La France va aider l’Éthiopie à redevenir une puissance navale

En 1952, suite à la défaite de l’Italie durant la Seconde Guerre Mondiale, les Nations unies associèrent l’Éthiopie à l’Érythrée au sein d’une fédération, ce qui donna à Addis Abeba un accès à la mer et permit, trois ans plus tard, la création de la Marine impériale éthiopienne. Forte de 3.500 marins, cette dernière put compter sur le soutien du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’Italie pour prendre forme, notamment pour la formation de ses officiers et son équipement.

Conçue pour assurer la défense littorale et patrouiller en mer Rouge, la Marine impériale éthiopienne reçut notamment le navire de lutte anti-sous-marine PC-1616, qu’elle baptisa « Zerai Deres » ainsi que des patrouilleurs et des vedettes. En 1962, l’US Navy lui céda un transport d’hydravions, l’USS Orca, qu’elle transforma en navire-école. En outre, elle créa une aviation navale, avec 6 hélicoptères UH-1 Iroquois.

En 1974, après la chute de l’empereur Haïlé Sélassié, renversé par un coup d’État fomenté par des militaires marxistes, Addis-Abeba se tourna vers l’Union soviétique. Et Moscou ne mégota pas son soutien à l’Éthiopie, y voyant une occasion de se rapprocher du stratégique détroit de Bab el-Mandeb. Et en 1991, la marine éthiopienne put, entre autres, compter sur 2 frégates, 6 patrouilleurs et des embarcations lance-torpilles.

Seulement, cette année-là, l’l’indépendance de l’Érythrée changea la donne. Privée d’accès à la mer, l’Éthiopie dut se résoudre à abandonner ses forces navales… après avoir tenté, durant 5 ans, de la maintenir à flot, en utilisant des bases dans la région, en particulier au Yémen et à Djibouti.

Pour autant, Addis-Abeba n’a pas renoncé à disposer d’une marine. « Nous avons mis en place l’une des forces terrestres et aériennes les plus puissantes d’Afrique … nous devons renforcer notre capacité navale à l’avenir », a en effet déclaré, en juin dernier, Abiy Ahmed, le nouveau Premier ministre éthiopien, cité par Fana Broadcasting. Et d’expliquer que les réformes militaires à venir devaient « tenir compte de l’évolution rapide de la situation mondiale, socio-économique et politique en Éthiopie. »

Reste que cette ambition de restaurer les capacités navales éthiopiennes passe évidemment par un accès à la mer. Ce qui explique en partie l’accord de paix conclu en septembre 2018 par l’Éthiopie et l’Érythrée, qui pourrait louer le port Assab à cette fin.

Par ailleurs, Addis-Abeba a passé des accords avec la province autoproclamée indépendante du Somaliland, afin de prendre une participation de 19% au capital du port de Berbera. Même chose avec Djibouti, pays par lequel transitent 95% des échanges commerciaux de l’Éthiopie. Qui plus est, le port djiboutien de Doraleh est relié à la capitale éthiopienne par une nouvelle ligne de chemin fer, construite grâce à des financements chinois afin de remplacer celle qui fut autrefois tracée par la France.

Justement, l’influence de plus en plus marquée de la Chine en Afrique de l’Est commence à faire grincer quelques mâchoires : les banques chinoises ayant énormément prêté d’argent, les acteurs économiques de la région se trouvent désormais très endettés… Ce qui les met à la merci de Pékin. D’où la carte que le président français, Emmanuel Macron, entend jouer afin de donner à la France un rôle de contrepoids dans cette partie du monde.

Lors du premier déplacement d’un président français en Éthiopie depuis celui effectué par Georges Pompidou, en 1973, M. Macron a ainsi fait, le 12 mars, plusieurs annonces, dont une concernant une aide de la France pour préserver les 11 églises du XIIIe siècle taillées dans la roche de Lalibela et menacées par l’érosion.

Mais c’est dans le domaine militaire que la coopération franco-éthiopienne atteindra un niveau inédit puisqu’il est question que Paris aide Addis-Abeba à restaurer ses capacités navales, dans le cadre d’un accord signé lors de la visite de M. Macron.

« Cet accord inédit de coopération de défense offre le cadre d’une coopération renforcée et ouvre notamment la voie à un accompagnement spécifique de la France sur la mise en place d’une composante navale éthiopienne », a en effet déclaré le président français, à l’issue d’un entretien avec M. Ahmed.

« Plus largement, il offre un cadre à notre coopération en matière aérienne, au partenariat entre nos troupes et une perspective en terme de formation et d’équipement », a continué M. Macron. Et d’ajouter : « Nous avons conscience de le signer avec un dirigeant qui a décidé de construire la paix dans toute la région et de lutter avec force contre le terrorisme et contre toutes les formes de menace. »

Effectivement, l’arrivée au pouvoir de M. Ahmed et l’élection de la présidente Sahle-Work Zewde [qui est francophone et francophile pour avoir étudié à Montpellier] ont donné lieu à l’annonce d’une longue série de réformes, à la recherche de meilleures relations avec les puissances voisines de l’Éthiopie et à une « dynamique d’ouverture ».

« Vous avez décidé de moderniser l’économie de votre pays […] donc indépendamment de toute opportunité commerciale, nous considérons que c’est une transformation que nous nous devons accompagner », a souligné M. Macron, en s’adressant au Premier ministre éthiopien. D’où l’annonce d’un prêt de politique publique de 85 millions d’euros consenti par Paris, assorti d’une assistance technique de 15 millions d’euros via l’Agenge française de développement [AFD].

Photo : Monument érigé devant l’ex-quartier général de la marine éthiopienne, à Addis-Abeba

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