La France a rejoint une initiative de l’Otan visant à développer des systèmes navals sans équipage

En 1898, le physicien et ingénieur Nikola Tesla mit au point le « Teleautomaton », un modèle réduit de bateau qui, alimenté par une batterie électrique, avait la particularité d’être dirigé par radio. Sans doute que cette invention aura marqué le début d’un processus qui connaîtra son aboutissement d’ici quelques années : la robotisation des opérations navales.

Cela fait déjà un moment que l’on utilise des drones sous-marins, que ce soit pour le déminage ou l’exploration des fonds marins. Mais développer un navire de surface autonome ou contrôlé à distance, est une autre paire de manches que de faire naviguer un modèle réduit à dans un petit bassin installé à Madison Square Garden…

En 2012, la Darpa, l’agence du Pentagone dédiée à l’innovation, lança un programme appelé ACTUV [Anti-Submarine Warfare (ASW) Continuous Trail Unmanned Vessel] visant à mettre au point un navire de surface capable de détecter, identifier et de « pister » des sous-marins pendant des mois sans intervention humaine. Ce qui supposait de relever au moins deux défis : pouvoir insérer ce bateau autonome dans le trafic maritime et limiter autant que possible sa vulnérabilité.

Ce projet donnera ainsi lieu au Sea Hunter [photo ci-dessous], un trimaran autonome affichant un déplacement de 140 tonnes [dont 40 tonnes de carburant] et bardé de capteurs, de radars, de sonars et de caméras. Développé par Leidos [ex-SAIC] et construit par Vigor Technologies, ce drone de surface dispose d’une autonomie de 70 jours [ou la capacité de naviguer sur 10.000 milles] et d’une vitesse de pointe de 27 noeuds [12 noeuds en croisière].

D’un coût de 20 millions de dollars, le Sea Hunter peut être contrôlé à distance ou alors, grâce à son système de mission, naviguer de manière autonome tout en respectant les règles internationales en matière de navigation maritime. Récemment, il a effectué sans problème un aller-retour entre San Diego [Californie] et Hawaï. Pour l’US Navy, il s’agit maintenant de voir s’il est possible faire évoluer en essaim plusieurs drones de surface de ce type et/ou de les intégrer au sein d’un réseau comprenant des navires « classiques », des drones aériens et des aéronefs « habités ».

Mais la marine américaine voit encore plus grand. Dans le budget qu’elle a adressé au Congrès, elle réclame 400 millions de dollars pour financer, en 2020, deux « grands navires de surface sans équipage », c’est à dire affichant un longueur de 60 à 90 mètres pour un déplacement de 2.000 tonnes [soit la taille d’une corvette]. Au total, elle envisage de demander 2,7 milliards de dollars pour construire 10 bateaux de cette sorte au cours des cinq prochaines années.

En Europe, la robotisation des opérations navales est aussi lancée. Début avril, le ministère britannique de la Défense [MoD] a annoncé qu’il allait financer, à hauteur de 75 millions de livres sterling, la mise au point de deux « navires de chasseurs de mines autonomes » ainsi qu’un projet appelé « Navy X », destiné justement à développer la robotique à usage maritime.

La France n’est pas en reste, avec son programme SLAMF [Système de lutte anti-mines futur], lequel prévoit un système de drones faisant l’objet d’une coopération avec les Britanniques, appelée MMCM [Maritime Mines Counter Measures]. Enfin, la Belgique et les Pays-Bas ont choisi une solution proposée par les français Naval Group et ECA Robotics qui « utilisera des systèmes non habités en surface, au-dessus du niveau de l’eau et sous l’eau afin de détecter puis neutraliser des mines. »

Par ailleurs, la mise au point de systèmes de surface sans équipage est l’une des priorités de l’Otan, notamment pour ce qui concerne la lutte anti-sous-marine. Quelques semaines après le sommet de Bruxelles, [juillet 2018], 13 Alliés signèrent une lettre d’intention afin de développer conjointement des technologies relatives à la robotisation des opérations navales. Et cela, dans le cadre de « la mise en œuvre de la posture maritime renforcée » de l’Alliance.

« L’utilisation de systèmes sans équipage est un progrès décisif en matière de technologie maritime. En opérant aux côtés de moyens navals traditionnels, ils amélioreront notre connaissance de la situation et notre contrôle des mers », avait-il été expliqué dans le communiqué publié à cette occasion. Parmi les signataires, l’on trouvait l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la pologne, le Portugal, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Et ils viennent d’être rejoints par la France.

En effet, le 11 avril, les pays participants ont « accueilli la France au sein de cette initiative multinationale majeure », a annoncé l’Otan, via un communiqué.

« Aujourd’hui, nous exploitons des plateformes embarquant des équipages, avec une connaissance opérationnelle limitée, mais demain nous utiliserons de plus en plus de systèmes autonomes intégrés, capables de travailler ensemble et de renforcer les plateformes existantes », a commenté Camille Grand, secrétaire général adjoint de l’Otan pour l’investissement de défense, lors de la cérémonie de signature.

« Les systèmes de drones maritimes joueront un rôle central dans les opérations navales à l’avenir, en ce sens qu’ils constitueront un multiplicateur de forces venant renforcer les moyens navals traditionnels embarquant des équipages. Ces systèmes devraient offrir des atouts majeurs dans des domaines comme la détection des mines et le déminage, mais aussi le repérage et la poursuite des sous-marins », a-t-il encore expliqué.

Cette initiative, avance l’Otan, permettra à ceux qui l’ont signée de « mettre en service des systèmes de drones maritimes plus flexibles et davantage interopérables » tout en ayant l’opportunité de réduire les coûts « en réalisant systématiquement des économies d’échelle. »

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