L’Inde devient le quatrième pays à disposer d’un missile pouvant détruire un satellite en orbite basse

Un peu plus de 12 ans après la Chine, et alors qu’un accord est en cours de négociation, à Genève, afin de prévenir toute course aux armements dans l’espace, l’Inde vient de rejoindre le club très fermé des puissances capables de détruire un satellite en orbite par un tir de missile. C’est ce qu’a annoncé le Premier ministre indien, Narendra Modi, lors d’une allocuation télévisée, ce 27 mars.

« Il y a peu, nos scientifiques ont abattu un satellite en orbite basse à une distance de 300 kilomètres », a en effet annoncé M. Modi, qui a parlé d’un « moment de fierté pour l’Inde », qui, avec ce tir, rejoint ainsi « les superpuissances de l’espace ». Pour autant, a-t-il assuré, « notre but est d’établir la paix et pas de créer une atmosphère de guerre. » Et d’insister : « Ceci n’est dirigé contre aucun pays. »

Cet essai d’une arme antisatellite [A-SAT] a été conduit par la DRDO [Defense Research and Development Organisation] dans le cadre de la mission « Shakti ». Il a consisté à détruire un engin évoluant sur une orbite basse [300 km d’altitude] « dans les trois minutes suivant » le lancement du missile.

La destruction d’un satellite en orbite génère une quantité incalculable de débris, lesquels sont susceptibles d’être une menace pour les autres engins spatiaux. Pour autant, le ministère indien des Affaires étrangères a assuré que cela a été pris en compte par la DRDO. « L’exercice a été réalisé en atmosphère basse pour assurer qu’il n’y aurait pas de débris spatiaux. Quels que soient les débris générés, ils vont se désintégrer et retomber sur terre sous quelques semaines », a-t-il en effet déclaré.

« L’importance de ce test réside dans le fait que l’Inde a a testé et démontré avec succès sa capacité à interdire et à un satellite dans l’espace extra-atmosphérique sur la base d’une technologie autochtone complète », a souligné le quotidien Times of India.

Pour l’Inde, l’espace est devenu un enjeu extrêmement important, en particulier au regard de sa rivalité avec la Chine. Et depuis quelques années, elle a mis les bouchées doubles pour ne pas se laisser distancer, comme par exemple avec la mission Mangalyaan [ou Mars Orbiter Mission], qui a consisté à envoyer une sonde sonde de type orbiteur vers Mars. En outre, New Delhi a panifié des vols habités en orbite, via le programme Gaganyaan. La première mission devrait décoller en 2021.

Cela étant, les missiles anti-satellite que peuvent mettre en oeuvre les États-Unis, la Russie, la Chine et maintenant l’Inde ne sont pas les pertinents, dans la mesure où, en raison des débris générés, le « belligérant peut donc être sa propre victime », avait souligné, l’an passé, le lieutenant-colonel Thierry Catanéo, commandant du Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux [COSMOS].

« Du fait des risques de dommages collatéraux qui résultent de
la multiplication des débris en orbite à la suite de la destruction d’un objet spatial, la destruction d’objets spatiaux dans une logique non maîtrisée ne peut être vue que comme une option de dernier recours ou un moyen d’action ‘du faible au fort' », ont récemment avancé les députés Olivier Becht et Stéphane Trompille, dans un rapport dédié à ces questions.

D’ailleurs, les forces françaises auraient pu se lancer dans cette voie. « Aucune difficulté technologique n’y [aurait fait] obstacle : les anciens missiles du plateau d’Albion rempliraient très bien cette fonction au prix de quelques modifications, et les capacités balistiques de la force océanique stratégique suffisent à montrer que la France dispose de toutes les compétences technologiques requises pour mettre en œuvre de telles armes », est-il rappelé dans le rapport des deux parlementaires.

En outre, il existe d’autres moyens pour s’en prendre aux satellites utilisés par un adversaire : cyberattaque, manoeuvre autour de l’engin visé, impulsion électromagnétique, brouillage, faisceaux de micro-ondes, laser, etc.

Reste que le succès de la mission Shakti est à remettre dans le contexte que connaît l’Inde actuellement. Ce dernier est marqué par une rivalité accentuée avec le Pakistan ainsi que par la perspective des prochaines élections législatives qui auront lieu dans quelques semaines.

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