Le renseignement extérieur estonien soupçonne la Russie d’utiliser des navires civils à des fins d’espionnage

Dans son rapport annuel [.pdf], le service estonien de renseignement extérieur [FIS] est formel : la seule menace « sérieuse » pour la sécurité de la Baltique et la souveraineté de l’Estonie vient de la Russie. Et pas d’ailleurs. Et c’est en effet ce qui ressort de ses analyses faites au sujet des manoeuvres militaires effectuées par les forces russes au cours de la « dernière décennie ».

Selon le FIS, un conflit militaire avec l’Otan pourrait être déclenché, par exemple, par la contestation du pouvoir en Biélorussie, pays avec lequel la Russie a connu quelques tensions récemment. Le rapport s’attarde longuement sur cette éventualité.

« Notre évaluation est que, si quelque chose d’imprévu devait arriver personnellement au président Alexandre Loukachenko ou à son régime, il y aurait un grand risque d’une action militaire rapide de la part de la Russie pour empêcher la Biélorussie de devenir une démocratie pro-occidentale », avance le renseignement extérieur estonien.

Et cela d’autant plus, explique le rapport, que « les conflits économiques persistants entre la Russie et la Biélorussie et les tentatives biélorusses de mener une politique étrangère indépendante ont amené les dirigeants russes à s’inquiéter de leur influence [sur Minsk] et à accroître la pression sur les dirigeants du pays. »

En outre, ce dernier estime que les pays baltes constituent actuellement le point faible de l’Otan, même si des mesures de « réassurance », comme le déploiement de bataillons multinationaux sur leur territoire [eFP, enhanced Forward Presence, ndlr], visent justement à dissuader la Russie de tenter quoi que ce soit.

« L’Estonie doit être préparée à une incursion militaire de la Russie », lit-on dans le ce rapport, qui avance par ailleurs qu’en « incitant à la haine entre les groupes ethniques locaux dans les États baltes », Moscou « tente simplement de se donner un prétexte pour une intervention militaire, le cas échéant ».

Justement, et dans l’optique d’une telle issue, le renseignement estonien soupçonne la Russie d’utiliser des navires civils pour espionner les « infrastructures critiques » de l’Otan. Ainsi, il est fait état, dans son rapport, de comportements suspects parmi ces derniers, comme des tentatives de pénétrer dans des zones vouées à des zones de manoeuvres navales ou interdites au trafic maritime [zones d’essais, approches des bases navales, etc…].

« Les tentatives d’entrer dans les eaux territoriales étrangères sans autorisation, sous le prétexte de devoir s’abriter de la tempête ou de réparations techniques, deviennent de plus en plus fréquentes », constate le FIS. Or, poursuit-il, « ce genre de comportement se démarque clairement des autres navires civils ordinaires. »

En outre, rappelle le renseignement estonien, tous les bâtiments appartenant à des sociétés et/ou à des agences étatiques russes sont enregistrés comme « navires de réserve », c’est à dire qu’ils sont susceptibles d’être utilisés comme navires de soutien par la marine russe.

Par ailleurs, le FIS affirme également que la Russie utilise des navires civils pour des « opérations d’influence » Ce qui est un « développement nouveau », selon lui.

« Une pratique actuellement en vogue consiste à utiliser les grands voiliers des agences d’État et des établissements d’enseignement russes, pour des voyages en mer, des régates et des festivals dans le monde entier. Une partie de ces voyages comprend des événements politiques pour les communautés russes locales, des reconstitutions de propagande d’épisodes choisis de l’histoire russe et des œuvres missionnaires de l’Église orthodoxe russe », est-il expliqué dans le rapport. Et de préciser : « Les politiciens, les responsables des gouvernements locaux et les hommes d’affaires visitant les navires font l’objet d’une attention particulière. »

Aussi, pour le renseignement estonien, comme ils sont une « sorte d’extension des autorités » de l’État puisqu’ils peuvent être, au besoin, être « utilisés pour rassembler des informations, poursuivre des objectifs militaires ou mener des opérations secrètes », les navires civils russes devaient faire l’objet d’une « plus grande attention. »

L’ambassade de Russie en Estonie a réagi à ces accusations d’une façon très ironique, sans pour autant aborder le fond du rapport publié par le FIS.

« Si l’on oublie le logo du service sur la couverture, on peut penser que ce document est en réalité une compilation d’histoires d’horreur antirusses imaginées par les médias occidentaux sur lesquelles les auteurs estoniens travaillent depuis un an », a-t-elle rétorqué, via un communiqué. « En conséquence, ils ont publié un fouillis incompréhensible de fausses insinuations, de faits déformés, d’évaluations biaisées et de diffamation pure fondés sur une haine profonde pour la Russie », a-t-elle ajouté.

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