Selon le général Mercier, l’Otan et l’UE ont convenu qu’il n’y aura « pas d’armée européenne »

En novembre, le président Macron lança un pavé dans la mare, lors d’un entretien donné à Europe1. « On ne protègera pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne. Face à la Russie qui est à nos frontières et qui a montré qu’elle pouvait être menaçante […] on doit avoir une Europe qui se défend davantage seule, sans dépendre seulement des États-Unis et de manière plus souveraine », avait-il dit.

Après les remous provoqué par cette déclaration, M. Macron expliqua plus tard qu’il s’agissait surtout de « construire une vraie capacité de défense européenne », qui plus est « autonome par rapport aux États-Unis ». Et d’enfoncer le clou :  » être allié, ça n’est pas être le vassal et donc, pour ne pas être le vassal, on ne doit pas dépendre » des Américains.

Puis, lors de la signature du traité d’Aix-la-Chapelle, le président Macron précisa sa pensée. Il n’y aura « pas une seule armée qui en remplace deux, parce que nous avons des spécificités et des différences. Mais on rapproche beaucoup nos capacités opérationnelles et on renforce du coup notre autonomie. Et on veut porter cela au niveau européen », avait-il dit au sujet de la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense.

Et de toute façon, une armée européenne ne pourra d’autant pas voir le jour que l’Otan et l’Union européenne [UE] ont convenu, lors des sommets de Varsovie [2016] et de Bruxelles [2018] qu’il n’en y aurait pas.

C’est en effet ce qu’a affirmé le général Denis Mercier, ex-chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAA] et ex-commandant suprême allié Transformation [SACT] de l’Otan, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 6 mars.

Ayant rappelé qu’une déclaration avait été publiée conjointement par l’Otan et l’UE afin de renforcer leur coopération dans six domaines [opérations, menaces hybrides, sécurité maritime, exercices, cyberespace et développement capacitaire], le général Mercier a précisé que « trois règles » tacites avaient été établies.

« À l’occasion de cette déclaration conjointe, et même si ce que je vais dire n’y est pas écrit, trois règles ont été réaffirmées : la défense collective relève principalement de l’Otan, il n’y aura pas d’armée européenne [et] il n’y aura pas de duplication des structures de commandement existant dans l’Otan », a déclaré l’ex-CEMAA. Et, a-t-il ajouté, elles « ont été systématiquement rappelées dans toutes les réunions des ministres de la Défense, auxquelles le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, et la haute représentante européenne Frederica Mogherini s’invitaient mutuellement. »

Toutefois, a continué le général Mercier, ces « règles figurent dans les comptes rendus » et elles « constituent le fondement de la coopération entre l’Otan et l’Union européenne. »

Évidemment interpellé par les députés sur cette question, l’ex-SACT a tenu à préciser que « l’Otan et l’Union européenne considèrent qu’il n’y aura pas d’armée européenne au sens d’une armée qui serait complètement sous commandement de l’Union européenne et que l’Otan ne pourrait plus utiliser. »

Voilà ce qui explique les déclarations de Mme Parly, la ministre des Armées. « L’Otan reste la pierre angulaire de la défense collective. Tout ce que nous faisons dans l’UE, nous le faisons en complément, pas en concurrence avec l’Otan », a-t-elle encore récemment affirmé, dans un entretien donné à l’AFP.

« Je crois que nous aurions raison de continuer à faire dans l’Union européenne ce que l’on fait dans l’Otan – la pleine souveraineté des nations, tout en faisant en sorte que les forces nationales puissent être mises à disposition de l’une ou l’autre organisation », a ensuite estimé le général Mercier.

En outre, ce dernier a souligné quela politique de sécurité et de défense commune [PSDC] de l’Union européenne ne fixe pas de directive politique, contrairement à ce que fait l’Otan tous les quatre ans.

Or, a rappelé le général Mercier, ces directives politiques « sont approuvées par 29 pays [bientôt 30, ndlr] avant d’être traduites en termes militaires par les commandements stratégiques, qui font ensuite de la recommandation en fonction des capacités militaires des nations et des besoins. »

Aussi, estime-t-il, « si l’on voulait aller plus loin dans une Europe plus intégrée, qui ressemble à l’Otan, […] la première question à poser est celle de la capacité des États membres à fixer une directive politique actualisée » car c’est « sur cette base que nous pourrions dessiner les contours d’une force européenne ». Faute de quoi, a conclu l’ex-SACT, « nous resterons dans des considérations très génériques. »

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