L’industrie allemande de l’armement critique la politique de Berlin en matière de défense

Visiblement, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, devra s’y résigner. Contrairement aux assurances données à l’Otan en juillet dernier et à ses engagements pris lors du sommet de Newport, en 2014, l’Allemagne ne portera pas ses dépenses militaires à 1,5% de son PIB d’ici 2025. Ou si elle le fait, ce sera au prix d’un effort budgétaire aussi considérable qu’improbable à partir de 2023.

En effet, selon le plan budgétaire pour la période 2019-23, le budget alloué à la Bundeswehr représentera 1,37% du PIB en 2020, 1,33% en 2021, puis 1,29% en 2022 et 1,25% en 2023. Pour le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, il s’agit ainsi d’anticiper une croissance économique beaucoup moindre que prévu, et donc une baisse des rentrées fiscales. D’où la nécessité de trouver près de 25 milliards d’euros d’économies pour équilibrer les comptes publics.

Évidemment, cette trajectoire budgétaire a été critiquée par les États-Unis, qui ne cessent de villipender Berlin pour la faiblesse de ses dépenses militaires. Et, pour couronner le tout, la décision du tribunal administratif de Münster sur la légalité des frappes américaines au Yémen n’aidera pas à mettre de l’huile dans les rouages, tout la question de la présence éventuelle du chinois Huawei dans les réseaux 5G allemands.

Ainsi, Richard Grenell, l’ambassadeur américain à Berlin, a jugé « inquiétant » le projet du gouvernement allemand visant à baisser « le niveau déjà inacceptable » de ses dépenses militaires.

Cela étant, et alors qu’elle défendait, il y a moins d’un an, la nécessité de donner plus de moyens à la Bundeswehr [une question de « crédibilité » de l’Allemagne, avait-elle dit], la chancelière allemande, Angela Merkel, assume.

« Nous allons poursuivre notre effort [en matière de dépenses militaires] mais pas si ça en coûte à l’aide au développement », a en effet prévenu Mme Merkel, le 19 lars, lors du forum « Global Solutions » à Berlin. « Que le président américain juge cela insuffisant, je peux le comprendre. Beaucoup de partenaires européens jugent aussi cela insuffisant », a-t-elle ajouté.

Mais il n’y a pas que le président Trump et les partenaires européens de Berlin qui jugent cela insuffisant. Ainsi en est-il du Groupement des Industries Allemandes de Sécurité et Défense [BVSD], dont le président, Hans Christoph Atzpodien, s’est fendu d’un communiqué pour critiquer les orientations fixées par Berlin.

Ainsi, ces dernières ont été qualifiées de « décevante » par M. Atzpodien, lequel n’a pas manqué de souligner les problèmes récurrents dans le domaine des équipements [et dénoncés par les rapports parlementaires] auxquels est confrontée la Bundeswehr. Et de prévenir que cette planification budgétaire aurait des « effets négatifs sur le rôle de l’Allemagne » dans les politiques en matière de coopération militaire de l’Union européenne et de l’Otan.

Selon le communiqué du BDSV, les entreprises allemandes du secteur de l’armement redoutent non seulement des dépenses militaires moins élevées que prévu mais aussi les restrictions imposées par Berlin en matière de ventes d’armes. Le Pdg d’Airbus, Tom Enders, a déjà eu l’occasion de dire tout le mal qu’il pensait de cette politique. D’ailleurs, son groupe cherche désormais à se passer de composants fabriqués en Allemagne afin de ne plus avoir les mains liés.

D’où l’avertissement lancé par l’Association fédérale de l’industrie allemande [BDI], après une déclaration faite par Andrea Nahles, la présidente du Parti social-démocrate [SPD], lequel fait partie de la « grande coalition » dirigée par Mme Merkel.

En effet, rapporte l’agence Reuters, Mme Nahles souhaite prolonger le moratoire sur les ventes d’armes destinées à l’Arabie Saoudite au moins jusqu’en octobre. Quitte à mettre dans l’embarras les Britanniques, qui ne peuvent honorer une commande portant sur 48 avions de combat Eurofighter ainsi que sur des missiles Meteor, des composants de ces systèmes étant produits en Allemagne.

« Il convient de convenir avec nos partenaires européens que les équipements dépendant des fournitures allemandes ne seront pas autorisés à être utilisés pour la guerre au Yémen », a ainsi expliqué un cadre du SPD à Reuters.

Pour la BDI, la prolongation de cette « interdiction unilatérale touchera particulièrement la France et la Grande-Bretagne et pourrait mettre en péril des projets commes le développement d’un nouvel avion de combat franco-allemand. »

La position du SPD « met en danger les projets communs et la politique européenne commune de défense. Avec l’embargo et le budget proposé pour 2020, Berlin est de plus en plus isolé parmi ses alliés les plus proches », a résumé Matthias Wachter, un expert des questions de défense travaillant pour la BDI.

Photo : Bundeswehr

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