Même avec un accord de paix, la situation de l’Afghanistan ne sera pas près de s’améliorer

Actuellement, et sans y associer Kaboul, les États-Unis et le mouvement taleb afghan négocient un accord de paix qui doit, pour résumer, permettre un retrait des troupes américaines d’Afghanistan en échange d’une promesse que le pays ne soit plus une terre d’accueil pour les groupes terroristes étrangers.

Seulement, affirme une étude [.pdf] que vient de publier l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan [SIGAR], qui dépend du Congrès américain, un tel accord présenterait plusieurs risques majeurs qui mettraient à bas tous les efforts accomplis jusqu’ici en faveur de la reconstruction du pays.

« Avec ou sans accord de paix, l’Afghanistan continuera probablement à faire face à de multiples organisations extrémistes violentes, qui menacent […] la communauté internationale », prévient ainsi le SIGAR, qui recense huit risques principaux dans le cas où les États-Unis et leurs alliés cesseraient de soutenir le gouvernement afghan.

Pour rappel, depuis 2001, Washington a déjà dépensé 132 milliards de dollars pour remettre le pays sur les bons rails, c’est à dire pour former et équiper ses forces de sécurité, renforcer ses institutions gouvernementales, promouvoir l’état de droit, garantir les droits des femmes et stimuler le développement économique. Et cet effort, craint le SIGAR, risque de passer par pertes et profits si les risques que supposent un éventuel accord de paix ne sont pas pris en compte.

Le premier des risques est que l’Afghanistan reste le pays qui présente la « plus grande concentration régionale de groupes terroristes dans le monde ». Et même si les taliban respectent leur promesse, estime le SIGAR, le pays aura « probablement » encore à combattre plusieurs organisations extrémistes susceptibles de menacer la communauté internationale, comme par exemple la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K]. « L’insécurité pourrait persister sous la forme d’une autre insurrection, de gangs criminels ou de réseaux impliqués dans d’autres activités néfastes », avance le rapport.

De là découle un autre risque, concernant l’avenir des forces de sécurité afghane, lequel est lié à la poursuite, ou non, du maintien des aides financières que leur octroient les États-Unis et, plus généralement, les pays de l’Otan. Et cela d’autant plus qu’elles présentent encore d’importantes lacunes capacitaires pour faire face, seules, à des groupes terroristes. Mais là n’est pas le seul problème.

« Plus de 300.000 Afghans [officiellement, nldr] servent actuellement dans les forces de sécurité », rappelle John Sopko, le chef du SIGAR. Or, « si en en raison d’une baisse du soutien financier, ils ne recevaient plus leurs soldes, cela pourrait représenter une menace sérieuse pour la stabilité de l’Afghanistan », prévient-il.

Et puis se pose une autre question : comment seront réintégrés les combattants du mouvement taleb afghan? « D’anciens talibans mécontents qui s’attendaient à toucher les dividendes de la paix pourraient retrouver un comportement violent et prédateur », estime le SIGAR.

En outre, d’autres problèmes endémiques restent sans solution. Tel est le cas de la corruption [un « sport » national en Afghanistan], qui mine la légitimité des autorités afghanes, ou encore celui de la production de pavot, laquelle a généré environ 1,4 milliard de dollars de recettes pour les cultivateurs afghans et alimenté de juteux trafics servant à financer, notamment, les activités du mouvement taleb. « Un accord de paix ne devrait pas changer cette dynamique », estime le SIGAR.

La situation économique de l’Afghanistan est d’ailleurs un autre facteur de risques. Certes, estime le SIGAR, un accord de paix pourrait « renforcer la confiance des entreprises » et « favoriser l’investissement », ce qui serait susceptible de doper la croissance et donner de nouvelles perspectives.

Cependant, note le rapport, à la faveur de cet accord, un « nombre non négligeable d’Afghans pourraient revenir du Pakistan » et « si cela se produit, ils se trouveront – avec d’anciens taliban – sur le marché du travail qui déjà du mal à absorber la jeunesse afghane. » En clair, il faudrait que les obstacles à la prospérité économique [manque de main d’oeuvre qualifiée, dépendance aux dons étrangers et forte corruption] soient levés.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]