Libye : Le maréchal Haftar lance une offensive en direction de Tripoli

En 2014, la situation politique libyenne était encore relativement simple : il y avait un gouvernement, qui, même s’il était reconnu, peinait à imposer son autorité sur l’ensemble du pays, et le Congrés général national [CGN], c’est à dire le Parlement qui, issu des premières élections libres depuis la chute du régime dirigé par le colonel Kadhafi, était alors dominé par les islamistes.

Puis tout se compliqua. Les élections législatives anticipées de juin 2014 ayant été remportées par les libéraux, les islamistes en contestèrent les résultats. Et, durant l’été, et alors que, à Tripoli, des combats opposèrent des milices des deux camps, le nouveau Parlement, appelé « Chambre des représentants », fut contraint de s’installer à Tobrouk, dans l’est du pays, pour y former un nouveau gouvernement, établi à al-Bayda. Ce dernier fut donc considéré comme légitime par la communauté internationale. Puis, il reçut l’appui du maréchal Khalifa Haftar, un opposant du colonel Kadhafi ayant passé quelques années aux États-Unis.

Dans le même temps, les groupes jihadistes, dont la branche libyenne de l’État islamique, profitèrent du chaos ambiant pour pousser leur pion et étendre leur influence. En outre, des puissances étrangères s’y invitèrent, la Turquie et le Qatar soutenant le gouvernement de Tripoli dirigé par Khalifa al-Ghowel, tandis que les Émirats arabes unis et l’Égype apportèrent leur appui aux autorités établies en Cyrénaïque.

D’où l’action des Nations unies, qui, en décembre 2015, parrainèrent les accords de Skhirat [Maroc], signés par des représentants du CGN et de la Chambre des représentants. Il fut ainsi prévu de mettre en place un gouvernement d’union nationale [GNA], sous l’autorité de Fayez Al-Sarraj.

Au printemps 2016, et avec le soutien officiel de la communauté internationale, le GNA entra en fonction à Tripoli. Seulement, l’autorité de M. Al-Sarraj ne fut pas reconnue par le Parlement de Torbrouk et le gouvernement d’al-Bayda. En cause : le sort réservé au maréchal Haftar dans une Libye « réunifiée ». De son côté, l’intéressé n’avait pas perdu son temps. Ayant mis sur pied une « Armée nationale libyenne » [ANL], il avait lancé, en mai 2015, l’opération « Dignité » afin de chasser les jihadistes de la région de Benghazi. Et cela, avec le soutien plus ou moins officieux de la France.

Depuis, aucune solution politique n’a été trouvée, même si, à l’initiative de Paris, une feuille de route pour une « réconciliation nationale » fut « agréée » par MM. al-Sarraj et Haftar en juillet 2017.

Cette année-là, et alors que des combats étaient toujours en cours à Benghazi, l’ANL lança des opérations dans le sud de la Libye afin de prendre le contrôle de bases occupées par la « 3e Force », composée notamment de milices qui, originaires de Misrata, loyales, venaient de chasser l’EI de Syrte au nom du GNA et avec l’appui des États-Unis. Pour le maréchal Haftar, l’objectif était alors de « nettoyer » le sud du pays de tous les groupes armés susceptibles de menacer la Libye [ainsi que le Tchad].

En février, à Abu Dhabi, et sous l’égide des Nations unies, les deux gouvernements rivaux ont conclu un accord pour organiser de nouvelles élections d’ici la fin de cette année. Et une conférence doit se tenir en avril à Ghadamès [sud-ouest] pour en établir la feuille de route. Mais il n’est pas dit qu’elle puisse se tenir au regard des derniers événements.

En effet dernières semaines, dans le cadre d’une opération encore appelée « Dignité », les troupes du maréchal Haftar ont repris leur progression dans le sud de la Libye, ce qui a probablement été à l’origine de la « descente » vers N’Djamena de la colonne rebelle neutralisée par les Mirage 2000 français.

Ainsi, l’ANL ont mis la main, sans combattre, sur la ville de Sebha Sebha [à 700 km au sud de Tripoli] ainsi que sur le champ pétrolier d’al-Charara, l’un des plus importants du pays. Et le tout avec le ralliement des tribus locales, dont celle, arabe, de Ouled Slimane. Ce qui, a terme, peut nourrir quelques tensions avec d’autres, marginalisées.

Mais le maréchal Haftar d’entend visiblement pas à s’arrêter en si bon chemin. Le 4 avril, via un communiqué, il a ordonné à ses troupes d’avancer en direction de Tripoli, avec l’impératif d’éparger les civils, les « institutions de l’État » et les ressortissants étrangers. « L’heure a sonné », a-t-il dit. Désormais, comme l’a indiqué l’un de ses porte-paroles, le général Ahmed Al-Mesmari, il s’agit de « purger l’ouest [de la Libye] des terroristes et des mercenaires. »

À Tripoli, le chef du Conseil militaire de Misrata, le général Ibrahim Ben Rajab, a appelé les forces loyales au GNA, à se tenir prêtes pour « faire face à toute menace » et arrêter « l’avancée maudites » des « rebelles » [c’est à dire des troupes du maréchal Haftar].

Dans un communiqué commun, la France, l’Italie, le Royaume-Uni, les États-Unis et les Émirats arabes unis se sont dits « très inquets » et ont appelé à une « désesacalade immédiate ». « À ce moment sensible de la transition en Libye, les postures militaires et les menaces d’action unilatérale ne font que risquer de propulser la Libye dans le chaos […]. Nous croyons fermement qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit en Libye », ont-ils affirmé. Et Londres a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies pour évoquer la situation.

Pour le moment, la position de l’ANL n’est pas connue avec certitude, si ce n’est que l’une de ses colonnes de véhicules serait entrée dans la ville de Garian, à une centaine de kilomètres au sud de Tripoli. « Nos hommes ont été accueillis par la population locale », a assuré, via Twitter, le général al-Mesmari.

Par ailleurs, ce 5 avril, le maréchal Haftar, a lancé une offensive surprise, appelée « Libérer Tripoli ». Mais ses troupes auraient été stoppées puis refoulées à une trentaine de kilomètres de la capitale libyenne par la milice de Zawiya,

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