La France ne s’interdit pas d’avoir une « stratégie plus offensive » dans l’espace

La « militarisation » de l’espace n’est pas un fait nouveau : depuis les années 1960, ses satellites ayant une utilité purement militaire ont été mis en orbite à des fins d’observation, de renseignement et de communications. En revanche, « l’arsenalisation de l’espace » tend à s’affirmer de jour en jour, avec la perspective de faire de ce milieu une nouvelle zone de confrontation(s).

Le récent essai d’une arme antisatellite indienne illustre cette tendance. Mais il n’en est évidemment pas la seule manifestation. Depuis quelques années, il est question de lasers aéroportés, d’engins manoeuvrants, susceptibles d’avoir des capacités de neutralisation, ou encore d’armes à impulsion électromagnétique, des micro-ondes à forte puissance et les cyberattaques.

Cette arsenalisation de l’espace a conduit l’administration américaine à proposer la création d’une « force spatiale » qui dépendrait du secrétaire à l’Air Force comme l’US Marine Corps relève de celui à la Navy.

« L’espace était depuis de nombreuses années considéré comme un environnement dans lequel on pouvait faire de l’observation à des fins scientifiques ou pour appuyer nos opérations militaires. Et ça n’allait pas plus loin. Ce que nous avons constaté, c’est qu’un certain nombre de pays ont eu des comportements qui étaient sinon agressifs du moins un peu intrusifs. Et nous savons combien les capacités satellites sont indispensables pas seulement à la gestion de nos opérations militaires mais d’abord et avant toute chose à nos sociétés et à nos économies », a expliqué Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’un entretien diffusé ce 18 avril par Radio Classique.

Quand la ministre évoque des comportements « un peu intrusifs », elle fait référence à l’engin russe LUCH-OLYMP, qui s’est récemment intéressé de trop près du satellite franco-italien de communications militaires Athena-Fidus… Mais peut-être pas seulement.

Dans leur rapport sur le secteur spatial de défense, les députés Olivier Becht et Stéphane Trompille se sont en effet interrogés sur la finalité du drone spatial américain X-37 et évoqué la détection, par le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux [COSMOS] implanté sur la base aérienne 942 de Lyon Mont-Verdun, d’un « engin hyper-manœuvrant chinois », dont les dimensions, identiques à celles d’un cubesat [quelques dizaines de cm de côté, ndlr] le rendent « moins aisément repérable. »

Quoi qu’il en soit, Mme Parly a souligné la nécessité de « protéger » les satellites français. « Une des orientations que nous envisageons est, par exemple, d’avoir la capacité d’équiper nos satellites de petites caméras », a-t-elle dit. Mais cela est loin d’être suffisant…

Lors d’une audition au Sénat, en mars, le général Michel Friedling, qui dirige le Commandement interarmées de l’Espace [CIE], avait évoqué la possibilité pour la France d’exercer son « droit de légitime défense » en cas d’acte hostile contre l’un de ses satellites en orbite. « Cette réponse pourrait avoir différentes formes et un changement doctrinal consisterait à passer des opérations depuis l’espace à des opérations dans l’espace », avait-il précisé.

Visiblement, la réflexion sur ce sujet a légèrement évolué… « Nous allons continuer à avoir une stratégie défensive [dans l’espace] mais nous ne nous interdisons pas d’avoir une stratégie plus offensive », a en effet affirmé Mme Parly. Ce qui pose la question du développement de nouvelles capacités.

Dans leur rapport, MM. Trompille et Becht avaient évoqué, dans les grandes lignes, la possibilité de mettre au point de « véhicules spatiaux inhabités et manœuvrants ».

La stratégie spatiale française a fait l’objet d’un rapport, qui a été remis par Mme Parly au président Macron en début d’année. « Des annonces seront faites d’ici la fin de l’été et si rien n’est encore gravé dans le marbre, je peux m’avancer sans risque sur un point : la surveillance de l’espace sera significativement renforcée », avait annoncé la ministre lors de sa visite de l’activité « Radars » de Thales, à Limours, le 15 avril.

Photo : Dassault Aviation

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