L’Otan tance l’Allemagne sur le niveau de ses dépenses militaires

En septembre 2014, lors du somment de Newport, les pays membres de l’Otan ont tous convenu de porter le niveau de leurs dépenses militaires à 2% de leur richesse nationale [PIB] d’ici 2024. Et depuis qu’il est à la Maison Blanche, le président américain, Donald Trump, en a fait l’un de ses chevaux de bataille. Et pour cause : les États-Unis sont déjà largement au-dessus de ce seuil.

Pour autant, à en croire le dernier rapport annuel de l’Otan [.pdf], le budget militaire américain a significativement baissé entre 2011 et 2018, étant donné qu’il est passé de 740 à 680 milliards de dollars [en prix courants]. La différence est encore plus importante en prix constants de 2010. Mécaniquement, les États-Unis ont consacré à leurs forces armées 3,39% de leur PIB [contre 4,77% en 2011].

Globalement, les dépenses militaires de l’ensemble des pays membres de l’Otan représentent 2,36% du PIB, les Européens et le Canada étant à la traîne [avec 1,48% du PIB]. Cependant, quelques États du Vieux Continent ont déjà atteint l’objectif fixé en 2014. Tel est le cas de la Grèce [2,22%], du Royaume-Uni [2,15], de l’Estonie [2,07%], de la Pologne [2,05%], de la Lettonie [2,03%] et de la Lituanie [2%].

Cela étant, les Alliés adoptèrent une autre règle à Newport : 20% de leurs dépenses militaires devaient être dédiés à la modernisation de leurs capacités. Sur ce plan, 16 pays [sur 29] sont dans les clous. Ce qui n’est pas le cas de la Grèce, dont le budget militaire est le second plus élevé de l’Otan en terme de pourcentage de PIB. De même que l’Estonie.

Or, cette règle est tout aussi importante, si ce n’est plus, que celle dite des 2%.

« Il existe en fait une triple règle, dite la règle des ‘trois C’ : cash, capacités, contribution. Les États-Unis insistent […] quant au fait que les pays européens ne peuvent pas dépendre du parapluie américain et doivent investir sur le cash – ce sont les 2 % – qui correspondent au niveau d’ambition de l’Otan traduit en termes militaires », a expliqué le général [2S] Denis Mercier, ex-Commandant suprême allié Transformation [SACT], lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.

« Mais cela ne suffit pas » car « le budget ne fait pas tout », a-t-il continué. « Ainsi, certains pays ont des budgets de défense supérieurs à celui de la France, mais investissent tout dans les salaires du personnel. Ce faisant, ils ne modernisent pas leurs capacités. Le deuxième C correspond donc aux capacités […] », donc aux 20% des 2% du PIB, a poursuivi le général Mercier. Et ce dernier d’ajouter : « Mais cela ne suffit encore pas. En effet, il existe un pays qui investit les 2 %, y compris pour sa modernisation, mais qui conserve le tout pour sa défense personnelle et ne met rien à disposition des coalitions menées par l’Otan. D’où le troisième C, pour commitment ».

Quoi qu’il en soit, même si elle est particulièrement engagée dans les opérations de l’Otan [entre autres, elle dirige, cette année, le « fer de lance » de la force de réaction rapide tout en étant la nation cadre d’un bataillon multilnational en Lituanie, ndlr] l’Allemagne, qui a l’économie la plus puissante en Europe, ne respecte ni les 2% du PIB, ni les 20% dédiés aux capacités. D’ailleurs, lors du dernier sommet de l’Otan, à Bruxelles, en juillet 2018, elle a assuré que le niveau de ses dépenses militaires atteindraient 1,5% du PIB d’ici 2024… Sauf que, selon les chiffres du rapport annuel, elle n’en prend pas le chemin : le niveau de son effort de défense a stagné à 1,23% du PIB entre 2017 et 2018.

Et, d’après Der Spiegel, le ministre allemand des Finances, le social-démocrate Olaf Scholz, entend freiner l’évolution du budget de la Bundeswehr, en le portant à 44,7 milliards d’euros en 2020, sout 2,5 milliards de moins que prévu. Pour Ulrike Frank, un analyste l’European Council on Foreign Relations, cité par l’AFP, « cela signifie qu’il est très vraisemblable que l’Allemagne n’atteindra pas l’objectif pour 2024. » D’autant plus que les dépenses militaires sont un sujet récurrent de fricton entre les conservateurs de la CDU et les sociaux-démocrates du SPD au sein de la « Grande coalition » dirigée par Angela Merkel.

D’où le commentaire de Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. « J’attends de tous les alliés, y compris l’Allemagne, qu’ils tiennent leurs promesses », a-t-il prévenu, lors de la conférence de presse organisée pour présenté le rapport 2018 de l’Alliance. « Je m’attends à plus. Je m’attends à d’autres augmentations », a-t-il encore insisté, en évoquant l’engagement de Berlin d’augmenter le budget de la Bundeswehr de 80% entre 2014 et 2024.

Reste que, malgré tout, les dépenses militaires des pays européens membres de l’Otan et du Canada ont augmenté d’environ 4% de 2017 à 2018. Et de 41 milliards de dollars entre 2016 et 2018. « Ce chiffre devrait atteindre 100 milliards de dollars d’ici à la fin de l’an prochain », a estimé M. Stoltenberg.

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