La marine russe pourrait désarmer son porte-avions « Amiral Kouznetsov » plus tôt que prévu

La marine russe devra-t-elle renoncer, sans doute pour longtemps, à ses capacités aéronavales, lesquelles sont actuellement déjà très réduites? Une telle question se pose depuis l’automne dernier.

En effet, le 30 octobre, l’unique porte-avions de la marine russe, l’Amiral Kouznetsov, fut endommagé par la chute d’une grue sur son pont, provoquée par le naufrage du dock flottant PD-50 auquel il était amarré pour des travaux de modernisation et de maintenance réalisés à Mourmansk par le groupe public United Shipbuilding Corporation (USC).

Ce dock flottant, acquis en Suède dans les années 1980, coula à cause d’une panne d’électricité [par ailleurs non confirmée, à l’époque, par le fournisseur PJSC Rossetti], les pompes censées empêcher ses ballasts de se remplir d’eau ne pouvant plus fonctionner.

La chute de la grue aurait fait un trou d’environ quatre mètres sur cinq sur le pont du porte-avions. Pour autant, les responsables du chantier naval relativisèrent l’importance des dégâts. « Il s’agit de la réparation des structures métalliques. C’est le travail habituel de nos soudeurs, qui prendra une semaine et demie », avait confié l’un d’eux.

Et en effet, ce ne sont pas les dégâts infligés au porte-avions qui posent un souci à la marine russe… Le problème est que, faute de dock flottant comme le PD-50, la modernisation du porte-avions « Amiral Kouznetsov » est à l’arrêt. Aussi, selon le journal Izvestia, si le ministère russe de la Défense ne trouve pas rapidement une solution, alors ce navire pourrait être retiré prématurément du service.

La difficulté est que la Russie ne dispose pas d’autres chantiers navals assez grands pour accueillir un tel navire. Sauf, peut-être, celui de Severodvinsk… Mais comme l’explique le site Red Samovar, la largeur de son sas d’accès est limitée et sa profondeur maximale n’est que de 10 mètres.

Cependant, pour Izvestia, il y aurait une alternative : transférer le porte-avions vers le chantier naval, qui situé en face de celui où il se trouve actuellement, est spécialisé dans la construction de plateformes gazières. Mais le souci est que l’entreprise qui l’exploite n’a aucune compétence en matière de navire militaire. Et elle « n’a jamais prétendu participer à la réparation de bâtiments de guerre », souligne le journal.

Cela étant, a confié une source au ministère russe de la Défense, « tout le monde n’est pas convaincu de la nécessité de poursuivre les réparations. Il existe différentes opinions, comme celles qui préconisent de construire une frégate ou un sous-marin nucléaire avec cet argent. » D’autant plus que le porte-avions « Amiral Kouznetsov » n’a que très rarement été déployé depuis son entrée en service [seulement 6 ou 7 fois, ndlr].

Aussi, si une telle décision est prise, la marine russe devra attendre longtemps avant de récupérer des capacités aéronavales. Le projet « Shtorm » [ou Projet 23000E], qui prévoit la construction d’un porte-avions d’un tonnage d’au-moins 90.000 tonnes, est encore dans les cartons et l’on voit mal, pour le moment, quel chantier naval pourrait le construire [celui de Zvezda pourrait convenir, une fois que sa modernisation sera achevée, en 2024]. D’ailleurs, en 2017, il avait été rapporté qu’il il ne faisait pas partie des priorités du plan « Armement 2025 »

Quoi qu’il en soit, les capacités aéronavales n’ont jamais été vraiment été prioritaires pour Moscou. C’est en effet ce qu’a rappelé l’amiral Jean-Philippe Rolland, le commandant la force d’action navale [ALFAN], lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.

« En Russie, le groupe aéronaval est, il faut le dire, une capacité inaboutie car peu valorisée par les différentes stratégies nationales de défense qui se sont succédé en Union soviétique puis en Russie. Cela s’explique d’abord par les déterminants géopolitiques. Les accès au grand large étant sous le contrôle des partenaires de l’Otan, les investissements financiers se sont orientés préférentiellement vers les bombardiers stratégiques à long rayon d’action ‘tueurs de porte-avions’, les missiles à longue portée, qu’ils soient conventionnels ou nucléaires et les flottes sous-marines », a expliqué ALFAN.

Et d’ajouter : « Les porte-avions ou les porte-aéronefs ont quant à eux fait l’objet de moindres investissements financiers, humains, technologiques et opérationnels limitant ainsi la possibilité d’émergence d’un groupe aéronaval abouti. »

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