de combat F-35A qu’elles ont commandés. En cause : l’achat par Ankara du système de défense aérienne russe S-400 « Triumph », lequel serait incompatible avec l’appareil développé par Lockheed-Martin et dont la production implique par ailleurs la participation de sous-traitants turcs.

« Le meilleur avis militaire que je puisse donner est que dans ce cas, nous ne pouvons pas permettre au F-35 de voler […] avec un système anti-missile russe », fit valoir, en mars, le général américain Curtis Scaparrotti, le commandant suprême des forces alliées en Europe [SACEUR], lors d’une audition palementaire. « C’est un problème pour tous nos avions, pas seulement pour le F-35 », avait-il insisté. De quoi conforter les parlementaires américains dans leur idée de bloquer toute livraison de cet avion aux forces aériennes turques…

Cela étant, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a donné dans la surenchère après la décision américaine. Ainsi, il s’est mis d’accord avec Vladimir Poutine, son homologue russe, pour accélérer la livraison des S-400 à ses forces armées.

Dans le même temps, certains s’interrogent, à Ankara, sur le rapport « coût-bénéfice » de l’adhésion de la Turquie à l’Otan. Tel est le cas, par exemple, de Kudret Bulbul, le doyen de la Faculté des Sciences politiques de l’université Yildirim Beyazit.

« La Turquie ne peut pas être considérée et se comporter au sein de l’Otan comme un quelconque pays occidental. Le soutien et la contribution de la Turquie à l’Otan ne peut pas être comparés à la Grèce, l’Italie et autres… Une Turquie considérée comme un quelconque pays occidental, ne peut également pas contribuer suffisamment à l’Otan mais aussi à la paix internationale. En raison de son héritage historique, son potentiel et de la contribution qu’elle peut apporter à la paix mondiale, la Turquie doit former des relations solides multidimensionnelles avec l’Otan mais aussi avec la Russie. Ces relations ne sont pas une alternative l’une de l’autre pour la Turquie », a fait valoir M. Bulbul dans une tribune publiée cette semaine.

Et de conclure : « Une Turquie sans l’Otan peut perdre certaines choses mais poursuivra sa route. Néanmoins, une Otan sans la Turquie n’en perdra pas moins », a-t-il assuré, dans une tribune publiée cette semaine. »

Quoi qu’il en soit, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a cherché à calmer le jeu lors d’une visite à Washington, au cours de laquelle il a rencontré Patrick Shanahan, son homologue américain. Ils « se sont entretenus en tant que partenaires stratégiques » et « se sont concentrés davantage sur les intérêts au lieu de la position de leur pays sur certains sujets, sur l’importance de la coopération turco-américaine et sur la sécurité et la prospérité économique dans les deux pays et dans la région en tant qu’alliés de l’Otan », a ensuite rendu-compte le Pentagone.

Lors d’une conférence de presse, le 15 avril, M. Akar a estimé que la décision d’acquérir des systèmes S-400 auprès de la Russie « aérienne ne devrait pas entraîner de sanctions américaines parce que la Turquie n’est pas un adversaire des États-Unis et reste attachée à l’Otan. » Et « nous attendons des États-Unis et des autres partenaires de ce projet qu’ils respectent leurs engagements », a-t-il ajouté, en faisant référence au F-35.

Seulement, ce 19 avril, le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, s’est attaché à dissocier l’Otan des États-Unis dans le dossier du S-400.

« Nous devons prendre en compte les préoccupations de l’Otan. Dire que la Turquie ne les prend pas en compte, c’est faux », a en effet déclaré le ministre turc, en évoquant cette affaire lors d’une conférence de presse. « Nous ne trouvons pas crédibles les allégations selon lesquelles les S-400 pourraient pénétrer les systèmes des F-35 s’ils étaient déployés en Turquie », a-t-il toutefois ajouté.

Et, précisant qu’Ankara avait proposé la mise en place d’un groupe de travail pour répondre aux préoccupations américaines, M. Cavusoglu a dit que la Turquie « n’a toujours pas reçu de réponse de la part des États-Unis » alors que « l’Otan a positivement accueilli [cette] proposition. »

Reste que l’économie turque est sous la menace de sanctions américaines… Ce qui explique sans doute les propos tenus par le ministre de la Défense. Selon lui, Ankara examinerait aussi l’offre de Washington relative à des systèmes Patriot PAC-3. « offre est sur la table, nous l’étudions soigneusement », a-t-il dit.

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