Droit de réponse du député Bastien Lachaud, au sujet des traditions dans les armées

Le 29 mars, ce site a rendu compte de l’examen par les députés de la commission de la Défense du rapport présenté par Bastien Lachaud et Christophe Lejeune au sujet de la « lutte contre les discriminations au sein des forces armées. »

La séance ayant été inhabituellement houleuse, l’article s’est concentré sur les réactions de plusieurs parlementaires aux propos tenus par M. Lachaud au sujet de certaines traditions observées au sein des armées. Ce dernier, au regard des commentaires suscités par ce papier, a tenu à faire valoir son droit de réponse. Le voici :

Le 27 mars dernier, Christophe Lejeune et moi-même avons présenté notre rapport sur la lutte contre les discriminations au sein des forces armées devant nos collègues de la commission de la défense à l’Assemblée nationale.

Ce rapport est le fruit de 9 mois de travail au cours desquels nous avons organisé plus de tente auditions, rencontres et déplacements et rencontré au minimum deux cents personnes. Il contient 61 propositions et s’intéresse à un nombre important de discriminations.

Malheureusement, aucune d’entre elle n’a été discutée parce que certains ont cru ou voulu croire que nous recommandions la fin des «  fêtes de saint patron  ». Cette proposition ne figure absolument pas dans le rapport. Ces fêtes sont prioritairement des moments de cohésion et de camaraderie. Leur caractère religieux s’est presque complètement estompé. C’est pourquoi nous avons considéré qu’il n’y avait pas lieu de préconiser leur suppression. Nous avons simplement mentionné le fait que les événements proprement religieux (les messes) qui peuvent accompagner ces fêtes ou d’autres moments de la vie militaire ne devraient pas être ou paraître obligatoires. Pour cela, il revient aux aumôniers d’en faire l’annonce; le commandement limitant sa communication à l’aspect festif…

Une fois ce fait rétabli, il serait utile de revenir à la question des discriminations et des raisons de lutter contre toutes, qu’elles soient «  fondées  » sur le genre, l’état de santé, la religion, l’origine sociale ou ethnique, la couleur de peaux, l’orientation sexuelle réels ou supposés.

Comme toutes les personnes et en particulier les officiers que nous avons rencontrés, nous pensons que c’est un impératif de justice mais aussi d’efficacité opérationnelle. La cohésion du groupe est effectivement la condition du succès. Laisser prospérer l’injustice et le sentiment d’injustice revient à ouvrir des brèches dans les unités. Refuser la diversité, c’est trahir le sens des institutions républicaines, mais c’est aussi évincer des profils dont l’originalité est plus que jamais nécessaire, se priver de compétences et réduire le vivier des futures recrues.

L’institution militaire a produit une culture très largement favorable à l’égalité. Comme en témoigne par exemple l’écart réduit des rémunérations entre les personnels aux différents grades. Néanmoins, la spécificité militaire implique des risques particuliers qui justifient de mettre en œuvre une stratégie complète permettant de prévenir, déceler, traiter et éventuellement sanctionner les situations dysfonctionnelles et les comportements déviants.

Les propositions de notre rapport visent à cela. Tout d’abord, il s’agit de renforcer les capacités de prévention en étendant et rationalisant les dispositifs de formation et de sensibilisation aux risques. Au cours de notre travail, nous avons constaté que les différents outils à disposition des militaires pour faire valoir leurs droits sont mal connus  : voies de recours lors du recrutement, de l’examen médical ou de la notation, numéros de téléphones permettant de signaler des cas harcèlement ou des situations de souffrance liées au métier demeurent largement méconnus. Nous proposons donc de mener une campagne beaucoup plus active d’information en utilisant tous les supports possibles. Nous avons aussi préconisé l’utilisation d’un numéro unique pour tous les personnels rencontrant une difficulté, quelle que soit la nature de celle-ci. Cela suppose aussi d’augmenter les moyens humains déjà alloués à ces services d’écoute et d’accompagnement.

Le repérage des problèmes suppose également un important travail. La féminisation a été accompagnée par une étude de plus en plus fine des difficultés éventuellement rencontrées par les femmes. Un travail de même ampleur manque encore pour identifier les autres formes de discriminations possibles.
Par ailleurs, la formation des personnels doit être renforcée afin de prendre en charge plus tôt les situations insatisfaisantes. Les «  capteurs  » du commandement sont ainsi les premiers concernés, et parmi eux, nous avons souhaité citer les aumôniers militaires, conformément à l’importance que leur ont donné la plupart des personnes que nous avons auditionnées.

Des mesures doivent également être prises pour traiter les situations. Cela suppose d’harmoniser le barème des sanctions mais aussi de travailler dans le sens de la conciliation. Nous avons donc proposé la création d’une instance de médiation que nous avons appelés «  ombudsman  » à l’image de ce qui existe dans la plupart des armées des pays démocratiques.
Le souci de réparation nous a également amené à proposer de généraliser une pratique qui a déjà cours au sein de la gendarmerie  : la réhabilitation officielle des personnes indûment accusées de discriminations.

Je ne peux reproduire ici la totalité du rapport. Sa lecture est en accès libre à l’adresse suivante  :   http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1814.asp

Pour conclure, je souhaite néanmoins répondre à une idée que j’ai vue apparaître dans certains commentaires sur ce site. L’armée n’est pas l’émanation de la «  France éternelle  ». Les forces armées sont celles de la République française. Cela n’est pas indifférent. Elles ne sont pas l’élément pérenne par excellence d’une nation figée dans l’éternité. Elles en sont encore moins un élément détaché d’elle. Cette conception «  patrimoniale  » de l’armée est contraire à sa mission. Il y a dans l’histoire des éléments de continuité incontestables mais leur mythification est dangereuse si elle exclut nos concitoyens de la communauté nationale réelle. Les forces armées sont au service de la Nation et de la République qui est le cadre légal de son expression. L’armée, même professionnalisée, doit être la Nation en armes, prête à assurer sa défense  ; il est donc essentiel qu’elle soit à l’image même de la société.

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